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dimanche 13 octobre 2024

SUBSTANCE, SUBSISTANCE, SUBSTRAT, SUBSTANTIF - I - METAPHYSIQUE.

 Le dictionnaire philosophique Lalande définit la substance comme ce qu'il y de permanent dans les choses qui changent : l'arbre a perdu ses feuilles, quelques-unes de ses branches mais, au fond, il reste le même arbre ; mon quartier a vu surgir de nouveaux bâtiments, de nouveaux commerces amis, au fond, il demeure le même quartier ; quant à moi-même, depuis ma conception, j'ai grandi, grossi, vieilli, etc. mais, au fond, je suis réputé toujours le même. Il semble donc évident qu'il y a, "au fond" de tout changement, une réalité homogène et permanente qui, elle, ne change pas, qui est immuable et incorruptible, un "même" qui résiste vaillamment aux assauts de l'"autre". Cependant, moi, par exemple, en quoi suis-je toujours le "même" puisque, à l'instar du bateau de Thésée, la totalité de mon matériau biologique se renouvelle en moyenne tous les 7 à 10 ans ? Et ce qui vaut pour moi ne pourrait-il pas s'étendre à toute réalité ? Se pourrait-il alors que toute permanence ne fût qu'illusion et que, comme le disait déjà Héraclite d'Éphèse (VI° siècle a.e.c.), "rien n'est permanent [πάντα ῥεῖ], sauf le changement. Seul le changement est éternel"(Héraclite, Fragments, 142). Et nous pouvons faire, quant à l'homogénéité dans l'espace, le raisonnement que nous avons fait pour la permanence dans le temps : qu'est-ce qui fait que moi, cet arbre, ce quartier, cette communauté soyons considérés comme "un" alors que nous sommes manifestement composés de substrats divers et variés. Se pourrait-il que, comme le soulignait Hume, "nous feign[i]ons l’existence continue des perceptions de nos sens pour en supprimer la discontinuité pour aboutir aux notions d’âme, de moi et de substance"(Hume, Traité de la Nature Humaine, I, iv, 6) ? Pour autant, il y doit bien y avoir en tout phénomène quelque chose qui, à défaut d'être homogène et permanent, soit néanmoins, à quelque degré, subsistant, faute de quoi, comment le localiserait-on, comment l'identifierait-on, comment le reconnaîtrait-on ? Et, au-delà, si tout n'est qu'apparition ou illusion, que reste-t-il de la réalité puisque, précisément, la réalité est censée être ce qui résiste à l'illusion ? Nous allons voir que c'est pour contourner ce genre de mise en abîme vertigineuse que s'est constituée une onto-théologie, la métaphysique, qui s'est donné pour mission d'imposer la notion fondamentale de substance comme une nécessité. Pourtant, en quelque vingt-cinq siècles d'existence, la métaphysique n'a jamais réussi à convaincre les sotériologies indienne ou chinoise d'une telle nécessité. On peut même dire que le riche débat qui a toujours eu lieu entre le brahmanisme et le bouddhisme à propos des notions de "soi" (âtman) et de permanence (nitya) prouve le caractère non-universel de la notion de substance. Mais, ce qui est beaucoup plus surprenant, c'est encore dans le développement de l'épistémologie occidentale depuis la fin du XIX° siècles que la notion de substance s'est révélée n'être qu'une illusion, certes nécessaire, mais une illusion tout de même.

SUBSTANCE, SUBSISTANCE, SUBSTRAT, SUBSTANTIF - II - SOTERIOLOGIE.

SUBSTANCE, SUBSISTANCE, SUBSTRAT, SUBSTANTIF - III - EPISTEMOLOGIE.

 (suite de ...)