各国无产者联合起来 ! PROLETAIRES DE TOUS PAYS UNISSEZ-VOUS !

各国无产者联合起来 ! PROLETAIRES DE TOUS PAYS UNISSEZ-VOUS !

mercredi 12 février 2003

LA THEORIE RUSSELLIENNE DES DESCRIPTIONS.

Ceci est le texte de la conférence que j'ai donnée à l'IUFM d'Aix-en-Provence le 12/02/2003.

(cf. aussi Vrais et Faux Noms Propres chez Russell ainsi que Descriptions, Noms Propres et Egocentriques Particuliers chez Russell)

Dans la préface d’un ouvrage demeuré, hélas, inachevé et consacré à l’évolution philosophique de Russell, Alan Wood écrit : “Bertrand Russell est un philosophe sans philosophie. On pourrait dire la même chose en disant qu’il est un philosophe de toutes les philosophies. Il n’est guère de point de vue philosophique important aujourd’hui que l’on ne trouve reflété dans ses écrits à une période ou une autre1. Il y a deux manières de comprendre cette phrase : comme un blâme ou comme un éloge. Comme un blâme si l’on veut dire que la très longue vie de B.Russell a été ponctuée de retournements de veste propice à la dispersion, sinon à l’inconséquence, voire à la complaisance intellectuelle. Comme un éloge si l’on veut dire que la fécondité des intuitions premières du philosophe s’est manifestée par leur développement progressif dans leur application à des domaines aussi divers que la science, l’éthique, la psychologie, la religion, l’histoire ou la politique. Notre objectif est de montrer que c’est cette deuxième interprétation qu’il convient de faire à la lumière de “ce paradigme de la philosophie2, selon l’expression de Franck Ramsey, que constitue la théorie russellienne des descriptions de 1905, dont nous essaierons de préciser brièvement l’enjeu éthique, la méthode logique, le résultat épistémique et les conséquences ontologiques.


I - La théorie de la vérité-correspondance comme enjeu éthique.

Mon évolution philosophique depuis les premières années de ce siècle peut en gros se décrire comme une renonciation progressive à Pythagore3. Effectivement, les débuts philosophiques de Russell sont empreints d’un pythagorisme exalté pour les mathématiques dont “la beauté froide et austère [...] nous entraîne loin de l’humain, dans le domaine de la nécessité absolue à laquelle obéissent non seulement le monde réel mais tous les mondes possibles4. Rien d’étonnant alors à ce que tous ses premiers travaux de 1897 à 1904 soient consacrés au problème du fondement des mathématiques, en particulier le grand ouvrage de 1903 écrit en collaboration avec G.E.Moore, Principles of Mathematics dont le premier objectif, comme il l’écrit dans les premières lignes de la préface, est “de fournir la preuve que la totalité de la mathématique pure traite exclusivement de concepts définissables au moyens d’un très petit nombre de concepts logiques fondamentaux5. C’est-à-dire que son objectif principal consiste à soutenir la thèse de la réduction logiciste selon laquelle “la mathématique et la logique sont identiques6. La définition qu’il donne de la mathématique pure ou de la logique est la suivante : “la mathématique pure est la classe de toutes les propositions de la forme ‘p implique q’, où p et q sont des propositions contenant une ou plusieurs variables, les mêmes dans les deux propositions, et où ni p ni q ne contiennent d’autres constantes que des constantes logiques [...] en outre la mathématique fait usage d’une autre notion qui n’est pas un constituant des propositions qu’elle considère, à savoir celle de vérité”7. Pour le Russell pythagoricien donc, la vérité est une notion dont la mathématique pure fait usage sans jamais avoir besoin de la définir pour la raison que la mathématique pure est entièrement analytique, “elle dérive de prémisses purement logiques et n’utilise que des concept définissables en termes de logique8. Dès lors, comme l’écrit Moore dans un article de 1899 : “on ne peut pas définir le genre de relation qui rend une proposition vraie, une autre fausse, on ne peut que la reconnaître immédiatement9. Bref, nous ne jugeons pas de la vérité d’une proposition car celle-ci est analytique dans le sens où notre esprit est en relation avec les entités mathématiques de la manière la plus directe, la plus intuitive qui soit.

Même s’il reconnaît que “la Première Guerre mondiale devait [lui] rendre impossible de vivre dans un monde d’abstractions10, Russell va néanmoins conserver des traces indélébiles des préoccupations épistémiques de sa première philosophie, préoccupations qui apparaissent clairement dans l’annonce du deuxième objectif des Principles of Mathematics et qui est “d’expliquer les concepts fondamentaux que la mathématique admet comme indéfinissables, [ce qui] est un effort pour voir et pour faire voir aux autres clairement ces entités de façon que l’esprit puisse en avoir cette sorte de connaissance directe que l’on a du rouge ou du goût de l’ananas, [...] les indéfinissables sont essentiellement obtenus en tant que résidu nécessaire d’un processus analytique11. On peut en effet rétrospectivement reconnaîtres là l’ébauche de trois constantes russelliennes :
- le matériau de base du philosophe, cela va être la proposition à partir de quoi s’il s’agit de “voir et faire voir aux autres clairement” les indéfinissables en commençant par “expliquer les concepts fondamentaux” ; ce qui veut dire que les propositions complexes de départ sur lesquelles va devoir porter l’effort d’explication du philosophe, seront des ensembles d’objets et non pas des ensembles de mots car “une proposition [...] ne contient pas elle-même de mots, elle contient les entités indiquées par les mots12, une proposition n’est ni une image mentale, ni une image linguistique, mais un fait réel qui tient lieu d’un autre fait réel
- la tâche essentielle du philosophe, cela va être l’analyse, le “processus analytique”, c’est-à-dire la décomposition d’une proposition, complexe dans son état premier, en une forme pure, c’est-à-dire “celle que vous obtenez en substituant à chacun de ses constituants une variable13, laquelle est donc le “résidu nécessaire” de l’analyse, ce que Russell appelle ici “les indéfinissables”, c’est-à-dire des atomes logiques, des éléments absolument simples qui sont justement présupposés par toute définition et toute explication et qui, pour cette raison, font de son idéalisme primitif un idéalisme pluraliste
- enfin, l’enjeu majeur de la philosophie, c’est d’avoir et si possible de susciter à l’égard du résidu ultime de son analyse une relation directe telle que “l’esprit puisse avoir cette sorte de connaissance directe que l’on a du rouge ou du goût de l’ananas14, enjeu qui deviendra un paradigme de l’épistémologie russellienne et, au-delà, de l’empirisme logique tout entier.

En revanche la “renonciation progressive à Pythagore” va s’enraciner dans la critique indirecte de son idéalisme à travers la prise de conscience du caractère essentiellement synthétique de la vérité à --l’occasion de discussions des théories de la vérité respectivement du pragmatisme de James, et de l’hégélianisme de Bradley. Selon le compte rendu que fait Russell du pragmatisme de James, “le pragmatiste soutient qu’une croyance doit être jugée vraie si elle a certaines sortes d’effets, [c’est-à-dire] une vérité est quelque chose qu’il est payant de croire15. Le problème est que “les espoirs de paix internationale, comme la réalisation de la paix intérieure, dépendent de la création d’une force effective de l’opinion publique qui serait fondée sur une estimation juste de qui a raison et de qui a tort dans les conflits16. Dit d’une autre manière, il est moralement souhaitable de se doter d’une conception de la vérité qui fasse de celle-ci une norme publique d’évaluation des croyances capable de fonctionner comme un instrument d’arbitrage des conflits. Une solution radicale pourrait consister dans la théorie moniste de la vérité, telle que la défendent les néo-hégéliens tels que Bradley : “cette doctrine, qui est l’un des fondements de l’idéalisme moniste [...] signifie qu’il n’y a rien qui soit entièrement vrai en dehors de la totalité du vrai, et que les propositions qui peuvent passer pour des vérités isolées, comme 2+2=4, [...] sont seulement plus ou moins vraies ; en effet, lorsqu’on les isole artificiellement, on les dépouille des relations qui font d’elles des parties de la totalité du vrai17. Là encore, on voit bien le problème : dans la mesure où il n’y a de vérité que dans le grand tout (Dieu, la totalité des mondes possibles, l’Esprit Absolu, etc.), que donc tout jugement portant sur une partie de ce tout est nécessairement mutilé et confus, alors “aucune proposition n’exprime jamais quelque chose qui soit entièrement vrai, et aucune n’exprime quelque chose d’entièrement faux [au point que] si des jurés ont à se prononcer sur le point de savoir si un homme est coupable d’un crime, ce critère ne nous donne aucun moyen de distinguer entre un verdict juste et un autre qui ne l’est pas18.

Bref, pragmatisme et monisme sont des doctrines objectivement complices en ce qu’elles dépouillent la notion de vérité de toute portée pratique. Et c’est à l’occasion de la discussion de ces deux doctrines dans les années 1905-1906, que Russell prend brusquement conscience du caractère problématique de la notion de vérité alors que, jusqu’en 1904, il affirmait que les propositions sont vraies ou fausses “exactement comme certaines roses sont rouges et d’autres blanches19. Et ce qui rend la vérité problématique, c’est que
- d’abord “en l’absence de croyance, le faux n’existerait pas, le vrai non plus dans la mesure où le vrai est corrélatif du faux20, autrement dit le vrai et le faux sont des propriétés des croyances et non pas des propositions en tant que telles: ces qualités sont donc synthétiques en ce qu’elles dépendent des relations que nous, humains, entretenons avec le monde extérieur et non pas, dans l’absolu, des qualités analytiques appartenant à des entités indépendantes de nous
- il s’ensuit que “la vérité ou la fausseté d’une croyance dépend toujours de quelque chose d’extérieur à la croyance même21, c’est-à-dire que le caractère relationnel de la vérité suppose l’extériorité mutuelle de la croyance et de son vérificateur ; en d’autres termes, le problème de l’applicabilité pratique de la notion de vérité impose de considérer celle-ci comme correspondance d’une croyance avec son vérificateur.

Or, un palier supplémentaire dans la “renonciation à Pythagore” va être franchi par Russell lorsqu’il va se rendre compte, à la faveur d’un article de 1904 où il compare sa première philosophie à celle de Meinong, que le caractère relationnel (et non relatif) de la vérité s’accomode mal de l’inflation ontologique qui caractérise l’idéalisme pluraliste des Principles of Mathematics. En effet dans l’ouvrage de 1903, Russell écrit que “tout ce qui peut être un objet de pensée, ou peut figurer dans n’importe quelle proposition vraie ou fausse, ou peut être considéré comme un, je l’appelle un terme [ce que] j’emploierai comme synonyme des mots unité, individu et entité22. Par ailleurs “on peut distinguer deux sortes de termes que j’appellerai respectivement les choses et les concepts. Les premiers sont ceux qu’indiquent les noms propres, les seconds ceux qu’indiquent tous les autres mots23. Les choses, ce sont les entités qu’indiquent les noms propres, ce ne sont rien d’autre que ce que nous appelons ordinairement les individus, ou encore les objets physiques, encore que “parmi les choses, on fait entrer tous les points et les instants particuliers, et beaucoup d’autres entités qui ne sont pas habituellement appelées choses24, à savoir tout ce qui est désigné par des indexicaux (ici, maintenant, ceci, moi, etc.) et tous les personnages de fiction, de légende, de mythe, etc. eux-aussi désignés par des noms propres. Quant aux concepts, ce sont les entités qu’indiquent tous les autres mots, c’est-à-dire en fait tous les noms communs, tous les adjectifs et tous les verbes, les universaux, comme les a baptisés la tradition philosophiques. De sorte que, à côté des choses possédant des coordonnées spatio-temporelles et qui, pour cela sont dites exister, “les nombres, les dieux d’Homère, les relations, les chimères, les espaces à quatre dimensions ont tous l’être, car s’ils n’étaient pas des entités d’un certain genre, nous ne pourrions pas formuler de proposition à leur sujet25. On se souvient qu’une telle luxuriance ontologique conduit au paradoxe du relativisme souligné déjà par Platon dans Euthydème26 : si dire la vérité, c’est dire ce qui est, et si ce qui est faux doit bien être d’une certaine manière sous peine d’indicibilité, alors dire ce qui est faux, c’est dire la vérité.

Mais supposons à présent que, au titre des entités qui à défaut de posséder l’existence spatio- temporelle, possède néanmoins l’être au sens des Principles, il y ait la croyance, vraie ou fausse, considérée comme un état intentionnel. “Supposons qu’il y ait de tels objets, et donnons-leur, avec Meinong, le nom d’Objektive27[...] ainsi, la question de la signification du vrai et du faux devra d’abord être posée à propos des Objektive et nous devons trouver un moyen de distinguer, parmi les Objektive, ceux qui sont vrais et ceux qui sont faux28. L’exemple favori de Russell est fourni par le drame shakespearien dans lequel Othello croit que Desdémone aime Cassio (C1), supposons qu’il croie aussi que Iago déteste Cassio (C2). Qu’est-ce qui rend C1 fausse et C2 vraie ? Si la vérité ou la fausseté ne dépendait que de la possibilité ou non pour Othello d’entrer en relation directe avec chacune des entités indiquées par les propositions “Desdémone aime Cassio” et “Iago déteste Cassio”, alors discriminer C1 et C2 du point de vue de la vérité et de la fausseté serait impossible puisque Othello serait directement en relation à la fois avec chacune des trois entités indiquées par C1 (Desdémone, Cassio, l’amour) et chacune des trois entités indiquées par C2 (Iago, Cassio, la haine). Certes cette mise en relation directe est absolument nécessaire, sinon Othello ne saurait même pas sur quoi porte sa croyance. Mais enfin, cette mise en relation directe ne suffit justement pas à rendre compte de la différence de valeur entre C1 et C2.

Supposons alors qu’Othello soit en relation directe avec les Objektive comme états de conscience consistant respectivement à croire C1 (O1=”que Desdémone aime Cassio”) et à croire C2 (O2=”que Iago déteste Cassio”). Il est clair que O1 n’est pas intrinsèquement faux et O2 n’est pas intrinsèquement vrai. Bien plutôt “nous sentons que lorsque notre jugement est vrai, il doit y avoir en dehors de notre jugement une entité qui lui correspond d’une manière ou d’une autre, tandis que, quand notre jugement est faux, aucune entité semblable ne lui correspond29. En effet, l’entité qui rend vraie C2, ce n’est pas O2, mais le fait F2 qui consiste en ce que Iago déteste effectivement Cassio, soit un certain arrangement d’individus et de relations se présentant réellement dans les conditions énumérées par les termes de la croyance elle-même, à savoir qu’il existe l’individu Iago, l’individu Cassio, et le premier est en relation de détestation à l’égard du second. Bref, O2 (“que Iago déteste Cassio”) n’est au mieux qu’une partie de C2 (“Othello croit que Iago déteste Cassio”), “cette expression ne possède pas par elle-même une signification complète qui lui permettrait de dénoter un objet défini30, elle ne possède donc pas l’unité caractéristique de l’objet en quelque sens de ce mot que ce soit : il n’y a pas d’objet tel que O2, mais des mots qui renvoient à des objets avec lesquels Othello est invité à se mettre en relation directe, non pas indépendamment, mais dans le cadre d’un arrangement factuel. Ce n’est pas comme si on disait “Othello croit Iago”, et qui signifierait qu’Othello est en relation directe (perceptive en l’occurrence) avec un objet et un seul (Iago). Dès lors, si C1 est fausse, ce n’est pas parce qu’O1 est une fausseté objective, mais parce qu’il n’existe pas de fait réel F1 correspondant en ce sens à C1. Bref, la théorie russellienne de la vérité-correspondance exige une ontologie peuplée uniquement d’individus et de relations entre individus.
Résumons :
- pour qu’elles soient pratiquement applicables la vérité et la fausseté doivent s’attacher à qualifier les croyances des sujets pensants à propos d’atomes logiques, des indéfinissables qui sont, soit des individus perceptibles, soit des relations intelligibles
- ces croyances doivent, pour être qualifiées de vraies, correspondre avec un fait extérieur à la croyance, la fausseté n’étant que l’absence d’une telle correspondance qui consiste en une mise en relation directe de l’esprit avec les constituants logiques de la croyance
- tant qu’il n’y a pas eu de mise en correspondance qui fournisse à l’esprit une croyance soit vraie, soit fausse, les constituants n’en sont connus qu’indirectement, c’est-à-dire hypothétiquement, via les conditions générales de vérification de la croyance énoncées par les conditions de vérité de la proposition.


II - L’analyse des constituants de la proposition comme méthode logique.

Comme l’écrira Russell en 1912, “une théorie de la vérité doit être telle qu’elle permette de comprendre la possibilité du faux [...]. De ce point de vue, notre théorie de la croyance doit être très différente de notre théorie de l’expérience directe31. La découverte des conséquences moralement inacceptables de son idéalisme primitif et, corrélativement, la part croissante que vont prendre les préoccupations épistémiques chez Russell, expliquent pour une bonne part l’intérêt qu’il va désormais accorder à la croyance. C’est pourquoi “l’exigence de comprendre la possibilité du faux interdit de regarder la croyance comme une relation entre l’esprit et un seul objet qui pourrait être assimilé à ce qu’on croit32. En effet, si la théorie de la vérité-correspondance fait problème, c’est que la connaissance y est relationnelle dans le sens où l’esprit est indirectement en relation avec plusieurs objets (par exemple Desdémone, Cassio et l’amour), indirectement parce que ces objets ne sont pas directement intuitionnés mais présentés d’après leurs conditions de vérification (par exemple, “que Desdémone aime Cassio”). Le défi à relever est donc clairement “de savoir comment traiter de l’erreur sans supposer l’existence du non-existant33, par exemple l’amour de Desdémone pour Cassio. Or, regarder la croyance comme une relation indirecte de l’esprit aux objets de sa croyance plutôt qu’à sa croyance comme objet suppose
- de considérer la forme propositionnelle “A croit que p” comme opaque pour la raison que la clause “que p” ne désigne nul objet (contrairement à “A croit B”, ou B est un objet)
- de paraphraser “A croit que p” en “A croit ceci : il existe un individu nommé A, il existe un individu nommé B, et c’est un fait que le premier entretient avec le second une relation R”, ce qui est moins poétique mais plus transparent.
Donc comme dans les Principles, l’analyse logique va demeurer le moyen de réduire le complexe au simple pour que l’esprit ait une connaissance directe des constituants de celui-ci, sauf que désormais il va s’agir d’utiliser le statut de la logique comme langue purement formelle pour éliminer les inévitables obscurités inhérentes à l’expression des croyances dans le langage ordinaire. Il va donc désormais s’agir d’user de la rigueur logique pour, selon la formule de Quine, “raser la barbe de Platon avec le rasoir d’Occam”, c’est-à-dire lutter contre l’inflation ontologique commun au réalisme naïf, au pragmatisme et à l’idéalisme. Plus précisément, l’enjeu de la paraphrase logique va être “de procéder avec le plus petit appareil possible, [...] parce qu’il n’est pas nécessaire de nier les entités que l’on n’affirme pas, et que, par conséquent, moins on suppose d’entités, moins on court le risque de se tromper34. Ce paradigme méthodologique sera repris par Wittgenstein : “le but de la philosophie est la clarification logique des pensées. La philosophie n’est pas une théorie mais une activité35.

On pourrait objecter à Russell, à Quine ou à Wittgenstein que la philosophie ne les a pas attendus pour dénoncer et éliminer les fautes, les illusions et les erreurs engendrées par l’usage ordinaire du langage, voire même que, dans un certain sens, toute philosophie, en tant qu’elle problématise la doxa, est déjà une analyse logique du langage. Oui mais tous les usages antérieurs de l’analyse logique ont fini par s’amalgamer et par instituer un dogme dont les deux aspects corrélatifs sont, comme le remarque Russell dans son étude sur la philosophie de Leibniz en 1900
- que “chaque proposition est en dernière analyse, réductible à une proposition qui attribue un prédicat à un sujet36, toute proposition in fine sera donc de la forme canonique “A est B”, le sujet étant, au sens d’Aristote, l’expression linguistique de la substance, le prédicat celle de l’accident
- que “dans chaque proposition ainsi réduite [...] le prédicat est contenu en quelque façon dans le sujet37, en vertu du principe de l’inhérence du prédicat au sujet selon lequel “celui qui entendrait parfaitement la notion du sujet jugerait aussi que le prédicat lui appartient38.
Il s’ensuit que “tout jugement vrai énonçant un lien de sujet à prédicat est analytique, c’est-à-dire que le prédicat est une partie de la notion du sujet39. Le problème c’est que cette forme dogmatique d’analyse logico-grammaticale caractérise l’idéalisme moniste que précisément Russell combat :
- la vérité y est conçue non comme correspondance mais comme cohérence, c’est-à-dire comme non-contradiction de la totalité des prédicats inhérents à un sujet donné et, au-delà, à la totalité des sujets entre eux, et par conséquent “la seule proposition totalement vraie est une proposition qui attribue un prédicat à Dieu40, c’est-à-dire à l’entendement qui perçoit la totalité effective des prédicats
- la logique y est conçue comme langue parfaite, comme lingua characterica universalis de sorte que, lorsque naîtront les controverses, on n’aura pas besoin de discuter davantage : il suffira de se dire l’un à l’autre ‘calculons41, ce qui d’ailleurs est loin d’être exempt de préoccupation éthiques, mais là encore, de type moniste, à l’opposé du pluralisme russellien.

Il appartient à Kant d’avoir le premier ébranlé l’édifice de cette logique dogmatique qui, “depuis Aristote [...] n’a pu faire un seul pas en avant et qu’ainsi, selon toute apparence, elle semble close et achevée42. Kant est en effet le premier à avoir remarqué que l’utilité de la logique formelle se borne, par son caractère analytique, à n’être que “la pierre de touche à tout le moins négative de la vérité43, autrement dit un simple canon pour l’entendement et non pas un organon : “elle sert non à étendre, mais seulement à apprécier et rectifier notre connaissance44. A contrario, sera prohibée toute utilisation dialectique de la logique dans l’intention de “tirer, du moins en apparence, des assertions objectives45, car alors, la logique formelle devient la logique de l’illusion. Par exemple, la logique formelle ne peut conclure à l’existence ou l’inexistence d’une chose, car ce qui existe “s’accorde avec les conditions matérielles de l’expérience [tandis que] ce qui s’accorde avec les conditions formelles de l’expérience [...] n’est que possible46. Donc la logique formelle ne se préoccupe que de la condition de possibilité de la chose résidant dans la non contradiction interne de ses prédicats : la logique ne se préoccupe que des jugements analytiques, c’est-à-dire tels que “le prédicat B appartient au sujet A comme quelque chose qui est contenu de manière cachée dans le concept A47. Ce qui explique que “dans le simple concept d’une chose, on ne saurait trouver aucun caractère de son existence48, car l’existence d’une chose n’apporte aucune détermination supplémentaire au concept de cette chose. Bref, l’existence n’est pas un prédicat analytique mais synthétique, c’est-à-dire tel que “B est entièrement hors du concept A, bien qu’en connexion avec lui49, autrement dit, la proposition “A existe”, n’est pas de la forme “A est étendu” (jugement analytique) mais plutôt de la forme “A a une cause” (jugement synthétique a priori). La première charge menée par Kant contre la logique aristotélicienne réinterprétée par Leibniz conduit donc à deux découvertes fondamentales :
- la logique n’est qu’un instrument d’élimination des contradictions internes d’une proposition et non pas une langue parfaite et totale
- tous les prédicats ne sont pas analytiques, certains sont synthétiques, c’est-à-dire doivent s’accorder d’une manière ou d’une autre avec les conditions matérielles de l’expérience.

Celui qui va faire faire à la logique formelle le “pas en avant ” dont parle Kant, c’est, quelques années avant Russell, Gottlob Frege, dont la préoccupation première est, comme pour Russell, le fondement des mathématiques et dont la thèse logiciste est très proche de celle du Russell des Principles : “les lois de l’arithmétique sont des jugements analytiques [...] l’arithmétique serait donc simplement une logique développée50. Certes, Frege rend hommage à Kant qui “a le grand mérite d’avoir distingué entre jugements synthétiques et jugements analytiques51. Mais il lui reproche d’avoir “visiblement sous-estimé la valeur des jugements analytiques [...]. Kant pense aux jugements universels affirmatifs. Dans ce cas, on peut bien parler d’un concept sujet et demander si le concept prédicat y est inclus [...]. Mais qu’en est-il si le sujet du jugement est un objet particulier ? Qu’en est-il s’il s’agit d’un jugement d’existence ? On ne peut alors, en ce sens, parler d’un concept sujet52 : autrement dit, la conception kantienne de la logique formelle permet d’analyser correctement “tous les corps sont étendus”, mais non pas “Socrate est étendu”, ni “Socrate existe”. Frege se propose en conséquence de donner une expression convenable de ce qu’est une proposition en général. Pour cela “je pars de ce qu’on appelle fonction en mathématiques53, dit Frege. Prenons par exemple la formule “2x3+x”. Quelle est le rôle du signe x ? Eh bien il indique une place vide, on pourrait écrire à sa place “2.( )3+( )”, et on s’attend à ce que cette place vide soit occupée par un nombre déterminé. Ce qui montre que “les deux parties en lesquelles l’expression est analysée, le signe de l’argument et le signe de la fonction ne sont pas du même genre : l’argument est un nombre, un tout fermé sur soi, ce que n’est nullement la fonction54. Autrement dit, la forme générale f(x) s’analyse, lorsqu’on remplace x par un nombre déterminé, en un signe de fonction (f) et un signe d’argument (le nombre qui prend la place vide). Donc fonction et argument ne sont pas homogènes comme le sont le concept du sujet et le concept du prédicat dans la logique classique : la fonction est par elle-même incomplète tant qu’elle n’est pas saturée par un argument qui, lui, désigne un objet, c’est-à-dire “un tout fermé sur soi”. Ce qui devient évident lorsque “l’on analyse la proposition ‘César conquit les Gaules’ en ‘César’ et ‘( ) conquit les Gaules’ : la seconde partie est insaturée, elle traîne une place vide avec elle, et ce n’est qu’après avoir rempli cette place par un nom propre ou une expression équivalente qu’on voit naître un sens fermé sur lui-même55. On peut donc dire que toute proposition affirmative n’est qu’une forme particulière de l’expression mathématique d’une fonction saturée par un argument, ou encore un objet : “un objet est tout ce qui n’est pas fonction, c’est ce dont l’expression ne comporte aucune place vide56. Et, dans le cas particulier de la proposition affirmative, la fonction devient concept : “un concept est une fonction dont la valeur est toujours une valeur de vérité57, c’est-à-dire que, de même que “2x3+x” prendra la valeur “18” si on remplace x par “2”, de même “x conquit les Gaules” prendra la valeur “vrai” si on remplace x par “César”. La forme sujet-prédicat n’est donc que le cas particulier linguistique de la forme propositionnelle générale fonction-argument, la fonction étant le signe d’un concept et l’argument celui d’un objet.

Pourtant, il n’est pas difficile de trouver des exemples où cette distinction va poser problème. Si on remplace “A” par “Mercure, Vénus, ... Pluton” et “être B” par “être les planètes du système solaire”, tout va bien. Mais si on remplace “A” par “les planètes du système solaire” et “B” par “être au nombre de neuf”, ça se complique : comment l’expression insaturée d’une fonction dans un cas peut-elle devenir l’expression complète d’un objet dans l’autre cas ? Pire, il semble que, dans certains cas, on puisse dire indifféremment “A est B” ou “B est A”, “Vénus, c’est l’étoile du berger” ou “l’étoile du berger, c’est Vénus”. 
 
Le premier cas est typique d’une construction où une fonction est l’argument d’une autre fonction, où un concept est l’objet d’un autre concept. Cela dit, “Mercure, Vénus, ... Pluton sont les planètes du système solaire” n’a pas la même forme logique que “les planètes du système sont au nombre de neuf”. En effet, il faut encore distinguer entre deux sortes de déterminations : “quand je parle des propriétés qui sont dites d’un concept, je n’entends évidemment pas les caractères qui composent le concept et qui sont des propriétés des choses qui tombent sous ce concept58. “Etre un astre froid”, “être un satellite du soleil”, etc? sont à la fois des caractères du concept “être une planète du système solaire” et des propriétés de chaque objet subsumé sous ce concept. Mais l’existence, le nombre sont des exemples de propriétés du concept qui ne sont pas propriétés de l’objet : “à cet égard, l’existence a quelque analogie avec le nombre et affirmer l’existence, ce n’est rien d’autre que nier le nombre zéro59. Cette remarque permet de résoudre le problème de la prédicabilité de l’existence. Ainsi, la forme logique complètement analysée de “Dieu existe” est “le concept ‘être Dieu’ a pour propriété de ne pas avoir une extension nulle”, ou encore “il existe au moins un objet qui tombe sous le concept ‘être Dieu’”. De même, “les licornes n’existent pas” doit se paraphraser “le concept ‘être une licorne’ a pour propriété d’avoir une extension vide”. De même enfin, “les planètes du système solaire sont au nombre de neuf” doit se paraphraser en “le concept ‘être une planète du système solaire’ a pour propriété d’avoir neuf objets dans son extension”. On voit immédiatement l’erreur de la logique classique qui a confondu propriétés d’objets et propriétés de concepts : on conclut par exemple que Socrate existe de ce que les Grecs existent et de ce que Socrate est Grec, mais, de ce que les Grecs sont nombreux et de ce que Socrate est Grec, va-t-on conclure que Socrate est nombreux ? Et pourtant nos deux prédicats “existant” et “nombreux” sont du même ordre : ce sont des propriétés de concept et non d’objets. Le problème que pose cette solution, c’est que, pour préserver la forme générale de la proposition affirmative, donc pour pouvoir admettre que des concepts puissent être dotés de propriétés, disons, de second ordre comme l’existence ou le nombre, il faut accepter de les voir figurer en position d’objet, tout insaturés qu’ils soient. Donc la saturation d’un objet consiste en ce que “un objet est ce qui ne peut par être la désignation totale d’un prédicat mais peut être la désignation d’un sujet60 : “Socrate” est saturé, ce que n’est pas “être Socrate”, donc “Socrate” ne peut être qu’en position de sujet et Socrate est un objet. Inversement, si “être une planète du système solaire” est un prédicat insaturé et donc désigne un concept, “le fait d’être une planète du système solaire” apparaît comme une expression saturée qui désigne un objet : “l’article défini au singulier fait savoir qu’il s’agit d’un objet61. Aussi, tout sujet logique étant une expression saturée, “la séquence de mots qui désigne un objet doit être interprétée comme un nom propre62 : tout signe désignant un objet frégéen est un nom propre frégéen et réciproquement, tout nom propre frégéen est le signe d’un objet frégéen.

D’où, le second cas épineux à discuter lorsque la proposition à analyser est, en dernière analyse, constituée de deux noms propres frégéens, c’est-à-dire de deux signes d’objet frégéen, de telle sorte que, de même qu’un concept peut être objet d’un autre concept, on a l’impression qu’un objet peut jouer le rôle de concept pour un autre objet. “Vénus est une planète”, tout comme “l’étoile du berger est une planète” sont de la forme f(x) dans le sens où le concept “être une planète” est affirmé successivement des deux objets que sont “Vénus” et “l’étoile du berger”. Mais lorsqu’on dit “Vénus, c’est l’étoile du berger”, ou “l’étoile du berger, c’est Vénu”, l’on a affaire à un cas typique d’égalité dans le sens où la forme propositionnelle “A est B” doit être analysée ici en “A=B”. Or si A et B ne font qu’un, que dit-on lorsqu’on affirme que A=B ? De toute évidence “si l’on voulait voir dans l’égalité une relation entre ce que désignent respectivement les noms ‘A’ et ‘B’, A=B ne pourrait pas, semble-t-il, différer de A=A [or] A=A est a priori et analytique, tandis que les propositions de la forme A=B ont bien souvent un contenu fort précieux pour le progrès de la connaissance et elles n’ont pas toujours un fondement a priori63. Et en effet, il faudrait une théorie cohérentiste de la vérité (spinozienne, leibnizienne, hégélienne, etc.) pour soutenir que A=B n’est qu’une manière mutilée et confuse d’exprimer la Vérité, à savoir que Dieu, la totalité des mondes possibles ou l’Esprit Absolu est au fond, identique à lui-même. A contrario, une théorie de la vérité-correspondance conduit à admettre que “A=B” possède une valeur de connaissance, c’est-à-dire une valeur de vérité après vérification, ce que ne possède pas “A=A” qui, comme le fera remarquer Wittgenstein dans le Tractatus, est une tautologie et, qu’à ce titre, elle ne possède aucune valeur informative, elle est Sinnloss64. Cette valeur de connaissance s’explique de la façon suivante : “il est naturel d’associer à un signe (nom, groupe de mots, caractères) outre ce qu’il désigne et qu’on pourrait appeler sa dénotation, ce que je voudrais appeler le sens du signe dans quoi est contenu le mode de donation de l’objet65. Ce que nous apprend donc la formulation “A=B”, c’est que A et B sont deux modes de présentation (deux sens, Sinne) différents pour un même objet (dénotation ou référent, Bedeutung) : le même objet est dénoté par les noms propres “Vénus” et “l’étoile du berger”, par “l’eau” et “H2O”, par “4” et “la racine carrée de 16”, etc.

D’où une deuxième solution à l’analyse du problème de l’existence : plutôt que de paraphraser “A n’existe pas” en “le concept ‘être A’ est vide”, on peut dire “le nom propre ‘A’ possède un sens mais pas de dénotation” : le nom “la licorne”, le nom “Hamlet”, le nom “le plus grand nombre entier” sont le mode de présentation d’une dénotation vide. En effet, “pourquoi voulons-nous que tout nom propre ait une dénotation en plus de son sens ? C’est dans l’exacte mesure où nous importe sa valeur de vérité66. Autrement dit toute proposition dans laquelle figurera un nom propre frégéen qui n’a pas de dénotation sera nécessairement fausse. Mais “il importe peu de savoir si le nom ‘Ulysse’ a une dénotation aussi longtemps que nous recevons le poème comme une oeuvre d’art : c’est donc la recherche de la vérité qui nous pousse à passer du sens à la dénotation67. D’où il suit que toute connaissance d’un objet est une connaissance indirecte de cet objet comme le montre cette comparaison : “je compare la lune elle-même à la dénotation, c’est l’objet de l’observation dont dépend l’image réelle produite dans la lunette par l’objectif , [...] je compare cette image au sens68. Le sens, ou mode de présentation, est donc une entité objective et non psychologique, à travers laquelle nous atteignons éventuellement l’objet dénoté, à condition que le mode de présentation ne soit pas une fiction, donc à condition que l’on puisse justifier l’existence d’une relation entre le sens et la dénotation d’un signe, ce qui va poser problème dans le cadre d’une théorie de la vérité-correspondance, car toute vérification ne nous mettra jamais en relation qu’avec un mode de présentation du référent et non avec le référent lui-même (l’image de la lune et non la lune elle-même).



III - L’élimination des descriptions comme résultat épistémique.

En gros, on peut dire que Russell va assumer la distinction syntaxique entre fonction et argument, tandis qu’il va rejeter la distinction ontologique entre concept et objet dans la mesure où la connaissance nécessairement indirecte de la dénotation d’un objet à travers son mode de présentation (sens) est incompatible avec sa propre théorie de la vérité comme correspondance d’une croyance et d’un fait.

Dès 1903, Russell possède la notion de fonction propositionnelle qui équivaut exactement à ce que Frege appelle fonction : “à la place de ‘Socrate est un homme’, nous pouvons mettre ‘Platon est un homme’, ‘le nombre 2 est un homme’, etc. Nous obtenons alors des propositions concordant en tous points sauf quant au terme variable. Si l’on met x à la place de la variable, ‘x est un homme’ exprime le type de toute les propositions de cette espèce : c’est une fonction propositionnelle qui sera vraie en général pour certaines valeurs de la variable et fausse pour d’autres69. Or, nous nous rappelons que Russell a défini la mathématique pure (ou logique) comme “la classe de toutes les propositions de la forme ‘p implique q’, où p et q sont des propositions contenant une ou plusieurs variables, les mêmes dans les deux propositions, et où ni p ni q ne contiennent d’autres constantes que des constantes logiques”70, c’est-à-dire comme l’ensemble des propositions de la forme pour tout x, y, z, ..., f(x, y, z, ...) implique g(x, y, z, ...). Cette association de la notion de fonction propositionnelle et d’implication formelle va s’avérer extraordinairement féconde et permet d’ores et déjà de réinterpréter le dogme classique de la forme sujet-prédicat en éliminant la méthode syllogistique. En effet, dans la logique classique, on justifie l’attribution du prédicat “mortel” à Socrate par le raisonnement suivant : “tous les Grecs sont mortels, or Socrate est un Grec, donc Socrate est mortel”. L’erreur de logique consiste ici à considérer les trois propositions comme homogènes, et comme attribuant un prédicat à un sujet. Or si “Socrate est mortel’ attribue un prédicat à un sujet qui est nommé, ‘tous les Grecs sont mortels’ exprime la relation entre deux prédicats, à savoir ‘être Grec’ et ‘être mortel71. Il s’ensuit que le raisonnement syllogistique, correctement paraphrasé, devient : “pour toutes les valeurs de x, si x est Grec, alors x est mortel’ et nous avons ici, au lieu d’une proposition sujet-prédicat, un rapport entre deux fonctions propositionnelles72, à savoir f(x) (x est Grec) et g(x) (x est mortel) : que Socrate soit mortel n’est que la conséquence de la substitution d’une constante d’objet (Socrate) à une variable d’objet (x) après qu’on a démontré la validité de l’implication formelle f(x) implique g(x), c’est-à-dire entre deux fonctions propositionnelles. C’est alors seulement que “chacune d’entre elles devient une proposition sujet-prédicat lorsqu’une valeur est assignée à x73 : autrement dit, la forme sujet-prédicat n’est que la forme particulière que prend une fonction propositionnelle à une seule variable lorsque la variable x est remplacée par une constante d’objet. Nous voilà donc arrivés au problème de savoir quelle sorte d’entité va bien pouvoir se voir assigner le statut de constante d’objet.

Nous avons déjà dit que, pour qu’Othello puisse confronter aux faits sa croyance selon laquelle Desdémone aime Cassio, une condition importante est qu’il sache sur quels objets porte sa croyance. A supposer que sa jalousie obsessionnelle le lui permette, cela veut dire qu’il devra connaître directement les éléments suivants : Desdémone, Cassio, et l’amour de la première pour le second, c’est-à-dire deux individus et une relation. Ce qui, en termes de logique propositionnelle, va devoir s’interpréter sous la forme f(x ; y). La question est de savoir dans quelle mesure c’est une constante élémentaire, inanalysable, qui se substitue à une variable lorsque Desdémone prend la place de x et Cassio celle de y. Car après tout, qu’est-ce qui nous dit que Desdémone et Cassio sont des atomes inanalysables plutôt que des complexes, auquel cas, Othello devrait encore analyser ces complexes en leurs constituants ultimes, toujours sous peine de ne pas savoir sur quoi porte sa croyance. L’un des principes fondamentaux et constants de l’épistémologie russellienne (ce qu’Evans74 va appeler “le principe de Russell”) est en effet le suivant : “la totalité de notre connaissance, aussi bien la connaissance des choses que celle des vérités, repose sur l’expérience directe qui en est le fondement75. Cette notion d’expérience directe (acquaintance) manifeste donc une triple exigence, à la fois empiriste au sens de Hume, éliminationiste au sens d’Occam, et fondationaliste au sens de Descartes. Mais alors, “si par exemple nous formulons une affirmation sur Jules César, il est clair que nous n’avons pas Jules César lui-même présent à l’esprit, puisque nous n’en avons pas d’expérience directe. C’est en réalité une description que nous avons à l’esprit : ‘l’homme qui fut assassiné aux Ides de Mars’, ‘le fondateur de l’Empire romain’, ou simplement ‘l’homme dont le nom est Jules César’ -dans cette dernière description Jules César est un son ou une configuration de signes écrits dont nous avons l’expérience- De sorte que notre affirmation n’a pas exactement la signification qui semble être la sienne car Jules César n’en est pas un constituant76. Entendons-nous bien : ceci n’est pas une conclusion sceptique. Russell ne dit pas que la proposition que nous formons à propos d’un Jules César dont nous n’avons pas l’acquaintance soit absurde, incertaine ou incompréhensible. Simplement elle ne porte pas sur ce sur quoi nous croyons qu’elle porte : elle ne porte pas directement sur l’individu Jules César mais sur quiconque satisfait les conditions générales et impersonnelles énumérées dans la description. “Nous dirons qu’un objet est connu par description quand nous savons qu’il est le tel ou tel, c’est-à-dire quand nous savons qu’il existe un tel objet, et un seul, qui possède une certaine propriété77. Autrement dit, connaître Jules César par description, et non par expérience directe, c’est ne posséder sur Jules César qu’un jugement général et non pas singulier (“l’homme qui fut assassiné aux Ides de Mars”, “le vainqueur de la guerre des Gaules”, etc.) qui nous mettra en relation avec quiconque satisfera les conditions de vérité de la proposition dans laquelle cette expression est employée. Bref, la fonction d’une description explicite (“le vainqueur de la guerre des Gaules”) ou non (“Jules César” pour qui n’a pas ou n’a pas eu l’expérience directe de Jules César), n’est pas, contrairement à ce que prétend Frege, de désigner un référent. Par exemple, la proposition “Jules César franchit le Rubicon en janvier 49”, s’analyse en “il existe un individu et un seul, tel que cet individu est Jules César et franchit le Rubicon en janvier 49”. Où l’on voit que “être Jules César” est une fonction propositionnelle qui même si elle n’est vraie que d’un seul x au plus, n’est pas une expression référentielle mais une expression dénotante : “un concept dénote quand, s’il figure dans une proposition, la proposition ne porte pas sur le concept mais sur un terme lié d’une façon particulière au concept78 : si nous ne connaissons pas Jules César par acquaintance, la proposition ne porte pas sur l’individu Jules César mais sur le complexe “il existe un individu et un seul, tel que cet individu est Jules César”.

Certes, la connaissance par description n’est pas une aberration. Bien au contraire puisque “la connaissance par description nous permet de dépasser les limites de notre expérience privée79, elle est un puissant moyen d’enrichir notre connaissance, comme l’a montré Frege. Seulement, pour satisfaire le principe de Russell dans le cadre d’une théorie de la vérité correspondance, il va bien falloir éliminer les descriptions, c’est-à-dire les analyser afin que nous soyons in fine en relation directe avec les constituants réels de notre expérience. “Le principe fondamental de l’analyse des propositions contenant des descriptions est le suivant : toute proposition que nous pouvons comprendre doit être composée uniquement de constituants dont nous avons une connaissance directe80. La raison pour laquelle les descriptions russelliennes doivent être éliminées par l’analyse logique est que “les mots du langage ordinaire et même les noms propres sont en réalité souvent des descriptions, autrement dit, pour exprimer de manière explicite la pensée d’un locuteur faisant un usage correct d’un nom propre, il faut généralement remplacer le nom propre par une description. Bien plus, la description requise variera suivant les individus ou suivant le moment pour un individu81. En d’autres termes, les descriptions, étendent, certes, notre connaissance, mais cette connaissance reste non seulement générale mais surtout ambiguës dans la mesure où elles n’a pas l’ancrage objectif dans le réel qu’elles semble pourtant avoir. L’ambiguïté (puzzle) des pseudo-noms propres, c’est-à-dire des noms propres apparents employés comme descriptions logiques est particulièrement saisissante dans les propositions au style indirect : “quand nous disons ‘Georges IV voulait savoir si Scott était l’auteur de Waverley’, nous voulons normalement dire ‘Georges IV voulait savoir si un homme et un seul avait écrit Waverley et si cet homme était Scott’. Mais nous pouvons aussi vouloir dire ‘à propos de Scott, Georges IV voulait savoir si c’est lui et lui seul qui avait écrit Waverley82. Le problème consiste ici à se demander sur quoi au juste porte la question de Georges IV. Dans un cas la question de Georges IV porte à la fois sur l’existence hypothétique d’un et un seul individu dénommé “Scott”, et, le cas échéant, sur la possibilité pour un tel individu d’être l’auteur de Waverley. Alors que dans le second cas, Scott est supposé connu par expérience directe, donc son existence est hors de doute, aussi, la question de Georges IV ne porte-t-elle que sur l’éventuelle attribution de la paternité de Waverley à Scott. En d’autres termes, la première paraphrase de la croyance de Georges IV ne contient que des expressions dénotantes générales (“être l’auteur de Waverley” et “être Scott”) tandis que la seconde contient une expression référentielle singulière (“Scott”) et une expression dénotante générale (“être l’auteur de Waverley”). Ainsi, l’analyse logique met à jour le critère qui permet à la fois de dire ce qu’est une expérience directe (acquaintance) et ce qu’est un nom propre : c’est que l’existence et l’unicité du référent ne sont jamais en question. “Nous pouvons dire ‘l’auteur de Waverley existe’, nous pouvons dire ‘Scott est l’auteur de Waverley’, mais ‘Scott existe’, c’est de la mauvaise grammaire. On peut au mieux interpréter cette dernière proposition comme ‘la personne nommée Scott existe’, mais alors ‘la personne nommée Scott’ est une description, et non pas un nom propre. Chaque fois qu’un nom propre est employé comme nom propre, c’est de la mauvaise grammaire que de dire ‘cela existe83.

Ainsi, la présence du quantificateur existentiel dans une paraphrase logique de la forme il existe au moins un x tel que f(x) pour une expression donnée (par exemple, “il existe un individu tel que cet individu est l’auteur de Waverley”) indique que celle-ci est une expression dénotante qui décrit les conditions générales d’accès à un hypothétique référent : parler de l’auteur de Waverley, c’est parler de l’éventuel individu qui existe sous réserve de correspondance de la proposition où elle figure avec le fait vérificateur, autrement dit sous réserve que soit vraie la proposition dans laquelle figure l’expression “l’auteur de Waverley”. La présence du quantificateur existentiel n’a pas de sens en revanche lorsque l’expression à paraphraser est un nom propre dont la fonction est d’introduire directement, inconditionnellement, son référent dans la croyance du locuteur. Il s’ensuit naturellement qu’il y a deux manières de nier une proposition dont le sujet est une description, tandis qu’il n’y a qu’une manière de le faire si le sujet est un nom propre. Soit la forme canonique de la proposition “l’actuel roi de France est chauve” où l’on remplace “être l’actuel roi de France” par f et “être chauve” par g : il existe au moins un x tel que {f(x) et [pour tout y, f(y) implique (x=y)] et g(x). La négation peut porter sur “être l’actuel roi de France” : non il existe au moins un x tel que {f(x) et [pour tout y, f(y) implique (x=y)] et g(x), ou bien sur “être chauve” : il existe au moins un x tel que {f(x) et [pour tout y, f(y) implique (x=y)] et non g(x). “Aussi, ‘l’actuel roi de France est chauve’ est certainement faux ; mais ‘l’actuel roi de France n’est pas chauve’ est faux si cela veut dire ‘il y a une entité et une seule qui est actuellement roi de France et n’est pas chauve’, mais est vrai si cela signifie ‘il est faux qu’il y ait une entité qui est actuellement roi de France et qui est chauve84Soit maintenant la forme canonique de la proposition “Scott est l’auteur de Waverley”, dans sa deuxième paraphrase possible, où l’on remplace “Scott” par A et “être l’auteur de Waverley” par h, l’affirmation sera de la forme soit A tel que h(A) et “il est faux que Scott soit l’auteur de Waverley” se paraphrasera en : soit A tel que non h(A). Ainsi, lorsque Russell écrit à Frege que “le Mont-Blanc lui-même, en dépit de tous ses flancs enneigés, est partie intégrante de ce qui est actuellement affirmé dans la proposition ‘le Mont-Blanc s’élève à plus de 4000 m’85, il veut dire que l’existence du Mont-Blanc est présupposée par toute proposition où figurent les mots “Mont-Blanc”, quand bien même elles seraient toutes fausses. Tandis que l’existence d’un actuel roi de France, où du Scott dont, le cas échéant, Georges IV n’aurait pas eu l’acquaintance, est impliquée par la vérité d’au moins une proposition, c’est-à-dire conditionnée par la correspondance d’au moins une croyance avec un fait qui autoriserait le locuteur à faire l’expérience directe d’un certain individu doté de certaines propirétés.

Ce que révèle la paraphrase d’une proposition contenant une expression dénotante (description) en position de sujet grammatical de la forme  il existe au moins un x tel que {f(x) et [pour tout y, f(y) implique (x=y)] et g(x), c’est donc qu’il y a deux conditions de vérité et non pas une seule :  il existe au moins un x tel que {f(x) et [pour tout y, f(y) implique (x=y)], qui est la clause d’existence et d’unicité d’un certain individu ; et g(x), qui est la clause attribuant une propriété au-dit individu. C’est pourquoi la preuve ontologique de l’existence de Dieu manque nécessairement son but : “L’être le plus parfait a toutes les perfections ; l’existence est une perfection ; donc l’être le plus parfait existe’ devient ‘il existe une entité x et une seule qui est la plus parfaite ; elle a toutes les perfections ; l’existence est une perfection ; donc elle existe’. Ce qui ne constitue pas une preuve, car la prémisse ‘il existe une entité x et une seule qui est la plus parfaite’ n’est pas prouvée86. Dit d’une autre manière, ce qui est en question dans la preuve ontologique, c’est précisément ce qui est supposé décidable analytiquement, à savoir l’existence et l’unicité d’un référent pour l’expression “l’être le plus parfait”, laquelle ne peut pas être présupposée si on n’a pas d’acquaintance avec le référent, fût-il divin. Car la forme ultime, complètement analysée de la proposition “je pense que Dieu existe” est la suivante : “je pense qu’il existe un être et un seul tel que cet être est Dieu (ou ‘est appelé Dieu’, ou ‘est l’être le plus parfait’, etc.)” et non pas “à propos de Dieu, je pense qu’il existe”, ce qui ne veut rien dire. En tout cas “le fait que vous puissiez discuter de la proposition ‘Dieu existe’ est une preuve que ‘Dieu’, tel qu’il est employé dans cette proposition est une description et non un nom. Si ‘Dieu’ était un nom, aucune question ne pourrait surgir à propos de son existence87. Bref, l’existence, comme l’a déjà fait remarquer Frege, n’est pas une propriété des individus mais des concepts, c’est-à-dire, en langage russellien, des fonctions propositionnelles : “quand on prend une fonction propositionnelle quelconque et que l’on affirme qu’elle est possible, c’est-à-dire qu’elle est parfois vraie, cela vous donne le sens fondamentale de ‘existence88. En d’autres termes, dire que Dieu existe, dire que les licornes existent, c’est dire que les fonctions propositionnelles “x est Dieu” ou “x est une licorne” peuvent donner lieu à des propositions vraies lorsqu’on assigne une constante à la variable x. Ainsi “Dieu existe”, correctement praraphrasée, devient “il existe un être et un seul tel que cet être a la propriété d’être Dieu”, c’est-à-dire, en généralisant, “il est possible de construire une proposition vraie avec l’expression dénotante ‘être Dieu’”. Or si l’existence n’est pas propriété d’objet, les modalités n’en sont pas non plus : il n’y a pas d’être nécessaire, mais “on peut dire qu’une fonction propositionnelle est nécessaire quand elle est toujours vraie89. On dira par exemple que la fonction propositionnelle “x=x” est nécessaire pour dire qu’elle donne toujours une proposition vraie quelle que soit la constante que l’on substitue à x. D’où le constat que “la confusion entre propositions et fonctions propositionnelles a engendré une grande quantité de fautes philosophiques : une grande partie de la philosophie traditionnelle se réduit à l’attribution aux propositions de prédicats qui ne s’apliquent qu’aux fonctions propositionnelles et parfois, pis encore, à l’attribution aux individus de prédicats qui ne s’attribuent qu’aux fonctions propositionnelles90 : les individus sont bleus ou délicieux, les propositions sont vraies ou fausses, les fonctions propositionnelles sont nécessaires ou existantes, mais il n’y a pas plus d’individu existant ou nécessaire que de proposition bleue ou de fonction propositionnelle délicieuse. Il y a là trois types logiques absolument distincts.

Il suit de tout cela que “une expression dénotante est essentiellement une partie d’une phrase et n’a pas, comme la plupart des mots simples, de signification par elle-même [...] ce n’est qu’une expression et rien qui puisse être appelé le sens91. Une description n’a pas de sens a priori : ce n’est pas, au sens kantien “le concept d’un objet possible” qui nous apporterait une connaissance synthétique a priori ; mais ce n’est pas non plus, au sens frégéen, un mode de présentation autonome qui nous fournirait la connaissance d’un Sinn mis à jour par l’analyse logique. Rien de tout cela : les expressions dénotantes sont des expressions générales de même type logique que les fonctions propositionnelles : l’expression “l’actuel roi de France” équivaut à “il existe un et un seul individu qui soit actuellement roi de France”. En ce sens, on peut bien entendu la comprendre in abstracto en saisissant directement les atomes logiques dont cette fonction propositionnelle est constituée, mais pour qu’elle désigne un référent et un seul, il faut qu’elle devienne proposition correspondant à un fait qui la vérifie. Donc l’expression “l’actuel roi de France” doit être contextualisée in situ donc, par elle-même, elle n’est qu’un symbole incomplet : “par symbole incomplet, nous entendons un symbole qui n’est supposé n’avoir aucun sens isolément et qui n’est défini que dans certains contextes [...]. Par là, ces symboles se distinguent de ce qu’on peut appeler les noms propres [...] qui possèdent un sens par eux-mêmes, sans l’aide d’aucun contexte92, un sens, c’est-à-dire une référence, puisque Russell ne reconnaît pas la légitimité de la distinction frégéenne. En d’autres termes, “Scott est l’auteur de Waverley” indique un fait vérificateur dont Scott lui-même est un constituant si et seulement si nous avons eu l’expérience directe de Scott, auquel cas, la reconnaissance de l’individu Scott est l’un des éléments de la vérification de la proposition. Mais “Scott est l’auteur de Waverley” indique un fait vérificateur dont Scott n’est pas un constituant si nous n’avons jamais eu l’expérience directe de Scott, auquel cas, pour vérifier la proposition, il faudra remplacer la mention “Scott” par une description (“l’individu qui a telle et telle propriété”, on peut imaginer une sorte de portrait) et ce sont les éléments de cette description que nous devrons alors confronter aux faits. Dans le premier cas, “Scott” est un symbole complet, qui désigne son référent in abstracto. Dans le second cas, “Scott” ou une description équivalente, est un symbole incomplet qui désigne son référent in situ mais ne veut rien dire par lui-même. La conception russellienne de la complétude n’est donc pas celle de Frege, puisque “toutes les expressions contenant le mot ‘le’ sont des symboles incomplets : elles ont un sens quand on en fait usage, mais non pas isolément. Car “l’auteur de Waverley’ ne peut vouloir dire la même chose que ‘Scott’, ou bien ‘Scott est l’auteur de Waverley’ voudrait dire la même chose que ‘Scott est Scott’, ce qui n’est manifestement pas le cas. Mais ‘l’auteur de Waverley’ ne peut non plus vouloir dire autre chose que ‘Scott’, ou alors ‘Scott est l’auteur de Waverley’ serait faux. Donc ‘l’auteur de Waverley’ ne veut rien dire du tout93. En d’autres termes, “l’auteur de Waverley” n’est pas plus un constituant de “Scott est l’auteur de Waverley”, que “rate” n’est un constituant de “Socrate”.


IV - Incertitudes ontologiques comme conséquences critiques.

Russell nie donc, contre Frege, qu’un signe puisse avoir quelque chose comme un sens (mode de présentation, Sinn) distinct de sa référence (dénotation, Bedeutung). De deux choses l’une : ou bien un signe est le nom propre d’un être dont nous avons l’expérience directe, ou bien il est un symbole incomplet dont il convient de préciser de quoi il est susceptible de nous donner l’expérience directe (au minimum, ce sera le son ou la trace sur le papier). D’où le dernier problème à élucider ici : de quelles sortes d’être avons-nous au fond l’expérience directe et donc quels sont les nom propres authentiques de notre langage ? On se souvient que, dans sa première philosophie, l’ontologie de Russell était peuplée à la fois de choses, c’est-à-dire d’objets spatio-temporels et de concepts, c’est-à-dire d’objets simplement intelligibles. Mais que reste-t-il après passage du rasoir d’Occam consécutif à la critique de l’idéalisme, du pragmatisme, de Kant, de Meinong et de Frege, lorsque Russell est en possession du principe épistémique de la nécessité de faire l’expérience directe des constituants ultimes des propositions que nous comprenons ? “Ma connaissance de la table en tant qu’objet physique n’est pas une expérience directe : en tant que telle, elle est acquise à travers l’expérience directe des sense-data, de l’apparence de la table94. Cette position, très berkeleyenne95, nous apprend que les sense data, c’est-à-dire le percipere comme corrélat du percipi, vont nécessairement faire partie de cette substance du monde, ou plutôt de ce substrat dont nous avons l’expérience directe et donc dont l’existence ne peut pas être mise en question. A partir de là “la première extension à considérer au-delà de la sphère des sense-data est l’expérience directe par la mémoire96. Position humienne cette fois-ci qui fait des idées présentes l’empreinte des impressions passées97 et qui, pour cela, leur conserve quelque chose de leur force et de leur vivacité. “La seconde extension concerne l’expérience directe par introspection [...] Quand je vois le soleil, j’ai souvent conscience de voir le soleil et ainsi le fait que je vois le soleil est un objet dont j’ai l’expérience directe [...] On peut parler ici de conscience de soi [...] Nous dirons donc qu’il est probable que nous ayons l’expérience directe de notre moi98. L’importance de cette remarque, passablement embarrassée, apparaît plus loin lorsqu’il explique que la plupart des noms propres grammaticaux ne sont en fait que des descriptions logiques. Soit par exemple une affirmation sur Bismarck : seul “Bismarck lui-même peut faire usage de son nom pour désigner l’individu dont il a l’expérience directe99, ce qui limite l’usage légitime du nom propre grammatical à de rares usages comme la présentation ou la signature. Enfin “outre l’existence des choses particulières et possédant l’existence, nous avons l’expérience directe des universaux, c’est-à-dire des idées générales100. En résumé : ce dont nous avons l’expérience directe, ce qui doit donc constituer le résidu ultime de toute analyse bien conduite du contenu de nos croyances, ce sont nos données perceptives, internes ou externes, notre mémoire, notre moi, ainsi que les universaux. Tout le reste est connu indirectement par description, c’est-à-dire par inférence à partir de cela. Il s’ensuit que “tous le objets de la vie quotidienne se trouvent de la sorte exclus de ce qu’il y a dans le monde et à leur place, vous apercevrez qu’il y a un certain nombre de particuliers éphémères du genre de ceux dont vous êtes immédiatement conscients par les sens101. Mais alors, en dehors de ce vestige du pythagorisme primitif de Russell que constituent les termes indiquant les relations, les seuls noms propres authentiques seront nécessairement ce qu’il appellera plus tard encore des circonstanciels égocentriques (egocentric particulars) : “ce sont des mots tels que ceci, cela, je, vous, ici, là, maintenant, alors, passé, etc. [...] Le mot ‘ceci’ par exemple paraît avoir le caractère d’un nom propre en ce qu’il désigne simplement un objet sans le décrire à aucun degré [...] ‘Ceci’ est un nom que nous donnons à l’objet auquel nous prêtons attention, mais nous ne pouvons pas définir ‘ceci’ comme ‘l’objet auquel je prête attention maintenant’ parce que ‘je’ et ‘maintenant’ contiennent ‘ceci102. Bref, ces noms propres logiques qui font directement référence au résidu ultime du contenu de nos croyances et en quoi doit pouvoir se paraphraser toute proposition que nous comprenons, ce sont les termes indiquant la position spatio-temporelle d’un événement perceptif élémentaire relativement à un esprit percevant.
Cette conséquence ontologique de la stricte application du rasoir d’Occam dans la théorie des descriptions, bien que proche de l’immatérialisme berkeleyen et du scepticisme humien, est toutefois gênante rapportée aux enjeux éthique et épistémique que Russell n’a cependant jamais perdus de vue. Car la question est : comment reconstruire l’espace public des objets macroscopiques en les dérivant des sense-data, ou, ce qui revient au même, quelle est l’utilité sociale d’expressions singulières qui s’analysent toutes en un je-ici-maintenant ? Pour terminer, nous évoquerons rapidement trois grands courants complémentaires de critiques dirigées contre cette conséquence ontologique indésirable de l’analyse logique russellienne : la première concerne les notions de constante logique et de sujet pensant, la seconde celle de référence à un constituant ultime de la réalité, la troisième celle de pseudo-nom propre comme abréviation d’une description.

Nous avons dit que les constantes logiques, c’est-à-dire les constituants élémentaires de tout terme de relation (par exemple l’amour de Desdémone pour Cassio), figurent parmi les entités dont il est impératif d’avoir l’expérience directe. L’un des problèmes que pose cette exigence, c’est que cela ressemble plus à une survivance rationaliste, quelque chose comme des idées innées, qu’à un requisit empirique. Or “la possibilité de la proposition repose sur le principe de la position de signes comme représentants des objets. Ma pensée fondamentale est que les constantes logiques ne sont les représentants de rien. Que la logique des faits ne peut elle-même avoir de représentant103. Autrement dit il y a une logique de la représentation, parce qu’il y a une logique de ce qui est représenté, et bien entendu, c’est la même logique : elle réside dans la position spatio-temporelle relative des objets qui composent le fait et dans la position isomorphe des signes qui composent la représentation du fait. Dès lors, toute image, toute pensée, toute proposition est un tableau (Bild) d’un fait qui partage avec celui-ci une structure spatio-temporelle commune : la logique. Par exemple “le disque de phonographe, la pensée musicale, la notation musicale, les ondes sonores sont tous, les uns par rapport aux autres, dans la même relation représentative interne que le monde et la langue : à tous est commune la structure logique104, laquelle ne peut donc que se montrer et non pas s’analyser. Il s’ensuit premièrement que l’analyse logique de la proposition ne laisse subsister que des signes d’objet et non pas des signes de relation ; deuxièmement, dans la mesure où “l’image logique des faits est la pensée105, il n’y a pas non plus de sujet pensant : la pensée est un fait parmi les faits ; troisièmement, l’absence de constante logique et de sujet pensant permet d’étendre la notion russellienne d’expressions dénotantes qui ne dénotent rien (de descriptions vides) au domaine de la métaphysique : en effet, fait de la métaphysique celui qui “a omis de donner, dans ses propositions, une référence à certains signes106. Une fois éliminés les pseudo-propositions métaphysiques, il ne demeure plus que des faits : “le monde est la totalité des faits, non des choses107. On passe donc insensiblement d’une ontologie des objets à une ontologie des faits comme constituants ultimes du monde : l’atomisme logique devient positivisme logique.

Avec Quine, on franchit une étape supplémentaire en passant du positivisme logique au holisme logique qui renonce à la notion-même de constituant ultime du monde. Quine imagine une expérience dite de “traduction radicale” : soit un linguiste anglophone qui étudie les moeurs d’une tribu jusque là inconnue et qui s’évertue à établir un dictionnaire de traduction indigène-anglais. Pour réaliser sa traduction, il doit d’abord décider à quels faits correspondent les énonciations indigènes pour ensuite les faire correspondre à des phrases anglaises. Le problème est que, pour réaliser la première opération, il va faire des hypothèses en anglais. En d’autres termes, il ne va pas traduire l’indigène en anglais mais l’anglais en indigène. En effet “le langage est un art social. Pour l’acquérir, nous dépendons entièrement d’indices accessibles intersubjectivement relativement à ce qu’il y a lieu de dire et au moment de le dire et au moment de le dire. Dès lors, il n’y a aucune justification pour conférer des significations linguistiques [...] et l’entreprise de traduction se révèle affectée d’une certaine indétermination systématique108. Il n’y a donc pas à proprement parler de fait vérificateur, d’expérience cruciale, et la logique n’est pas la structure du monde mais une sorte de langage premier dans lequel nous paraphrasons les expressions ordinaires ambiguës. L’analyse ne dégage donc pas de constituants qui soient les référents ultimes de leurs désignateurs et il n’y a donc pas non plus de noms propres logiques désignant des constituants ultimes de l’ontologie. Dès lors, la distinction russellienne fondamentale entre noms propres et descriptions s’évanouit dans le sens où “la notion de référence à doit être reclassée en notion de vérité de, et l’expression singulière f(A) doit être reclassé en expression générale d’extension singulière il existe un x tel que {f(x) et (x=A)}”109 : “Socrate a bu la ciguë” devient “il existe un individu, tel que cet individu a bu la ciguë, et cet individu est Socrate”, ce qui a pour effet de réhabiliter le sens ordinaire de l’expression “Socrate existe”. On en revient donc en quelque sorte à la logique classique (celle de Port-Royal par exemple) à la différence que la paraphrase quinienne mêle indissolublement les données observationnelles et les données théoriques puisque la frontière entre les deux est indécidable. D’où la formule quinienne “être, c’est être la valeur d’une variable110, c’est-à-dire qu’existe ce qui peut remplacer une variable dans le cadre d’une théorie considérée comme valide : “nous portons notre attention sur les variables liées quand nous faisons de l’ontologie, non pour savoir ce qui est, mais pour savoir ce qu’une remarque ou une doctrine donnée, la nôtre ou celle de quelqu’un d’autre, dit qui est111. Toute ontologie est donc toujours relative à une théorie acceptée dans un certain contexte social.

Une fois l’ontologie déprivatisée, et dénaturalisée, la distinction russellienne entre nom propres et descriptions peut avec profit être réhabilitée et appliquée à l’ontologie macroscopique des objets ordinaires. Supposons avec Kripke que la référence du nom propre “Cicéron” soit indirectement déterminée par le contenu d’une description, par exemple “celui qui a dénoncé Catilina”. “En réalité, la plupart des gens, quand ils pensent à Cicéron, pensent simplement à un célèbre orateur romain, sans prétendre soit qu’il n’y en ait eu qu’un, soit qu’il faille en savoir plus sur Cicéron pour que son nom ait un référent112. Ce qu’il veut dire, c’est que “Cicéron” est pour nous un moyen commode de penser à un individu que nous décrivons de telle ou telle façon certes, mais que nous pourrions après tout décrire tout autrement. Au point que s’il s’avérait que ce ne fût pas Cicéron mais Pompée par exemple qui avait dénoncé Catilina devrions-nous dire que, chaque fois que nous avons pensé à Cicéron, c’est à Pompée en réalité que nous avons pensé, devrions-nous dire que puisque Cicéron n’a pas dénoncé Catilina, alors Cicéron n’a pas été Cicéron ? Non, car à supposer que la description “celui qui a dénoncé Catilina” ait été associée par erreur au nom propre “Cicéron”, nous pourrions tout de même apprendre de nouvelles choses sur Cicéron, mais à condition bien entendu de préserver le statut du nom propre comme ce à quoi on accroche une description informative. En ce sens, “les noms propres sont des désignateurs rigides. Ils satisfont sans aucun doute au test intuitif mentionné plus haut113 : si N est le nom d’un individu réel et D une description co-référentielle à N, la phrase “en réalité N n’a pas été D” peut être vraie ou fausse, mais “en réalité N n’a pas été N” n’a aucun sens dans la mesure où “être N” est une propriété essentielle de N qui consiste simplement à introduire l’individu N dans un discours informatif, et ce, que nous en ayons ou non eu l’expérience directe. Il s’ensuit deux conséquences extrêmement importantes : d’abord on a là l’exemple d’une théorie causale de la référence “un bébé naît, ses parents lui donnent un nom, parlent de lui à leurs amis [...] ; à travers des conversations de toutes sortes, le nom est transmis de maillon en maillon ; un locuteur situé tout-à-fait au bout de la chaîne [...] est en mesure de faire référence à cet individu quand bien même il est incapable de l’identifier dans ce qu’il a d’unique114 ; ensuite et corrélativement, il y a là l’idée de ce qu’Evans appelle “une division sociale du travail linguistique entre les consommateurs qui ne sont pas en contact avec le référent mais peuvent être introduits à la pratique référentielle, soit par des informations utiles [...] soit par l’audition de phrases où le nom est employé, et les producteurs qui sont, en plus de cela, de temps en temps en contact avec le référent115. Bref, les noms propres ne sont jamais des expressions générales : leur fonction est toujours de pouvoir désigner une entité individuelle dans tous les contextes possibles, quitte à ce que son identité ne soit pas présupposée mais constituée au contraire par l’usage social du nom propre.


Brève conclusion.

Il va de soi que Russell tiendra compte, tout au long d’un parcours intellectuel d’une extraordinaire longévité, d’un certain nombre de critiques qui ne cesseront d’enrichir sa réflexion. Mais il demeurera toujours fidèle au principe de parcimonie qui, comme il le dit lui-même, caractérise sa “renonciation progressive à Pythagore”. Une formulation particulière de ce principe consiste à dire que “la logique mathématique a pour but, non de donner aux mots un statut ontologique qui pourrait être mis en doute, mais plutôt de diminuer le nombre de mots dont la signification directe est de désigner un objet116. Voilà bien le principe paradigmatique que Russell lègue à la philosophie toute entière : lorsque le sage montre la lune, il est prudent au préalable de jouer à l’imbécile en examinant le doigt.




BIBLIOGRAPHIE SUR ET AUTOUR DE
LA THEORIE RUSSELLIENNE DES DESCRIPTIONS.

Ouvrages de base de Russell :
- Ecrits de Logique Philosophique - trad.fr. J.-M. Roy - PUF - 1989 (recueil d’extraits significatifs des Principles of Mathematics de 1903, des Principia Mathematica de 1910, et surtout texte intégral de l’article on Denoting de 1905 et des conférences the Philosophy of Logical Atomism de 1918)
- Problèmes de Philosophie - trad.fr. F. Rivenc - PAYOT - 1989 (notamment les ch. V, XII et XIII)
- Introduction à la Philosophie Mathématique - trad.fr. F. Rivenc - PAYOT - 1991 (ch. XVI)

Ouvrages complémentaires de Russell :
- Signification et Vérité - trad.fr. P. Devaux - FLAMMARION - 1969 (complément des deux premiers ouvrages pour saisir l’évolution épistémologique de l’auteur)
- Essais Philosophiques - trad.fr. F. Clémentz et J.-P. Cometti - PUF - 1997 (ch. IV, V, VI, VII sur les enjeux de la théorie de la vérité-correspondance)
- la Philosophie de Leibniz - trad.fr. J. et H. Ray - GORDON & BREACH - 1970 (introduction remarquable tant à la philosophie de Leibniz qu’aux préoccupations épistémologiques de Russell en 1900)
- Histoire de mes Idées Philosophiques - trad.fr. G. Auclair - GALLIMARD - 1961 (autobiographie philosophique détaillée et pleine d’humour, cf. notamment les ch. VI, VII, XII, XV, XVII)

Prédécesseurs, héritiers et critiques de Russell :
- G. Frege - Ecrits Logiques et Philosophiques - trad.fr. C. Imbert - SEUIL - 1971 (cf. notamment les articles Funktion und Begriff de 1891, Begriff und Gegenstand de 1892 et surtout über Sinn und Bedeutung de 1892)
- L. Wittgenstein - Tractatus Logico-Philosophicus - trad. fr. G. G. Granger - GALLIMARD - 1993 (l’introduction, rédigée par Russell, est en partie à l’origine de la brouille entre les deux philosophes)
- collectif - Wittgenstein : les mots de l’esprit - VRIN - 2001 (cf. notamment les articles de S. Gandon les Origines Russelliennes du Concept de Problème Philosophique chez Wittgenstein, et de P. Faria à l’Ecoute de Russell)
- W. V. O. Quine - la Poursuite de la Vérité - trad.fr. M. Clavelin - SEUIL - 1993 (excellente introduction à la critique de l’empirisme et de l’atomisme logiques et au holisme épistémologique de l’auteur)
- S. Kripke - la Logique des Noms Propres - trad. fr. P. Jacob et F. Recanati - MINUIT - 1982 (critique de notion russellienne de pseudo-nom propre et introduction à la logique modale de l’auteur)
- P. F. Strawson - les Individus - trad.fr. A. Shalom et P. Drong - SEUIL - 1973 (réhabilitation de la dichotomie classique sujet-prédicat sur la base d’une ontologie des objets macroscopiques)
- J. Perry - Problèmes d’Indexicalité - trad.fr. J. Dokic et J. Preisig - CSLI - 1999 (approfondissement et critique de l’intuition russellienne selon laquelle les noms propres authentiques sont des indexicaux)
- collectif - la Philosophie Analytique - MINUIT - 1962 (actes du colloque de Royaumont en 1958, première rencontre de la philosophie “analytique” avec la philosophie “continentale” représentée, entre autres, par J. Wahl, F. Alquié et M. Merleau-Ponty ; cf. notamment les interventions de J. O. Urmson Histoire de l’Analyse et de W. V. O. Quine le Mythe de la Signification)
- P. Jacob éd. - de Vienne à Cambridge - trad.fr. P. Jacob - GALLIMARD - 1980 (recueil d’articles consacrés au double héritage russellien : du positivisme logique -Vienne- à de la philosophie du langage ordinaire - Cambridge ; cf. notamment les deux articles de Quine two Dogmas of Empiricism de 1951 et the Sope and Language of Science de 1955)

Ouvrages d’exposition et de commentaire des principes de l’analyse logique chez Russell :
- G. Evans - the Varieties of Reference - OXFORD UNIVERSITY PRESS - 1982 (examen approfondi, malheureusement non traduit en français, du “principe de Russell’ et comparaison avec Frege)
- A. Benmakhlouf - Bertrand Russell : l’Atomisme Logique - PUF - 1996 (exposé clair et détaillé des principaux enjeux de l’épistémologie et de l’analyse logique russelliennes)
- J. Vuillemin - Leçons sur la Première Philosophie de Russell - ARMAND COLIN - 1969 (analyse précise et rigoureuse des fondements de l’épistémologie logique de Russell telle qu’elle se dégage des Principles de 1903)
- L. Linsky - le Problème de la Référence - trad.fr. S. Stern-Gillet, P. Devaux et P. Gochet - SEUIL - 1974 (confrontation Russell-Strawson à propos du problème de l’existence dans l’analyse des descriptions)

Ouvrages généraux faisant référence à la théorie russellienne des descriptions :
- L. Vax - l’Empirisme Logique - PUF - 1970
- P. Jacob - l’Empirisme Logique : ses Antécédents, ses Critiques - MINUIT - 1980
- P. Engel - Identité et Référence : la Théorie des Noms Propres chez Frege et Kripke - PRESSES DE L’E.N.S. - 1985
- P. Engel - la Norme du Vrai - GALLIMARD - 1989
- P. Ludwig - le Langage - FLAMMARION - 1997

1 Essai sur l’Evolution de la Philosophie de Russell, in my Philosophical Development, trad.fr. p.326
2 the Foundations of Mathematics and other Logical Essays, in Bertrand Russell. L’Atomisme Logique, p.7
3 my Philosophical Development, XVII., trad.fr. p.260
4 ibid., p.263-264
5 Principles of Mathematics, préf., trad.fr. in Ecrits de Logique Philosophique, p.3
6 ibid., p.9
7 ibid., §1, p.21
8 my Philosophical Development, VII., trad.fr. p.93
9 the Nature of Judgment, in Jacob 1982 p.40
10 my Philosophical Development, XVII., trad.fr. p.266
11 Principles of Mathematics, préf., trad.fr. in Ecrits de Logique Philosophique, p.3
12 ibid., §51, p.78
13 the Philosophy of Logical Atomism, V, trad.fr. in Ecrits de Logique Philosophique, p.398
14 ibid., préf., p.3
15 my Philosophical Development, XV, trad.fr. p.220-221
16 Pragmatism : a New Name for some Old Ways of Thinking, in my Philosophical Development, XV, trad.fr. p.223
17 the Nature of Truth, in Philosophical Essays, VI, trad.fr. p.186
18 ibid., p.189-190
19 Meinong’s Theory of Complexes and Assumptions, in Philosophical Essays, trad.fr. p.15
20 Problems of Philosophy, XII, trad.fr. p.144
21 ibid., p.145
22 Principles of Mathematics, §47, trad.fr. in Ecrits de Logique Philosophique, p.74
23 ibid., §48, p.75
24 ibid.
25 ibid., §427, p.xvii
26 Euthydème, 283e7-284c6
27 dans un ouvrage de 1904, über Gegenstandstheorie, Meinong soutient qu’à côté des objets (Gegenstände) qui possède l’être (Sein), il y a place pour des objectifs (Objektive) qui eux, possèdent l’être-ainsi (Sosein), en vertu du principe scholastique dit de l’inexistence intentionnelle, principe réactivé par Brentano et assumé par la phénoménologie
28 the Nature of Truth, in Philosophical Essays, VII, trad.fr. p.209
29 ibid., p.210
30 ibid.
31 Problems of Philosophy, XII, trad.fr. p.144
32 ibid., p.147
33 the Philosophy of Logical Atomism, IV, trad.fr. in Ecrits de Logique Philosophique, p.384
34 ibid. p.381
35 Tracatatus Logico-Philosophicus, 4.112
36 a Critical Exposition of the Philosophy of Leibniz, §8, trad.fr. p.10
37 ibid.
38 Discours de Métaphysique, VIII
39 a Critical Exposition of the Philosophy of Leibniz, §8, trad.fr. p.10
40 ibid., §10, trad.fr. p.16
41 Ecrits Philosophiques, VII
42 Kritik der Reinen Vernunft, AKIII, 7
43 ibid., AKIII, 80
44 Logique, AKIX, 13
45 Kritik der Reinen Vernunft, AKIII, 80
46 ibid., AKIII, 185
47 ibid., AKIII, 33
48 ibid., AKIII, 190
49 ibid., AKIII, 33
50 Grundlagen der Artihmetik, §87, trad.fr. in Ecrits Logiques et Philosophique, p.211
51 ibid., §89, p.213
52 ibid., §88, p.211-212
53 Funktion und Begriff, trad.fr. in Ecrits Logiques et Philosophique, p.81
54 ibid., p.84
55 ibid., p.91
56 ibid., p.92
57 ibid., p.90
58 Grundlagen der Arithmetik, §53, trad.fr. p.180
59 ibid.
60 Begriff und Gegenstand, trad.fr. in Ecrits Logiques et Philosophiques, p.133
61 ibid., p.130
62 ibid., p.139
63 über Sinn und Bedeutung, trad.fr. in Ecrits Logiques et Philosophiques, p.102
64 Tractatus Logico-Philosophicus, 4.461
65 über Sinn und Bedeutung, trad.fr. in Ecrits Logiques et Philosophiques, p.103
66 ibid., p.109
67 ibid.
68 ibid., p.106
69 Principles of Mathematics, §22, trad.fr. in Ecrits de Logique Philosophique, p.43
70 ibid., §1, p.21
71 my Philosophical Development, VI, trad.fr. p.83
72 ibid.
73 ibid.
74 Varieties of Reference, II
75 Problems of Philosophy, V, trad.fr. p.71
76 Ibid., p.81
77 Ibid., p.75
78 Principles of Mathematics, §56, trad.fr. in Ecrits de Logique Philosophique, p.86
79 Ibid., p.81
80 Ibid.
81 Ibid., p.76
82 on Denoting, trad.fr. in Ecrits de Logique Philosophique, p.214
83 my Philosophical Development, VII, trad.fr. p.106
84 on Denoting, trad.fr. in Ecrits de Logique Philosophique, p.215
85 Lettre de Russell à Frege du 12 décembre 1904, in Perry 1999, trad.fr. p.185
86 ibid., p.216
87 the Philosophy of Logical Atomism, VI, trad.fr. in Ecrits de Logique Philosophique, p.410
88 ibid., V, p.392
89 ibid., p.391
90 ibid.
91 on Denoting, trad.fr. in Ecrits de Logique Philosophique, p.212-213
92 Principia Mathematica, ch.III, trad.fr. in Ecrits de Logique Philosophique, p.309
93 ibid., p.311
94 Problems of Philosophy, V, trad.fr. p.70
95 cf. Principes de la Connaissance Humaine, §3, 35, 36
96 Problems of Philosophy, V, trad.fr. p.71
97 cf. Traité de la Nature Humaine, I, i, 1 et Enquête sur l’Entendement Humain, II
98 Problems of Philosophy, V, trad.fr. p.72-74
99 ibid., p.77
100 ibid., p.74
101 the Philosophy of Logical Atomism, VIII, trad.fr. in Ecrits de Logique Philosophique, p.434
102 an Inquiry into Meaning and Truth, VII, trad.fr. p.124
103 Tractatus Logico-Philosophicus, 4.0312
104 ibid., 4.014
105 ibid., 3
106 ibid., 6.53
107 ibid., 1.1
108 Word and Object, préf., trad.fr. p.21
109 the Scope and Language of Science, trad.fr. in deVienne à Cambridge, p.231
110 Pursuit of Truth, §10, trad.fr. p.51
111 from a Logical Point of View, trad.fr. in Quine en Perpsective, p.100
112 Naming and Necessity, II, trad.fr. p.68
113 ibid. I, p.36
114 ibid. II, p.79
115 Varieties of Reference, XI, 2, p.376-377
116 my Philosophical Development, XVIII, trad.fr. p.297