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vendredi 19 novembre 2004

DOIT-ON OPPOSER LE MYTHE DES CROYANCES A LA REALITE DES CONNAISSANCES ?

Doit-on opposer le mythe des croyances à la réalité des connaissances ? La réalité des objets physiques n'entretient-elle pas qu'une différence de degré et non de nature avec l'irréalité des mythes ? Et cette différence de degré n'est-elle pas commandée, in fine, par la plus grande efficacité pragmatique d'action sur le réel que possèdent certains schèmes conceptuels ?

I – Connaître l’existence des objets physiques désignés par nos substantifs, c’est croire à un mythe.

A – “conceptuellement, les objets physiques sont des intermédiaires commodes que nous nous imposons, […] comparables, du point de vue de leur statut théorique, aux dieux d’Homère
Soit un linguiste anglais qui cherche à interpréter les énonciations d’une tribu inconnue, sauf qu’il ne s’agit pas de traduire l’indigène en anglais, faute de savoir les faits qu’il faut décrire pour les faire correspondre à “gavagaie.g. ; interpréter, c’est traduire, mais traduire, c’est projeter sa propre culture sur la réalité ; aussi « l’entreprise de traduction se révèle affectée d’une certaine indétermination systématique »(le Mot et la Chose, préf.), il n’y a pas de traduction pure et parfaite a priori ; il en résulte que pour savoir à quelle réalité extérieure fait référence telle expression, il faut remonter à l’apprentissage social des substantifs, dans la mesure où « les jeux de langage font partie d’une activité ou d’une forme de vie »(Recherches Philosophiques, §23).
Or cet apprentissage « dépend du renforcement ou de la condamnation que la société apporte aux énonciations de l’enfant associées à des conditions qui, du point de vue de la société, les justifient ou non »(le Mot et la Chose, §17) ; et comme les conditions qui les justifient, « ce qui doit être accepté, le donné, ce sont nos formes de vie »(Recherches Philosophiques, II, xi), on peut dire que c’est à celles-ci que font référence nos substantifs et non pas à ce qui est directement perçu, car « notre vie mentale, dans l’intervalle des contrôles, est indifférente pour notre accession à la maîtrise de la référence »(la Poursuite de la Vérité, §14) ; les objets physiques et les dieux d’Homère ont donc le même statut théorique : ils sont réputés connus dans un contexte culturel donné, ou, ce qui revient au même, les locuteurs compétents croient à leur existence.
Malgré tout, les objets physiques ne sont-ils pas directement perceptibles, contrairement aux Dieux d’Homère ?

B – “en ce qui me concerne, je crois aux objets physiques et non aux dieux d’Homère, et je considère que c’est une erreur de croire autrement ; pourtant, du point de vue du statut théorique, les objets physiques n’ont avec les dieux qu’une différence de degré et non pas de nature. L’une et l’autre sorte d’entités ne trouvent leur place dans notre croyance que pour autant qu’elles sont culturellement postulées
« Nous formulons une affirmation sur Jules César, mais nous n’en avons pas eu d’expérience directe ; c’est donc en réalité une description que nous avons à l’esprit : “l’homme qui fut assassiné aux Ides de Mars“, “le fondateur de l’empire romain“, etc. et non pas Jules César lui-même »(Problèmes de Philosophie, v) : nous avons appris que Jules César a été l’individu physique qui correspond à telle et telle description, alors nous croyons qu’une telle entité a existé ; de plus, « seul Jules César lui-même peut faire usage de son nom pour désigner l’individu dont il a l’expérience directe »(Problèmes de Philosophie, v), il ne risque pas de faire une erreur d’identification en disant “je suis N”, et par là il ne sait rien sur lui-même puisque « une proposition est vraie ou fausse à condition qu’il y ait possibilité de décider en sa faveur ou contre elle »(de la Certitude, §200) ; donc toute connaissance vraie sur Jules César et donc toute référence objective de “Jules César” est indirecte (par description).
En général, « si u(a) alors il existe un x tel que x=a et u(x) »(le Mot et la Chose, §37), si l’on apprend que César a conquis la Gaule en 52 av.J.C., alors il existe un x tel que x est appelé “Jules César” et tel que x a conquis la Gaule en 52 av.J.C. ; bref, « être admis comme une entité, c’est purement et simplement être reconnu comme la valeur d’une variable »(d’un Point de Vue Logique, i), c’est-à-dire que croire en l’existence d’une entité a est conditionnée a priori par les phrases qui ont l’expression “a” pour sujet ; de sorte que l’ontologie, le discours sur ce qui existe, concerne « non ce qui existe, mais ce qu’une théorie dit qu’il existe, et c’est là un problème qui concerne proprement le langage »(du Point de Vue Logique, i) ; et c’est bien pour que tous les membres d’une société donnée adhèrent spontanément aux mêmes mythes ontologiques, que « le système scolaire entend façonner complètement des habitus sociaux à partir de l’inculcation du langage »(Langage et Pouvoir Symbolique, i, 2).
Comment expliquer alors que la référence aux objets physiques ait fini par supplanter la référence aux Dieux d’Homère ?

C – “si le mythe des objets physiques est supérieur à la plupart des autres, du point de vue théorique, c’est qu’il s’est révélé être un instrument plus efficace que les autres mythes
Pour les Lumières, la “révolution copernicienne” a mis la connaissance « sur le chemin de la science, alors que pendant tant de siècles elle n’avait été rien d’autre qu’un pur tâtonnement »(Critique de la Raison Pure, III, 10), marquant la rupture avec le mythe comme « produit de l’imagination, siège de l’arbitraire ; or, ce qui nous importe, c’est la raison »(Leçons sur la Philosophie de l’Histoire, I) ; or il n’y a pas de raison pure, « c’est sur les connaissances du cœur et de l’instinct qu’il faut que la raison s’appuie et qu’elle y fonde tout son discours »(Pensées, B282) ; ce qui explique que « partout, sous l’appareil scientifique, le socle mythique affleure »(Langage et Pouvoir Symbolique, iv, 1), en particulier chez les penseurs des Lumières, e.g. « il y a des peuples guerriers braves et actifs, d’autres efféminés, paresseux et timides »(l’Esprit des Lois, xvii, 3).
En réalité, ce qui fait la rationalité de l’ontologie scientifique n’est pas sa vérité théorique mais son efficacité pratique : « les objets physiques sont des entités postulées qui simplifient notre façon de rendre compte de nos expériences sensibles, tout comme les nombres irrationnels simplifient les lois mathématiques »(d’un Point de Vue Logique, i) ; e.g., les atomes permettent de décrire le vivant sans passer par le miracle divin, comme le nombre pi permet de calculer directement une circonférence sans approximations successives : « l’acceptation d’une ontologie scientifique est rationnelle en ce qu’elle nous permet d’adopter le schème conceptuel le plus simple possible »(d’un Point de Vue Logique, i) : le réel, c’est ce qui est simple et efficace.
Or à quelle nécessité répond le besoin de simplifier nos schèmes conceptuels pour les rendre plus efficaces ?

II – Le mythe des objets physiques répond à la nécessité de simplification commandée par la seule évolution naturelle.

A – “Les objets physiques, grands et petits, ne sont pas les seules entités que nous postulons. Les forces en sont un autre exemple, et l’on dit aujourd’hui que la frontière entre l’énergie et la matière est tombée en désuétude
Lorsqu’une ontologie n’est pas satisfaisante, on invente d’abord de nouvelles entités (dieux, esprits, etc.) plutôt que de changer de schème conceptuel ; or « la science utilise la même tactique que le sens commun : gonfler l’ontologie pour simplifier la théorie »(d’un Point de Vue Logique, ii, 6) : e.g. Faraday et Maxwell font référence à des forces pour décrire le magnétisme selon la théorie newtonienne de l’attraction universelle, plutôt que de changer le schème conceptuel, ce que fera Einstein avec sa relativité généralisée nécessitant l’abandon de la géométrie euclidienne ; donc « la science est le prolongement du sens commun […], nous posons l’existence d’objets au niveau atomique pour simplifier et rendre plus maniables les lois gouvernant les objets macroscopiques »(d’un Point de Vue Logique, ii, 6) : le sens commun est donc conditionné par la science.
Pour un holiste comme Quine, « nos énoncés sur la réalité extérieure affrontent le tribunal de l’expérience sensible non individuellement mais comme un corps organisé »(Méthodes de Logique) car « nous appartenons à une communauté dont la science et l’éducation assurent le lien »(de la Certitude, §298) ; l’existence d’une entité a est déterminée par un schème conceptuel tel que « pour tout x, si x=a et u(x), alors u(a) »(le Mot et la Chose, §37), sauf que u(a) est, en dernier ressort, une théorie scientifique (i.e., a est composé d’atomes), et comme « il n’y a aucune observation possible de la forme d’un atome, ce ne sont que des formules mathématiques »(Physique Quantique et Représentation du Monde), a n’est finalement qu’une équation.
Cela veut-il dire qu’il existe des objets mathématiques qui constituent la substance ultime de la réalité ?

B – “en outre, nous postulons aussi les entités abstraites qui forment la substance des mathématiques […] et qui ont théoriquement le même statut de mythe que les objets physiques et les dieux, la seule différence étant le degré avec lequel ils facilitent nos interactions avec les expériences sensorielles
Pour Descartes « ces longues chaînes de raisons toutes simples et faciles dont les géomètres ont coutume de se servir pour parvenir à leurs plus difficiles démonstrations »(Discours de la Méthode, II) sont le modèle de toute vérité scientifique ; et « si les mathématiques sont beaucoup plus certaines que toutes les autres sciences, c’est que leur objet est si clair et si simple qu’elles ne consistent entièrement que dans les conséquences à déduire par la voie du raisonnement »(Règles pour la Direction de l’Esprit, II), lesquelles font suite à l’évidence intuitive, sans rien d’extérieur à l’esprit.
En revanche, pour Wittgenstein, « le tampon de l’incontestabilité est en quelque sorte officiellement apposé sur la proposition mathématique, c’est comme si on disait : “disputez d’autre chose, quant à ceci, c’est intangible” »(de la Certitude, §655) ; et c’est pourquoi, contrairement à ce que dit Descartes, « celui qui sait une proposition mathématique ne doit encore rien savoir, car la proposition mathématique ne peut fournir qu’une armature pour une description (Remarques sur le Fondement des Mathématiques), c’est-à-dire, comme le souligne Kant, les règles incontestables d’une connaissance rigoureuse.
Mais pour Quine « la totalité de notre savoir ou de nos croyances, des faits les plus anecdotiques aux lois les plus profondes de la physique ou même des mathématiques et de la logique, est une étoffe tissée par l’homme et dont le contact avec l’expérience sensible ne se fait qu’à la marge »(d’un Point de Vue Logique, ii, 2) : si la fonction d’une proposition mathématique intemporelle est bien d’inventer des objets mathématiques, ce n’est pas pour les diviniser, mais pour simplifier, par l’intermédiaire d’une théorie scientifique, l’interprétation sociale de nos expériences sensibles afin d’en faire une utilisation optimale.
Est-ce à dire que ce sont finalement les informations sensibles qui constituent la substance ultime de la réalité ?

C – “chacun reçoit un héritage scientifique plus un bombardement continuel de stimulations sensorielles, et les considérations qui le déterminent à ajuster son héritage scientifique à ses stimulations sensorielles continuelles sont pragmatiques autant que théoriques
Pour Quine, « les critères qui guident la modification de notre schème conceptuel ne sont pas des critères réalistes de correspondance avec la réalité, mais des critères pragmatiques : efficacité de la communication et efficacité de la prédiction »(d’un Point de Vue Logique, iv, 5) ; d’une part nous le modifions pour mieux communiquer étant donné les circonstances, c’est-à-dire les informations sensibles mutuellement accessibles, « nous recherchons l’économie d’expression en cherchant à énoncer avec aisance et brièveté »(d’un Point de vue Logique, ii, 6) ; d’autre part nous le modifions afin de faire de meilleures prédictions, « et comme, à l’origine, la bonne prédiction a une valeur de survie, la sélection naturelle a engendré des normes de similarité perceptuelles en nous et en d’autres animaux »(la Relativité de l’Ontologie) : l’adoption d’une ontologie est dû à des dispositions pragmatiques sélectionnées par l’évolution ; son efficacité est, en dernier ressort, naturelle plutôt que sociale.
Or, si Quine a raison de dire, à l'instar de Wittgenstein, que « toute une mythologie est déposée dans notre langage »(Remarques sur le Rameau d’Or , 10), il confond les causes biologiques pré-historiques et les raisons historiques d’obéir à des règles, ce qui n’est pas « une question de mécanisme causal mais de justification ou de raison d’agir »(Recherches Philosophiques, §217) ; car c’est « la coutume qui fait toute l’équité pour la seule raison qu’elle est reçue »(Pensées, B294), or, « pourquoi suit-on la pluralité ? est-ce parce qu’ils ont plus de raison ? non mais plus de force »(Pensées, B301), et c’est elle qui fait que « la nature est notre première coutume »(Pensées, B93) ; enfin, s’il a raison de souligner que « la vérité objective n’est pas une question théorique mais une question pratique »(Thèses sur Feuerbach, ii), c’est celle de sociétés où il y a toujours eu « des classes sociales issues de la division du travail, et dont l’une domine l’autre »(l’Idéologie Allemande), de sorte que l’efficacité d’une ontologie est « l’expression des conditions matérielles dominantes, donc l’expression des rapports sociaux »(l’Idéologie Allemande).

Conclusion.
Lorsque nous attribuons des noms, propres ou communs, à des objets, nous présupposons toujours la subsistance réelle desdits objets, lesquels sont, par la suite, réputés plus ou moins mythiques en fonction de l'utilité qu'ils offrent pour résoudre les problèmes qui se posent. Sauf que, dans les sociétés humaines, l'efficacité des schèmes conceptuels constitués par le nom des objets que nous utilisons, loin de n'être qu'une simple efficacité causale objective sélectionnée par l'évolution naturelle, est aussi une efficacité rhétorique engendrée par la fascination qu'exerce sur nous des formes de langage sélectionnée par la coutume sociale.

samedi 18 septembre 2004

LE PHILOSOPHE DOIT-IL ÊTRE UN SAVANT ?

Le philosophe doit-il être un savant ? A première vue, une connaissance spécifiquement philosophique, n'est-ce pas une nécessité politique ? Toutefois, une telle spécificité est-elle suffisante, et même vraiment nécessaire pour assurer l'utilité politique du philosophe ? Finalement, si le philosophe doit avoir une utilité politique, celle-ci n'est-elle pas pratique, voire pragmatique, plutôt que théorique ?

I – Apparemment, il est politiquement nécessaire que le philosophe soit un savant.

A – L’opinion manifeste son ignorance en ne sachant pas définir correctement ce dont elle parle.
Le propre de l’opinion est d’être acquise « par la persuasion, […] de sorte que l’opinion accompagne la sensation »(Timée, 52a), donc de s’adapter à la complexité des besoins du corps et non à la simplicité de ceux de l’esprit. Aussi, à la question “qu’est-ce que ?”, l’opinion répond soit par une circularité (“le beau, c’est une belle fille”), soit par une paraphrase (“être courageux, c’est repousser l’ennemi”), soit par un exemple (“être vertueux, c’est par exemple être un bon gestionnaire”), preuve que ceux qui la possèdent « n’ont aucune connaissance de ce dont ils ont l’opinion »(République, 479c).
Or Socrate demande une définition de e, car « la connaissance de l’être de ce qui est réellement, de ce qui est par nature, de ce qui demeure toujours identique à soi-même, est de loin la connaissance la plus vraie […], or que pourrions-nous attendre de clair en stricte vérité, des choses qui n’ont jamais été dans le même état, qui ne le seront jamais et qui ne le sont pas actuellement ? »(Philèbe, 57e-59c), il réclame la définition universelle d’une entité immatérielle (l’“Idée”).
Pourquoi donc exige-t-il une telle définition des termes que l’opinion utilise ?

B – Seul, le philosophe peut définir correctement l’idée du bien et l’appliquer à la politique de la Cité.
L’Athènes de Périclès est une démocratie, c’est-à-dire « comme un vêtement bigarré qui offre toute une variété de couleurs [...] c’est un bazar à constitution »(République, 557 c-d), d’où deux dangers :
- d’abord le risque de démagogie : « j’ai entendu Gorgias répéter en toute occasion que l’art de persuader surpasse de beaucoup tous les autres car il fait de tous son esclave de plein gré et non par force »(Philèbe, 59a)
- ensuite le risque de misologie : « il n’est pire accident que de devenir ennemi de la raison, car la misologie vient comme la misanthropie [...] : on a naïvement accordé une entière confiance à quelqu’un [dont] peu à peu on découvre la perversité et la déloyauté [...] et on finit par prendre tous les hommes en haine »(Phédon, 89c)
Donc « tant que les philosophes ne seront pas rois dans les Cités, ou que ceux qu’on appelle aujourd’hui rois ne seront pas vraiment et sérieusement philosophes, […] il n’y aura de cesse aux maux de la Cité »(République, 474a), le bien sera absent de la Cité tant que l’amour de l’opinion tyrannisée par les besoins divers et changeants du corps (“philodoxie”) ne sera pas remplacé par l’amour des idées comme expression éternelle et immuable des besoins de l’esprit (“philosophie”). Ce qui suppose à la fois que toutes les idées, une fois définies, sont un aspect de « l’idée du bien qui est l’objet de connaissance le plus sublime »(République, 505a), et qu’il suffit de connaître pour désirer l’appliquer à la Cité, car «l’amour en général est l’amour du bien, et désir d’enfantement dans la beauté selon le corps et selon l’esprit » (Banquet 206b).
La philosophie comme amour passionné des idées est-elle cette condition suffisante et nécessaire au bien public ?

II – En réalité, il n’est politiquement ni suffisant ni nécessaire que le philosophe soit un savant.

A – La science du philosophe n’est pas la condition suffisante de son efficacité politique.
Platon, quatre siècles avant J.-C., s’imagine que « tout descend du ciel vers la terre, alors qu’en réalité tout s’élève de la terre vers le ciel »(l’Idéologie Allemande), c’est-à-dire que les idées (en particulier l’idée du bien) subsistent dans un ciel éternel, immuable et immatériel accessible à certains esprits qui ont tout loisir de les étudier (d’où “idéo-logie”). Mais en réalité « la production des idées, des représentations, de la conscience est de prime abord directement mêlée à l’activité et aux relations matérielles des hommes »(l’Idéologie Allemande), elle permet de stabiliser les rapports de production que les hommes entretiennent entre eux pour produire leurs moyens d’existence. Bref, non seulement toute idée est historiquement et géographiquement située (d’où pas de définition éternelle et immuable possible), mais en plus « les hommes se sont toujours fait jusqu’ici des illusions sur eux-mêmes […], ce n’est pas la conscience qui détermine la vie mais la vie qui détermine la conscience »(l’Idéologie Allemande) : ce sont les idées qui sont le produit de l’activité matérielle des hommes et non l’inverse.
Donc en croyant que la politique consiste à appliquer des idées immatérielles préalablement définies universellement, les philosophes sont eux-mêmes victimes d’une mystification idéologique, car « dans toute idéologie, les hommes et leurs conditions apparaissent sens dessus dessous »(l’Idéologie Allemande). En définitive « les philosophes n’ont fait qu’interpréter le monde de diverses manières, ce qui importe, c’est de le transformer »(Thèses sur Feuerbach, xii), transformation qui ne peut être engendrée par la seule connaissance que le philosophe aurait d’un certain type d’idée, puisque l’idée n’est pas le préalable mais la conséquence de l’action.
Cela dit, sans être suffisante, la supériorité intellectuelle du philosophe n’est-elle pas cependant nécessaire au bien public ?

B – La science du philosophe n’est pas une condition nécessaire à son efficacité politique.
La figure du philosophe platonicien est celle d’un modèle de perfection : à la fois perfection théorique à laquelle ses concitoyens doivent essayer de s’égaler, et à la fois perfection pratique à laquelle il doivent faire allégeance. Or, s’il n’existe pas ces entités éternelles, immuables et immatérielles (les “idées”) que seul l’esprit exceptionnel du philosophe est capable de percevoir, alors, sa prétention à vouloir régir le monde devient proprement ridicule : « cet homme, né pour connaître l’univers, pour juger de toute chose, pour régir tout un État […], il n’en sera que plus sot, parce qu’il voudra s’élever au-dessus de l’humanité, et il n’est qu’un homme, au bout du compte »(Pensées, B140). Voilà donc la prétention philosophique à vouloir se distinguer du commun des mortels condamnée au ridicule, voire au pathologique : « c’est une maladie naturelle à l’homme de croire qu’il possède la vérité directement »(de l’Esprit Géométrique), qu’il y a du vrai, du bien, du beau, du juste, etc. dans l’absolu.
Dès lors, la prétendue science des philosophes est non seulement insuffisante (les “idées” n’existent pas), mais, pire, elle est contre-productive, car de tels philosophes « ceux-là troublent le monde et jugent mal de tout, […] le monde juge bien des choses, car il est dans l'ignorance naturelle, qui est le vrai siège de l'homme »(Pensées, B327). Bref, si l’on veut changer l’ordre du monde, mieux ne pas commencer par prétendre s’élever au-dessus de l’humanité par une vaine capacité à définir les notions communes, mieux vaut ne pas être philosophe au sens platonicien, au point que, si c’est cela être philosophe, « se moquer de la philosophie, c’est vraiment philosopher »(Pensées, B4).
Mais alors, quelle peut bien être l’utilité politique d’une telle activité dépouillée de toute prétention théorique ?

III – L’utilité politique du philosophe n’est pas théorique mais thérapeutique.

A – La tentation métaphysique est une véritable maladie.
Le symptôme de cette “maladie naturelle à l’homme” dont parle Pascal peut se décrire ainsi : « “qu’est-ce que la longueur ?”, “qu’est-ce que le sens ?”, “qu’est-ce que le nombre ?”, etc., toutes ces questions provoquent en nous une crampe mentale, car nous sentons que nous ne pouvons rien dire en réponse et que, pourtant, nous devrions dire quelque chose »(le Cahier Bleu, 1), et comme « la question “qu’est-ce que … ?” témoigne d’une obscurité, d’un inconfort mental, et elle est comparable à la question “pourquoi … ?” que posent si souvent les enfants »(le Cahier Bleu, 27), le malaise est donc naturel. Le problème est que « nous sommes incapables de définir clairement les termes que nous utilisons, non parce que nous ne connaissons pas leur vraie définition, mais parce qu’ils n’ont pas de vraie définition […] ; mais il ne s’agit pas d’un défaut : penser le contraire serait comme dire que la lumière de ma lampe n’a rien d’une véritable lumière parce qu’elle n’a pas de frontières nettes »(le Cahier Bleu, 26-28), et vouloir le faire à tout prix conduit à ériger le mystère en principe politique.
Aussi, comme le montrent Pascal et Marx, les philosophes conçoivent souvent leur tâche comme « une sorte de recherche scientifique sur ce que le mot veut réellement dire […] ; ils ont constamment à l’esprit la méthode scientifique et ils sont irrésistiblement tentés de poser des questions et d’y répondre à la manière de la science : cette tendance est la source véritable de la métaphysique, et elle mène le philosophe en pleine obscurité  »(le Cahier Bleu, 28). Plus précisément, « une des grandes sources de l’égarement philosophique : un substantif nous pousse à chercher une chose qui lui corresponde  »(le Cahier Bleu, 1), on a tendance à supposer que, de même qu’un nom propre nous fait supposer l’existence un porteur unique de ce nom, de même, « quand nous nous apercevons qu’un substantif n’est pas utilisé comme […] le nom d’un objet, nous ne pouvons nous empêcher de nous dire que c’est le nom d’un objet éthéré »(le Cahier Bleu, 47), c’est-à-dire un objet imperceptible au commun des mortels et donc réservé à l’esprit perspicace du seul philosophe. Croire que « l’essence nous est cachée, telle est la forme que prend notre problème lorsque nous nous posons la question “qu’est-ce que …”  »(Recherches Philosophiques, §92), la tentation métaphysique (essentialiste), voilà la maladie.
Comment le philosophe peut-il combattre cette tentation métaphysique pathologique ?

B – Guérir de la tentation métaphysique, c’est lutter contre l’usage mystificateur du langage.
 Quant aux concepts scientifiques, qu’est-ce qui sera changé lorsqu’« on nous aura expliqué que le plancher sur lequel nous tenons n’est pas solide, contrairement à ce que pense le sens commun, au motif que l’on a découvert que le bois est fait de particules qui remplissent l’espace de manière si ténue qu’on peut presque dire qu’il est vide »(le Cahier Bleu, 46) ? Car, contrairement à ce que croit Platon, « à supposer que toutes les questions scientifiques possibles soient résolues, les problèmes de notre vie demeurent encore intacts »(Tractatus, 6.52). Pour autant, « il n’y a pas de réponse du sens commun à ce genre de problème et on ne peut défendre l’opinion contre les attaques des philosophes […] qu’en les soignant de la tentation d’attaquer le sens commun »(le Cahier Bleu, 59), c’est-à-dire de la tentation de donner une réponse métaphysique à une question originairement sans réponse.
 Or « notre langage ordinaire […] imprègne notre vie tout entière et maintient pour ainsi dire fermement notre esprit dans une seule position »(le Cahier Bleu, 59), fascination dont l’un des symptômes est cette tentation métaphysique, c’est-à-dire « la soif de généralité, ou encore l’attitude dédaigneuse à l’égard du cas particulier »(le Cahier Bleu, 19). C’est pourquoi « celui qui est philosophiquement perplexe et qui voit une loi dans la manière dont on utilise un mot »(le Cahier Bleu, 27), devra s’intéresser aux règles multiples et variables qui gouvernent son usage, en l’insérant dans un « jeu de langage afin de faire ressortir qu’il fait partie d’une activité ou d’une forme de vie »(Recherches Philosophiques, §23). En ce sens « en philosophie, une question se traite comme une maladie »(Recherches Philosophiques, §255), et non comme une recherche scientifique, et donc « la philosophie est la lutte contre l’ensorcellement de nos formes de pensée par notre langage » (Recherches Philosophiques, §109), et non contre l’ignorance du sens commun.

Conclusion.
Apparemment, seul le philosophe est capable de définir les termes qu'il emploie après s'être réellement intéressé à l'essence des choses et pas seulement à leur apparence, ce qui, dans une Cité où la parole est libre, garantit une rigueur lexicale tout à fait louable. Mais cela suppose l'existence d'une réalité extra-linguistique perceptible indépendamment des conditions d'existence socio-historiques ainsi qu'une position de surplomb à l'égard du sens commun qui incite plutôt à la méfiance à l'égard du philosophe. D'autant plus que le prétendu "savoir" du philosophe n'est, le plus souvent, qu'un "savoir" métaphysique, c'est-à-dire une apparence de science, de sorte que l'utilité politique finale du philosophe ne peut consister en autre chose qu'une vigilance critique à l'égard de toute forme de discours.

mercredi 16 juin 2004

KANT ET L'IDENTITE COMME SYNTHESE A PRIORI.

Nous avons vu avec Locke que l'identité, et, en particulier, l'identité personnelle, se fonde empiriquement sur le besoin de négliger certains types de changements considérés comme sans pertinence à l'égard d'un type d'activité consciente donné (perception, connaissance, imputation, etc.). Ce qui est primitif est alors la conscience (consciousness), c'est-à-dire un ensemble de pouvoirs naturels (powers) de l'esprit humain qui le conduisent immanquablement à réfléchir sur le donné empirique afm de se rendre compte que ... (to be aware that). Mais la régularité empirique satisfaisant ce besoin de pertinence et constitutive de l'identité est considérée elle-même comme un pur donné empirique, et les pouvoirs de l'esprit comme de pures qualités dispositionnelles. Rien n'est dit au fond sur ce qui rend nécessaires pour nous, êtres rationnels, les dispositions naturelles qui nous font admettre l'identité. De son côté, Leibniz essaie de résoudre cette difficulté en cherchant dans un principe interne, et donc non pas dans la pertinence externe, la raison dernière de toute identité. Ce qui suppose non seulement que les rapports dans l'espace et dans le temps de l'objet pensé avec la conscience pensante ne sont pas constitutifs de l'identité de l'objet, mais aussi, corrélativement, que la raison dernière recherchée réside dans un principe organisateur : le principe de raison suffisante qui autorise l'existence effective d'entités toutes distinctes les unes des autres mais néanmoins compossibles les unes avec les autres. Du coup, la notion d'identité comporte deux aspects : la non-contradiction logique du concept (la notion complète) de chaque chose et la compatibilité physique du développement (la quantité d'énergie) de toutes les choses. Mais, outre que cela nécessite in fine une ontologie inflationniste (un point de vue divin qui conçoive et qui veuille le meilleur des mondes possibles composé d'une infinité de substances créées de telle sorte que leur coexistence et leur succession soient continues), les critères d'identité intrinsèque, loin de faire abstraction de la réalité de l'espace et du temps, la présupposent au contraire. Du coup, la tentative leibnizienne pour (re-)fonder en raison une identité absolue n'atteint pas son but.
Mais si la tentative de justification entièrement a priori de l'identité aboutit en fait à la démonstration par l'absurde du contraire de ce qui était recherché, on peut désormais se poser la question de savoir non pas si l'identité nécessite le recours à l'extériorité spatio-temporelle, mais plutôt pourquoi l'idéal éléatique de l'identité absolue de l'être avec lui-même n'est qu'un mythe et donc pourquoi l'identité ne peut se comprendre que comme une synthèse de déterminations relationnelles dans l'espace et le temps.
Car, ce qui est commun aux conceptions platonicienne, aristotélicienne, cartésienne et leibnizienne de l'identité, c'est que celle-ci est une qualité substantielle de la chose en soi, c'est-à-dire de l'entité telle qu'elle est, indépendamment de ses relations épistémiques possibles avec un sujet pensant: toute chose est nécessairement identique à elle-même, sinon tout accès épistémique à cette chose nous est interdit. Autrement dit, l'identité est la condition sine qua non de l'objectivité, laquelle est la condition sine qua non de la connaissance. D'où cette tendance à considérer que l'identité est réellement inhérente à la substance, ce qui s'accompagne corrélativement dans la représentation conceptuelle par le fait que l'identité est un prédicat nécessaire pour tout sujet. Or, Locke nous a montré que, sans nier la possibilité d'une identité substantielle sous-jacente, ce à quoi nous avons accès, dans la relation épistémique à un objet quelconque, c'est à une réflexion, c'est-à-dire à une opération de l'esprit qui introduit de l'ordre dans diverses sensations en les attribuant à un même objet. Donc, sans exclure la possibilité de l'identité intrinsèque de la chose en soi, le mouvement même de l'activité scientifique d'identification des objets montre clairement que nous partons de nos sensibilia pour essayer, au risque de nous tromper, de leur faire correspondre des intelligibilia, notamment celle de substance. Dès lors, il semble bien que ce soit toujours l'esprit connaissant qui soit juge de l'identité :
Tous nos jugements sont donc des fonctions qui consistent à ramener nos représentations à l'unité en substituant à une représentation immédiate une représentation plus élevée qui contient la première avec beaucoup d'autres, et qui sert à la connaissance de l'objet, de sorte que beaucoup de connaissances possibles se trouvent réunies en une seule.1
Autrement dit, l'identité est le fmit d'une activité de jugement: nous jugeons que diverses sensations représentées par notre faculté imaginative appartiennent à la même chose, ce que nous exprimons dans une proposition dans laquelle nous attribuons divers prédicats au même sujet. De sorte que, comme le fait remarquer Locke, les prédicats que nous employons ont pour référents les sensations diverses qui n'auraient par elles-mêmes aucune unité si elles n'étaient unifiées par un acte de l'entendement. Mais, le problème que Locke n'a pas résolu2 est celui de savoir si le sujet de la proposition a pour référent une chose en soi, certes hors d'atteinte pour nos facultés intellectuelles, mais néanmoins garantie métaphysique de l'immuabilité substantielle à laquelle s'oppose la mutabi1ité des accidents indiqués par les prédicats. Or Kant va montrer que, dans ces termes, le problème est mal posé car de deux choses l'une :
- ou bien le sujet de la proposition n'est que la juxtaposition des prédicats qui sont de nature à rendre vraie la proposition, un simple nom pour une somme possible de tous ces prédicats, et alors on doit admettre que le sujet n'est qu'un artifice contingent et a posteriori qui justifie les critiques sophistiques selon lesquelles on ne peut rien attribuer à un sujet puisque celui-ci se confond virtuellement avec ses prédicats, l'unité se confondant avec la diversité
- ou bien le sujet de la proposition renvoie bien à une substance en droit distincte de la somme de ses prédicats dans la mesure où elle en est le substrat nécessaire, mais alors toute proposition est analytique dans la mesure où tout prédicat la rendant vraie est réputé appartenir a priori au sujet comme une partie du tout que forme ce que Leibniz appelle la "notion complète" d'une entité.
Donc, ce qu'il nous faut pour expliquer la possibilité de l'identité, c'est élucider cette faculté que possède l'esprit de ramener le divers des prédicats à l'unité d'un sujet sans que ce dernier ne soit ni une étiquette contingente pour un contenu hétérogène, ni le substrat éternel de tous ses accidents, ceux-ci étant alors analytiquement contenus dans celui-là. Bref, il nous faut à présent élucider la possibilité des jugements synthétiques a priori par lesquels le divers des intuitions sensibles est effectivement unifié mais de telle sorte que cette unification ne doive rien au hasard et soit au contraire nécessaire. Ce qui revient à s'interroger sur les actes élémentaires de l'esprit connaissant qui s'ingénie, autant qu'il le peut, à réduire conceptuellement la diversité empirique du donné, car "l'enchaînement des représentations [ ... ] est une représentation de l'action intérieure de l'esprit consistant à lier les représentations, non pas simplement à les juxtaposer dans l'intuition, mais à faire un tout du point de vue matériel [de telle sorte que] l'unité existe non pas en vertu de ce en quoi mais en vertu de ce par quoi le divers se trouve unifié, ce qui lui confère une validité universelle3". Autrement dit, il semble que le fondement même de l'identité réside dans la liaison du contenu sensible des intuitions non pas dans mais par l'activité spontanément synthétique de la conscience.
Il faut donc primitivement se demander ce qui, dans la spontanéité de l'intuition sensible, dispose l'esprit à lier diverses représentations d'origine, de nature et d'intensité diverses, et cela, avant même toute réflexion expresse. En d'autres termes, il faut se demander quelles sont les formes a priori de la sensibilité, c'est-à-dire ces conditions qui ne sont pas données dans l'intuition sensible pour la seule raison que toute expérience les présuppose. Par exemple, qu'est-ce qui nous fait apercevoir, avant même toute réflexion, un organisme vivant, un paysage, une oeuvre d'art comme uns? Il semble que l'on doive admettre que ce qui lie les intuitions sensibles entre elles, c'est une relation nécessaire. Car si c'était une chose, la question se reposerait de savoir ce qui confère l'unité à une telle entité, et si c'était une relation contingente, la possibilité même d'une connaissance universalisable et communicable serait niée. De plus, cette relation doit être conforme à la fois à la condition de l'objectivité et à celle de la subjectivité : les intuitions doivent effectivement être congruentes à l'extérieur du sujet percevant et convergentes à l'intérieur du même sujet. L'espace et le temps sont donc les formes a priori de la sensibilité, autrement dit les conditions préalables, pré conceptuelles, sans lesquelles la matière sensible des phénomènes ne peut être unifiée :

L'espace comme forme pure de toute intuition externe ne sert de condition a priori qu'aux phénomènes extérieurs. Au contraire, comme toutes les représentations [ ... ) appartiennent toujours par elles-mêmes, en tant que déterminations de l'esprit, à un état intérieur, et que cet état intérieur, toujours soumis à la condition formelle de l'intuition interne, rentre ainsi dans le temps, le temps est une condition a priori de tous les phénomènes en général.4
Par où l'on voit que la condition fondatrice de l'unification du divers de l'expérience sensible est fournie par la spatio-temporalité de l'expérience, c'est-à-dire par le fait que l'intuition d'un objet a nécessairement besoin de deux distinctions spontanées: l'une entre intérieur et extérieur (l'espace) et l'autre entre antérieur et postérieur (le temps), étant entendu que celle-ci est plus primitive encore que celle-là puisque l'existence d'un sens interne (par opposition au sens externe) où l'intuition a lieu présuppose la succession des impressions sensibles5. De telle sorte que "espace et temps sont des composita idealia, qui ne sont faits ni de substances ni d'accidents, mais de relations précédant les choses6". Contrairement à ce qu'affirment les empiristes donc, l'espace et le temps ne sont que des conditions formelles de l'unité des sensations, et non pas des conditions matérielles : elles ne se surajoutent pas physiquement aux sensations, "elles ne sont rien [...] que des compositions d'impressions sensibles7". Mais contrairement à ce qu'affirment les rationalistes, les déterminations d'espace et de temps ne sont pas non plus des des effets illusoires sur notre sensibilité du développement des choses en soi : sans ces déterminations réelles, la géométrie par exemple serait impossible8.
C'est en ce sens que les déterminations spatiales et temporelles sont constitutives de l'activité de l'esprit en tant que celui-ci compose l'objet à partir de ses intuitions sensibles. Ces déterminations sont nécessaires à la composition de l'objet par la conscience et subjectives dans la mesure où elles n'appartiennent pas à l'objet identifié mais sont le mode primitif d'application de l'esprit au donné brut de l'expérience. Ni simple fictions, ni sensorium dei, l'espace et le temps sont indéfectiblement les formes a priori de notre sensibilité, c'est-à-dire ce par quoi notre esprit possède la faculté de se représenter l'unité de l'objet malgré la diversité indéfinie des intuitions s'y rapportant, "car nous ne pouvons nous représenter un espace déterminé autrement qu'en le traçant, c'est-à-dire en ajoutant un espace à un autre, et il en va de même pour le temps9". L'activité primitive de synthèse du divers dans l'unité d'un objet appartient donc à l'imagination, ce pouvoir spontané mais passif dont la fonction est de fournir une représentation qui reproduise pour l'esprit les déterminations d'espace et de temps conformément à la nécessité transcendantale de l'espace et du temps quant à la forme mais aussi selon les contingences psychologiques de l'association quant à la matière.
C'est pourquoi il devient nécessaire que la synthèse a priori du divers de l'expérience par la nécessité pré-conceptuelle de la spatio-temporalité soit complétée par une nécessité conceptuelle élémentaire sans laquelle la connaissance scientifique de la nature serait impossible puisque livrée à l'arbitraire de l'association psychologique. Elle serait impossible parce qu'elle ne pourrait éviter soit l'écueil du scepticisme qui interdirait tout jugement définitif portant sur un objet clairement identifié, ou bien celui du dogmatisme qui, encore une fois, contournerait l'obstacle en ne considérant comme objet de science que la chose en soi, c'est-à-dire abstraction faite de ses relations spatio-temporelles avec l'esprit connaissant. L'entendement doit donc ici prendre le relais de la sensibilité et de l'imagination pour prescrire a priori à la matière sensible de l'expérience déjà munie de déterminations spatio-temporelles les règles nécessaires à la subsomption de cette matière sous des concepts, et en particulier sous le concepts de sujet logique d'une proposition scientifique.
La même fonction qui donne l'unité aux diverses représentations dans un jugement, donne aussi l'unité à la simple synthèse des représentations diverses dans une intuition, et c'est cette unité qui, prise de manière générale, s'appelle un concept pur de l'entendement.10
Kant remarque donc que l'entendement, cette faculté de subsumer le perçu de l'expérience sous des concepts dans un jugement de connaissance, est également et plus primitivement la faculté de subsumer le divers donné dans l'expérience pourvu de ses seules déterminations d'espace et de temps sous des concepts purs (catégories) dans un simple jugement de perception11. Ainsi, nous avons besoin des catégories, c'est-à-dire "des concepts d'un objet en général par lesquels l'intuition de cet objet est considérée comme déterminée à l'égard d'une des fonctions logiques du jugement. Ainsi, la fonction du jugement catégorique était celle du rapport du sujet au prédicat, par exemple tous les corps sont divisibles. Mais au point de vue de l'usage purement logique de l'entendement, restait indéterminée la question de savoir auquel des deux concepts on voulait donner la fonction du sujet [...]. Mais par le concept de la substance, si je fais rentrer sous elle le concept d'un corps, on aboutit à cette détermination: son intuition empirique dans l'expérience doit toujours être considérée seulement comme sujet12". Il est donc clair que, si nous voulons penser un sujet pour lui attribuer quelque prédicat, nous devons tenir à notre disposition un jugement catégorique qui soit à la fois universel13 quant à la quantité, affirmatif14 quant à la qualité et problématique15 quant à la modalité. Il nous faut donc respectivement les catégories de substance, d'unité, de réalité et de possibilité.
La catégorie de substance est ce concept pur de l'entendement par lequel est pensée la nécessaire permanence d'un sujet sans laquelle il est impossible d'en énoncer des prédicats: "la substance persiste au milieu du changement de tous les phénomènes16". Autrement dit, pour qu'il soit possible d'attribuer un prédicat à un sujet, il faut effectivement que celui-ci soit pensé comme un exemple de substance, plus précisément comme ce qui peut être subsumé sous un concept tel que le schème "est la permanence du réel dans le temps17". L'identité d'un être dépend donc, comme il est classique de le dire depuis Aristote, de sa substantialité, à la différence près, ajoute Kant, qu'il n'est pas nécessaire que la substance soit un concept de chose en soi qui échappe aux déterminations d'espace et de temps. Bien au contraire, puisqu'il est impossible d'avoir le moindre concept de ce qui ne nous serait pas donné par l'espace et par le temps, la substance est la qualité nécessaire de cette chose dont on veut indiquer un ou plusieurs accidents localisés et/ou datés en faisant donc comme si cette chose échappait aux modifications autres que celles que l'on veut indiquer par l'attribution de prédicats. Le jugement catégorique, comme jugement implicite accordant le statut de sujet logique à une entité, et, par là-même, à la base de tous les autres jugements possibles, notamment celui de connaissance, nécessite donc le concept pur de substance qui exprime une nécessaire permanence de relations entre des intuitions sensibles constituant la totalité logique dont il sera question dans le jugement.
Par où l'on voit que ce jugement catégorique, s'il doit caractériser l'identité, doit être également quantifié universellement, c'est-à-dire valable quel que soit l'aspect sensible à partir duquel nous nous faisons une représentation du sujet logique dans l'imagination. Il s'agit donc précisément d'éviter l'argument sophistique de la particularité irréductible de tout mode psychologique de présentation d'un sujet interdisant en conséquence d'en connaître quoi que ce soit avec vérité. Juger universellement que A est B, c'est donc considérer que c'est tout aspect sensible du sujet A qui est concerné par l'attribution du prédicat B. Il apparaît ainsi que la condition de possibilité de l'universalité d'un jugement en général, c'est le concept pur de l'unité de la synthèse des diverses intuitions sensibles à propos d'un certain sujet. Le principe en est que "toutes les intuitions sont des grandeurs extensives [c'est-à-dire telles que] la représentation des parties rend possible la représentation du tout18". La catégorie de l'unité s'applique donc au divers moyennant le schème du nombre, notamment du nombre un : "le schème pur de la quantité [...] est le nombre, lequel est une représentation embrassant l'addition successive de l'unité à l'unité19". Ainsi, le jugement universel est constitutif de l'identité en ce qu'il présuppose la nécessaire unité spatiale d'un sujet au-delà de la pluralité de ses apparitions sensibles.
Mais cela ne suffit pas : les catégories de substance et d'unité doivent être complétées par celle de réalité dans le cadre d'un jugement qualitativement affirmatif. En effet, l'intelligibilité de la proposition "A est B" nécessite non seulement la permanence relative des apparitions de A dans le temps et leur unité relative dans l'espace, mais aussi la supposition d'une réalité objective extérieure à l'imagination. Car sans cette condition le jugement n'aurait qu'une portée subjective: "quand j'appelle sensation une détermination du sentiment de plaisir ou de déplaisir, le terme signifie tout autre chose que quand j'appelle sensation la représentation d'une chose (par les sens en tant que réceptivité appartenent à la faculté de connaître). Dans ce dernier cas en effet, la représentation est rapportée à l'objet, alors que dans le premier elle n'est rapportée qu'au sujet, et elle ne sert à aucune connaissance20". Le jugement de qualité portant sur un sujet logique réputé identique a donc besoin du concept pur de réalité, autrement dit de l'effectivité d'un corrélat objectif aux intuitions sensibles. A cette condition, leur synthèse par l'imagination pourra être considérée comme exemplifiant le prédicat qui est affirmé dans le jugement: affirmer que A est B, c'est énoncer que A est un exemple de B.
Dès lors, si les conditions formelles de l'identification d'un sujet logique, à savoir sa substantialité, son unité et sa réalité, sont réunies, alors on peut dire que les conditions de possibilité d'une connaissance du sujet sont réunies: "ce qui s'accorde avec les conditions formelles de l'expérience quant à l'intuition et aux concepts, est possible21". Autrement dit l'activité de synthèse a priori du divers de l'expérience au moyen des purs concepts de l'entendement schématisés par une imagination déjà synthétique au moyen des formes a priori de la sensibilité que sont l'espace et le temps, "à savoir la forme objective de l'expérience en général, contient toute synthèse requise pour la connaissance des objets22". On doit donc dire que toutes les conditions formelles de la possibilité de l'identité d'un objet en général, qu'elles soient esthétiques (par le temps et l'espace) ou qu'elles soient conceptuelles (par les catégories schématisées) sont réunies dans l'activité de conscience de soi, ce que Kant nomme l'aperception transcendantale :
Toute nécessité a toujours pour fondement une condition transcendantale. Il faut donc trouver un principe transcendantal de l'unité de la conscience dans la synthèse du divers de toutes nos intuitions [...]. Ce qui doit être nécessairement représenté comme numériquement identique ne peut être pensé comme tel au moyen de données empiriques. 1/ doit y avoir une condition qui précède toute expérience et rend cette expérience elle-même possible, condition qui doit rendre valable une telle supposition transcendantale [...]. Cette conscience pure, originaire, immuable, je l'appellerai l'aperception transcendantale.23
Nous retrouvons donc là la condition que Descartes et que Locke posaient à la possibilité de l'identité objective, à savoir l'identité subjective. Mais cette identité n'est plus métaphysiquement substantielle comme chez Descartes, non plus qu'épistémiquement empirique comme chez Locke, mais, pourrait-on dire, épistémiquement substantielle. C'est-à-dire qu'il y a bien dans la conscience de soi-même s'exprimant dans un ''je pense" la condition de la possibilité a priori de l'identité d'un objet en général, puisque, sans cela, aucun aspect empirique de l'objet n'est jamais en soi pertinent pour la conscience. Mais cette condition de possibilité, la substantialité selon laquelle la permanence fondatrice de l'identité de l'objet doit se trouver en dehors de l'objet, ne repose ni sur une chose pensante24, ni sur une liaison potentielle des perceptions dans une mémoire préoccupée par son bien-être.
Elle doit donc résider, au même titre que tous les sujets logiques dont elle est la condition de possibilité, dans la nécessité épistémique de considérer une substance douée d'unité, de réalité et de possibilité. Mais, à la différence de tous les autres sujets logiques, le je est purement déterminant, non pas déterminable dans un jugement. Soit un sujet A : comme nous venons de le souligner, l'identité de A est présupposée par le fait que mon jugement lui attribue un prédicat B, et cette présupposition est rendue possible par le fait que mon jugement détermine a priori cette identité. En ce sens, la locution ''je pense" est analytiquement contenue dans tout jugement d'identité. Mais le je du "je pense" ne peut sans régression à l'infini être lui-même déterminé dans un jugement. On ne peut non plus considérer le je comme substance intellectuelle sous peine de paralogisme, ni comme l'agrégat de mes perceptions liées par la mémoire sous peine de psychologisme. Il reste alors que "l'identité de la personne ne résulte nullement de l'identité du moi dans la conscience25". Il n'y a donc nulle connaissance possible de la personne comme sujet déterminé a priori dans un jugement. Dès lors, si l'on veut pouvoir expliquer l'identité personnelle autrement que comme l'identité nécessaire d'une substance métaphysique ou comme l'identité contingente d'un agrégat psychologique, il faut admettre que celle-ci ne peut pas être déterminée théoriquement et donc que son existence ne peut être que postulée comme une nécessité pratique.
En effet, si l'on considère qu'il existe des lois pratiques absolument nécessaires, c'est-à-dire telles que leur simple représentation a priori suffit à déterminer universellement et inconditionnellement toute volonté bonne26 à agir, il faut également postuler l'existence d'un sujet de cette volonté. C'est pourquoi l'immortalité de l'âme est le postulat pratique d'après lequel le fondement de l'obligation légale ne peut être déterminant a priori que pour un pur sujet métaphysique toujours identique à lui-même, lequel, par conséquent, ne peut pas être connu comme un fait mais simplement pensé comme une norme. Donc "l'identité de la personne concerne le sujet intelligible quelle que soit la diversité de la conscience empirique27", le sujet intelligible, c'est-à-dire le sujet d'une volonté déterminable a priori par la simple représentation formelle de la loi pratique là où le sujet transcendantal est déterminant et non déterminable. Plus précisément, "la personne est ce sujet dont les actions sont susceptibles d'une imputation28. La personnalité morale n'est donc rien d'autre que la liberté d'un être raisonnable soumis à des lois morales29". Un deuxième postulat pratique est donc nécessaire pour justifier l'identité personnelle : celui de liberté comme "l'hypothèse nécessaire d'une indépendance à l'égard du monde sensible et du pouvoir de déterminer sa volonté d'après la loi d'un monde intelligible30". Bref, contrairement à Locke, Kant fait de l'identité personnelle non pas seulement la condition d'existence de la loi civile mais de toute loi en générale dont la simple forme suffit à déterminer une volonté nouménale (indépendante de la temporalité) et autonome (indépendante de l'inclination comme de l'intérêt) sur la base du pur sentiment de respect pour la loi. 




1 Critique de la Raison Pure, AK. III, 85.
2 Même si, encore une fois, son optimisme lui permet d'échapper au nominalisme hobbesien ou humien en faisant de la substance une idée hypothétique corrélative des efforts de la science pour pénétrer la structure intime de la matière.
3 Lose Blätter, 7, in Kant-Lexicon, p.1010.
4 Critique dela Raison Pure, AK. III, 60.
5 "Je peux bien dire que mes représentations sont successives, mais cela signifie seulement que j'ai conscience de ces représentations comme dans une suite de temps, c'est-à-dire d'après la forme du sens intime". Op. Cit., AK. III, 62, note 1.
6 Réflexions 5885, in Kant-Lexicon, p.451.
7 Réflexions 5898, ibid.
8 Kant prend l'exemple de la transformation symétrique : soit une figure F et son transformé F' par la relation T, tel que, x F, x' F', x T x' => x' T x. D'où une transformation de la transformation de F donnera F à l'identique. C'est donc que F n'est pas identique à F', et cela bien que, par définition de la transformation symétrique, toutes les déterminations intrinsèques de F soient aussi celles de F', seule leur position respective dans le plan étant différente. Kant en tire évidemment argument contre l'universalité du principe leibnizien des indiscernables (cf. Prolégomènes ... , §13; AK IV, 286-294).
9 Progrès de la Métaphysique ..., AK. XX, 7, 271, in Kant-Lexicon, p.1009.
10 Critique de la Raison Pure, A.K. III, 92.
11 Pour pouvoir en effet affirmer dans un jugement susceptible d'être vrai ou faux que "A est B", il faut prélablement reconnaître que "ceci est (un) A". D'où l'importance de la nature du sujet logique qui avait été négligée tant par les rationalistes qui en faisaient le corrélat nécessaire d'une substance intelligible, que par les empiristes qui y voyaient un complexe de données empiriques explicable par les seules lois psychologiques de l'association.
12 Critique de la Raison Pure, A.K. III, 106. À noter que Kant commet, dans son exemple, l'erreur caractéristique de la logique aristotélicienne de confondre le sujet grammatical avec le sujet logique : ici "tous les corps" est sujet grammatical mais prédicat logique puisque l'expression subsume à son tour des sujets logiquement simples. Ce qui pose problème si l'on veut illustrer par cet exemple les catégories de quantité (l'unité) ou de qualité (la simplicité), voire même de relation (la substantialité doit alors être entendue au sens aristotélicien d'essence, ousia ; cf à ce props notre §2).
13 "Dans le jugement universel, la sphère d'un concept est entièrement enfermée à l'intérieur de la sphère d'un autre" (Logique, §22, AK. IX, 103, in Kant-Lexicon, p.606).
14 C'est-à-dire dans lequel "le sujet est pensé sous la sphère d'un prédicat" (Logique, §22, AK. IX, 104, ibid. p.585).

15 "Les jugements problématiques sont ceux où l'on admet l'affirmation ou la négation comme simplement possibles" (Critique de la Raison Pure, AK. III, 89), c'est-à-dire ceux pour lesquels la vérité ou la fausseté dépend de la matière de l'expérience, bref, les jugements proprement scientifiques.
16 Critique de la Raison Pure, AK. III, 161.
17 Op. Cit. AK. III, 137.
18 Op. Cit. AK. III, 148.
19 Op. Cit. AK. III, 136. Par où l'on voit clairement le rôle du temps (le sens interne) non seulement dans la synthèse empirique de l'imagination, mais encore dans la genèse du concept de nombre qui rend possible cette synthèse via la composition additive du divers (la succession), et donc, finalement, l'espace lui-même (le sens externe). Frege, dans les Fondements de l'Arithmétique, va critiquer vigoureusement la conception d'une genèse temporelle du nombre qu'il assimilera à une genèse psychologique.
20 Critique de la Faculté de Juger, §3, AK. V, 206. À noter que l'absence d'objectivité du jugement, c'est-à-dire le dèfaut d'affirmation de la réalité extèrieure de ce dont on a une intuition sensible, ne nuit pas nécessairement à son universalité, même si elle semble incompatible avec sa substantialité. L'exemple du jugement de goût est à cet égard signifIcatif: il n'est pas nécessaire que la Joconde soit réelle, pour que j'énonce à son sujet un jugement esthétique à vocation universelle. Mais si je me désintéresse de la réalité de ce sujet, c'est que la relation à son endroit n'est pas de l'ordre de la substance (1a permanence temporelle de ce qui existe) mais plutôt de la finalité, c'est-à-dire de la convenance subjective entre mon intention esthétique et le sentiment effectivement éprouvé. Par là se pose évidemment le ~roblème crucial de l'identité des objets irréels.
21 Critique de la Raison Pure, AK. III, 185.
22 Ibid.
23 Op. Cit., AK. IV, 80-81.
24 Kant montre dans les paralogismes de la raison pure (Op. Cit., AK. III, 262-280) que si l'on applique les catégories schématisées à une éventuelle connaissance du moi comme le prétend la psychologie rationnelle, la substantialité, l'unité, la réalité et la possibilité d'un tel objet sont purement analytiques, tautologiques dirait-on aujourd'hui : "1 - que le «je» soit sujet, c'est par définition dira le grammairien, 2 - qu'il soit singulier, c'est-à-dire ni pluriel ni pluralisable, de même, 3 - qu'il demeure identique dans sa diversité de ses fonctions de sujet, de même encore, 4 - que «je» ne soit pas «autre chose», de même enfin car, par définition, l'autre c'est ça qui n'est pas moi" commente A. Philonenko dans l'Oeuvre de Kant, t.I, p.245.
25 Critique de la Raison Pure, AK. IV, 230.
26 C'est-à-dire toute volonté capable de se déterminer à agir par la simple représentation formelle d'une loi en général en raison du sentiment de respect qu'elle inspire a priori au sujet transcendantal. Cf. Fondements de la Métaphysique des Moeurs, 1° section.
27 Réflexions 6319, in Kant-Lexicon, p.518.
28 "L'imputation au sens moral est le jugement par lequel on regarde quelqu'un comme l'auteur d'une action qui [...] est soumise à des lois" (Métaphysique des Moeurs, AK. VI, 227).
29 Op. Cit., AK. VI, 223.