各国无产者联合起来 ! PROLETAIRES DE TOUS PAYS UNISSEZ-VOUS !

各国无产者联合起来 ! PROLETAIRES DE TOUS PAYS UNISSEZ-VOUS !

mercredi 15 octobre 2003

A QUOI SERVENT LES PHILOSOPHES ?

    A quoi servent les philosophes ? Apparemment la philosophie n’est-elle pas une activité intellectuelle particulièrement stérile ? Pourtant, cette stérilité n’est-elle pas liée aux prétentions dirimantes des philosophes dominants dans l’histoire ? Finalement, le philosophe ne doit-il pas se borner à  souligner modestement les contradictions humaines implicitement contenues dans nos formes d’expression ?

 
I – A première vue, la philosophie n’a pas grande utilité sociale.

    A – notre société est une société de spectacle.

 

    Dans la société capitaliste, le spectacle publicitaire "est le moment où la marchandise est parvenue à l’occupation totale de la vie sociale" (Debord, la Société du Spectacle, §42). En effet, dans un système social caractérisé par la recherche effrénée du profit marchand individuel, "celui qui subit passivement son sort, [...] sera poussé vers la consommation de marchandises [...] par le besoin d’imitation qu’éprouve le consommateur [...] comme compensation d’un sentiment torturant d’être en marge de l’existence" (la Société du Spectacle, §219). Imiter pour s’intégrer, telle est la règle dans toute société, en tout lieu et toute époque. Mais lorsque celle-ci est fortement inégalitaire, "de l’automobile à la télévision, tous les biens sélectionnés par le système spectaculaire sont ainsi des armes" (la Société du Spectacle, §28), plus exactement des armes aux mains de ceux qui tirent profit de la consommation de masse afin d’entretenir et renforcer leur position dominante. Dans un tel système social, celui qui est politiquement dominé et économiquement exploité "se voit soudain lavé du mépris total dont il ordinairement l’objet et se retrouve chaque jour traité comme une grande personne, avec une politesse empressée, sous le déguisement du consommateur" (la Société du Spectacle, §43). Par là, sa dépendance matérielle ne fait que s’accroître, puisque plus on est pauvre et exclu, plus on doit faire d’effort de consommation pour s’intégrer. Aussi cette dépendance apparaît-elle à celui qui en est la victime sous l’aspect inversé d’une accession à la modernité et à la liberté. Par la consommation de masse, le spectacle publicitaire offre en effet l’illusion à celui qui est méprisé, dominé, exploité qu’il est l’acteur majeur du système : le consommateur. On peut donc dire que le spectacle n’est pas un ensemble d’images, mais un rapport social entre des personnes (la Société du Spectacle, §4), plus précisément, une inversion illusoire des rapports sociaux réels, la transformation d’une aliénation vieille comme le monde en liberté moderne, c’est ce que Marx appelle l’idéologie, car "dans toute idéologie, les hommes et leurs conditions apparaissent sens dessus dessous" (Idéologie Allemande). Toute idéologie, et en particulier l’idéologie moderne du spectacle publicitaire, fonctionne donc comme une structure qui justifie, reproduit et amplifie la domination d’une classe sociale en donnant à la classe dominée l’illusion de la liberté, de l’égalité et du progrès. La philosophie peut-elle détruire cette illusion ?

    B – la philosophie fait elle-même partie de l’idéologie de la classe dominante.

    Dans le Bourgeois Gentilhomme (II, 2) de Molière, le maître d’armes, le maître de musique et le maître à danser de Mr. Jourdain prétendent chacun que son art est le plus prestigieux qui soit. Ils sont près d’en venir aux mains lorsqu’apparaît le maître de philosophie : "holà, monsieur le philosophe, vous arrivez tout à propos avec votre philosophie : venez un peu mettre la paix entre ces personnes-ci" (-id-, II, 3). Or, que fait ce dernier ? Il accable les trois premiers protagonistes de son mépris en décrétant la supériorité absolue de la philosophie, ce qui, déclenche une bagarre générale. Molière a voulu traiter par le ridicule la prétention insensée du philosophe à régler les problèmes concrets de la vie (mettre la paix). En d’autres termes, le discours philosophique est non seulement un discours prétentieux incapable de résoudre les antagonismes, mais, pire que ça, une idéologie nocive qui a plutôt tendance à les perpétuer. La raison est que "à toute époque, les idées de la classe dominante sont les idées dominantes" (Idéologie Allemande). En effet, "la classe qui est la puissance matérielle dominante de la société est en même temps la puissance spirituelle dominante" (Idéologie Allemande), c’est-à-dire qu’elle tend à perpétuer le statu quo ante en valorisant par la circulation des idées, les conditions de sa domination et en désamorçant par avance les risques de bouleversement social. C’est ainsi que l’illusion suprême, qui verrouille l’ordre socio-économique établi, c’est que les consciences se croient capables de "s’émanciper du monde et de passer à la formation de la théorie « pure » théologie, morale, philosophie, etc." (l’Idéologie Allemande). En particulier, la pureté idéologique de la philosophie est une illusion d’autant plus perverse qu’elle participe à la justification de l’ordre établi par la valorisation des vertus de réflexion, de maîtrise de soi, de dialogue, etc., et par la dévalorisation de l’action, de la démesure, de la révolte, etc. Bref, la philosophie a contribué, au cours de l’histoire, à introduire des pensées dominantes qui ne sont rien d’autre que "l’expression en idées des conditions matérielles dominantes" (Idéologie Allemande). Certes, la philosophie a pu apparaître, exceptionnellement, comme une activité critique à l’égard de l’ordre établi, mais, même alors, "l’arme de la critique ne peut remplacer la critique par les armes : la force matérielle doit être renversée par une force matérielle" (Critique de la Philosophie du Droit de Hegel). En d’autres termes, tant que la critique s’exprime par la philosophie, elle n’est pas bien dangereuse pour la classe dominante, car "ce n’est pas la critique mais la révolution qui est la force motrice de l’histoire" (l’Idéologie Allemande). Bref, de tout temps, "les philosophes n’ont fait qu’interpréter le monde de diverses manières, ce qui importe, c’est de le transformer" (Thèses sur Feuerbach, XI), interpréter, c’est-à-dire traduire dans un langage valorisant les rapports de force occultes qui structurent toute société. Or l’exemple du Bourgeois Gentilhomme ne montre-t-il pas que la philosophie peut, à défaut de transformer le monde, tout au moins susciter le trouble ?

 
II – La philosophie descriptive est ennuyeuse et non spectaculaire.

    A - la condition humaine, c’est l’attrait du divertissement et du bavardage.

 

    Si les hommes sont si sensibles à la mystification idéologique, s’ils acceptent si facilement de se soumettre à la domination, si le spectacle est, sous toutes ses formes, une sorte d’"opium du peuple" (Marx, Critique de Hegel), c’est peut-être bien parce que "la seule chose qui nous console de nos misères est le divertissement" (Pascal, Pensées, B171), c’est-à-dire, étymologiquement, le fait de détourner son attention. La détourner de quoi ? "Qu’on s’imagine un nombre d’hommes dans les chaînes, tous condamnés à la mort, dont les uns étant chaque jour égorgés à la vue des autres qui, se regardant les uns les autres avec douleur et sans espérance, attendent à leur tour" (Pensées, B199). Donc si le spectacle est à ce point fascinant, s’il détourne aussi facilement notre attention, c’est peut-être bien parce que notre mortalité nous est un sujet d’ennui, c’est-à-dire de haine ("ennui" vient de in odio, "en haine"). D’où "condition de l’homme : inconstance, ennui, inquiétude" (Pensées, B127). C’est pourquoi l’homme conçoit de l’ennui, il prend en haine sa condition qui ne lui donne "ni le courage de finir, ni la force de continuer" (Beckett, Nouvelles et Textes pour rien), sous-entendu à vivre. Dès lors, il n’y a plus rien qu’un mortel ennui qui ne fait que continuer, "ouvert à quoi, il n’y a que lui, ouvert au vide, ouvert au rien" (l’Innommable). Car il est proprement insensé ce temps qui passe et qui conduit à une mort qui rend dérisoire tout projet d’avenir : "ubi nihil vales, ibi nihil velis [là où tu ne vaux rien, tu ne peux rien vouloir] (Murphy). D’où la tentation : "et si je parlais pour ne rien dire, mais vraiment rien ?" (l’Innommable), en me racontant "des histoires presque sans vie, comme moi" (Malone meurt). En effet, rien de tel pour tuer le temps que le bavardage. La meilleure illustration de la condition humaine est, à cet égard, la pièce de Beckett en attendant Godot qui met en scène un espace désert agrémenté d’un arbre rabougri et traversé de temps en temps par deux couples d’individus misérables qui attendent Godot. Qui est Godot ? Ils n’en savent rien, alors ils bavardent. Bavarder, c’est "n’avoir rien à faire, n’avoir rien à dire, rien que les paroles des autres" (l’Inommable) : le bavardage, c’est le degré minimal de la relation sociale, celui par lequel on tue le temps en se donnat en spectacle à n’importe qui en disant ce que n’importe qui peut comprendre. De cette manière, je suis tour à tour acteur et spectateur d’un divertissement médiocre qui "m’éloigne plus que toute autre chose de chercher remède à mes maux" (Pascal, Pensées, B168), et ce, pour le plus grand bien de la classe dominante. Or, la philosophie n’est-elle pas elle-même une forme de bavardage ?

    B – la philosophie descriptive replonge les hommes dans l’ennui.

    Disons d’abord que "sans examiner toutes les occupations particulières, il suffit de les comprendre sous le divertissement" (Pensées, B137). Autrement dit, il n’y a aucune raison de faire de la philosophie une activité supérieure en nature aux autres occupations: la philosophie semble être un divertissement comme un autre. Il semble en effet que tout ce que savent les philosophes, "c’est non pas pour en devenir plus sages, mais pour montrer qu’ils les savent" (Pensées, B139). Dès lors, leur bavardage consiste soit à prescrire à leurs semblables de changer de vie pour résoudre toutes leurs misères, soit au contraire, à leur prescrire de ne rien changer et de profiter de la vie comme elle vient. Bref, "les philosophes ne prescrivent point des sentiments proportionnés à la condition de l’homme : les uns inspirent des mouvements de grandeur pure, et ce n’est pas l’état de l’homme ; les autres inspirent des mouvements de bassesse pure, et ce n’est pas l’état de l’homme" (Pensées, B525). D’où la ridicule prétention du philosophe prescripteur (par exemple, celui du Bourgeois Gentilhomme) : "il n’en sera que plus sot, celui qui voudra s’élever au-dessus de l’humanité, et il n’est qu’un homme au bout du compte, c’est-à-dire capable de peu et de beaucoup, de tout et rien : il n’est ni ange ni bête, mais homme" (Pensées, B140). En ce sens, ceux qui blâment les hommes et qui prétendent changer leur manière de vivre, et ceux qui, au contraire, flattent les hommes et prétendent les encourager à ne rien changer, ceux-là sont effectivement des bavards "qui n’entendent rien à la véritable nature de l’homme" (Pensées, B139). Or quelle est cette véritable nature ? "Car enfin, qu’est-ce que l’homme dans la nature ? […] un milieu entre rien et tout" (Pensées, B72). L’homme n’étant ni ange, ni bête, ni infini, ni néant, il est aussi insensé de lui prescrire, même au nom de la sagesse philosophique, de changer de vie (tout), que de ne pas changer de vie (rien). Que reste-t-il au philosophe qui, plutôt que de se répandre en spectacle bavard, préférerait, modestement, aider les hommes "à chercher un moyen plus solide d’en sortir" (Pensées, B171) ? Réponse : en leur montrant comment ils vivent, en leur décrivant les contradictions essentielles qui traversent la condition humaine, et non en leur prescrivant des règles anesthésiantes : "s’il se vante, je l’abaisse ; s’il s’abaisse, je le vante et le contredis toujours, jusqu’à ce qu’il comprenne qu’il est un monstre incompréhensible" (Pensées, B420). Or le philosophe qui se contente  de décrire aux hommes la manière dont ils vivent ne risque-t-il pas de rappeler aux hommes ce qu’ils désirent oublier, de mettre le doigt là où ça fait mal, de rompre l’enchantement du spectacle permanent, bref, de ramener l’ennui ?

 
III – Le philosophe combat la fascination que le langage exerce sur les hommes.

    A - la recherche philosophique ressemble plutôt à une recherche esthétique.

 

    Le propre de l’idéologie, avons-nous vu, est de tirer profit de la fascination humaine pour le spectacle afin de dominer totalement l’expression des opinions, de sorte que "les gens se mettent alors à vivre sous une tyrannie absolue, palpable, sans pourtant pouvoir dire qu’ils ne sont pas libres" (Wittgenstein, Remarques Mêlées, 28). Ce qui s’explique parce que "notre langage ordinaire, qui, de toutes les notations possibles, est celle qui imprègne notre vie toute entière, maintient pour ainsi dire fermement notre esprit dans une seule position" (le Cahier Bleu, 59). Et c’est bien entendu cette position qui constitue la substance du bavardage comme spectacle idéologique. Mais si c’est le bavardage et la passivité sociale qui sont les problèmes de la vie humaine, alors la philosophie ne peut pas les résoudre : "la solution d’un problème de vie, c’est une manière de vivre qui fasse disparaître le problème, il faut alors que tu changes ta vie" (Remarques Mêlées, 27). Or comment la philosophie peut-elle prétendre changer ce langage qui imprègne notre vie à notre insu ? "La philosophie ne peut en aucune manière porter atteinte à l’usage réel du langage, elle ne peut faire autre chose que le décrire : elle laisse toute chose en leur état"  (Recherches Philosophique, §124). Mais cependant comment décrire ce langage afin d’éclairer les contradictions qui minent la condition humaine ? "On peut remarquer l’étrange ressemblance d’une recherche philosophique avec une recherche esthétique" (Remarques Mêlées, 25). En effet, que fait Marcel Duchamp lorsqu’il ajoute une moustache à la Joconde et qu’il intitule le tableau L.H.O.O.Q. ? De toute évidence, il en a assez de ce tableau que les cuistres du monde entier admirent bêtement, alors il le montre autrement. De même aussi, "le théâtre doit amener son public à s’étonner, et cela se fait à l’aide d’une technique de distanciation du familier" (Brecht, Petit Organon pour le Théâtre, §44). Or, mettre les choses à distance, c’est faire apparaître étrange ce qui est ordinairement familier. En ce sens, il est clair que Molière nous fait apparaître étrange le statut du philosophe ordinairement considéré comme un sage, de même que Beckett nous fait apparaître étrange la condition humaine moderne ordinairement considérée comme enviable. D’une manière générale, "ce qui ne choque pas n’est pas de l’art" (Duchamp, Conversations). De même, "la philosophie doit faire en sorte que l’esprit se sente parfois pris d’une crampe" (Wittgenstein, le Cahier Bleu, 57), elle doit gêner pour que "l’expression de la gêne prenne la forme d’une critique" (Leçon sur l’Esthétique, II, 19), une critique des contradictions dans lesquelles la société est engluée. Quelle forme doit prendre la critique, esthétique ou philosophique, pour avoir une utilité sociale ?

    B – la philosophe dissout les faux problèmes facteurs de bavardage idéologique.


    Ce qu’il y a d’aliénant dans le spectacle, ce par quoi l’idéologie fait oublier leur soumission, aux classes dominées, c’est le phénomène de l’identification, ce que Hume appelle la sympathie. En effet, "la sympathie est le principe le plus puissant de la nature humaine" (Traité de la Nature Humaine, III, iii, 6), c’est-à-dire que notre langage est indissociable d’un comportement par lequel celui qui parle fait partager ses affections à autrui. Dès lors, pour briser la fascination de l’acteur sur le spectateur, "le spectateur ne doit pas se mettre à la place de l’acteur mais doit prendre position face à lui" (Brecht, Petit Organon pour le Théâtre, §46). En d’autres termes, ne pas se mettre à la place de celui qui parle, mais s’opposer à lui. Supposons que quelqu’un qui s'ennuie, qui "trouve le temps long", pose au philosophe la question “qu’est-ce que le temps ?”. "Cette question donne l’impression que ce que nous voulons, c’est une définition" (Wittgenstein, le Cahier Bleu, 27). Si le philosophe s'identifie au (se prend de "sympathie pour" au sens humien) le locuteur qui semble exiger que « temps » corresponde à une chose identifiable et donc définissable par ses critères d’identité, il répondra alors par une mauvaise définition. Par exemple “le temps est le mouvement des corps celestes” (le Cahier Bleu, 27) : cette définition est mauvaise à la fois parce que « temps » n'a pas UNE définition (ce terme est utilisé non seulement en astrophysique, mais aussi en musique, en météorologie, en psychologie, etc.), et à la fois parce que, à moins d'imposer cette "définition" à la manière du philosophe de Molière, cette réponse a peu de chance de satisfaire le questionneur. C’est pourquoi le philosophe doit plutôt se contenter de voir "une règle dans la manière dont on utilise un mot, et lorsqu’il essaie d’appliquer cette règle systématiquement, il tombe sur des cas où elle conduit à des résultats paradoxaux" (le Cahier Bleu, 59). Le philosophe qui montre aux hommes comment ils vivent doit justement profiter de l'occasion qui lui est fournie par la question "qu'est-ce que le temps ?" pour montrer qu'une question mal posée (et une question sans réponse possible est une question mal posée) est, par elle-même, une source d'angoisse. Car "d’une réponse qu’on ne peut formuler, on ne peut pas non plus formuler la question. Il n’y a pas d’énigme. Si une question peut de quelque manière être posée, elle peut aussi recevoir une réponse [...] ; le doute ne peut subsister que là où subsiste une question, une question seulement où une réponse est possible, et celle-ci seulement où quelque chose peut être dit" (Wittgenstein, Tractatus, 6.5 ; 6.51). Bref, pour Wittgenstein, ce n'est pas parce que les hommes sont placés devant des énigmes insurmontables qu'ils sont plongés dans l'ennui et s'adressent au philosophe. C'est au contraire parce qu'ils s'adressent au philosophe et que celui-ci prétend qu'il existe des mystères insondables qu'ils sont plongés dans l'ennui. Le philosophe ne lutte pas contre la domination en prescrivant un comportement "au nom d’une connaissance plus fine des faits" (le Cahier Bleu, 59). Le philosophe n'est pas un homme de science. Sa fonction n'est pas de répondre à des problèmes que même les scientifiques n'ont pas su résoudre (problèmes qu'on qualifie bizarrement d'"existentiels"). Au contraire, "en philosophie une question se traite comme une maladie" (Recherches Philosophiques, §255), en faisant disparaître la tentation de poser des questions telles que « qu’est-ce que le temps ? », « Dieu existe-t-il ? », « quel est le sens de ma vie ? »,
« pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ? » qui sont des questions oiseuses, des questions sans réponses, bref, de "faux problèmes" dont l'effet psychologique est nécessairement désastreux et dont la fonction idéologique est évidemment de nous "divertir" au sens de Pascal, c'est-à-dire de nous détourner des vrais problèmes, à savoir ceux qui peuvent être résolus. C’est en ce sens que "la philosophie est un combat contre la fascination que des formes d’expression exercent sur nous" (le Cahier Bleu, 27). Certes, "cette méthode serait insatisfaisante pour l'autre -qui n'aurait pas le sentiment que nous lui avons enseigné la philosophie- mais ce serait la seule strictement correcte" (Tractatus, 6.53).

 
Conclusion.

    A première vue, les philosophes servent à justifier et à perpétuer intellectuellement les rapports sociaux inégalitaires, c’est-à-dire à être une forme de spectacle idéologique parmi d’autres. Pourtant, cette propension proprement humaine au divertissement spectaculaire est l’indice d’une condition humaine ennuyeuse car nourrie de contradictions insolubles que nous fuyons dans le bavardage. La seule utilité possible du philosophe consiste donc à montrer les contradictions de la condition humaine telles qu’elles s’expriment dans le langage ordinaire qui régit et conditionne l’ensemble de nos rapports sociaux à commencer par la contradiction consistant à poser des questions oiseuses.