mercredi 24 septembre 2025
mardi 23 septembre 2025
LA POSTURE TRAGIQUE (I - TRAGEDIE ; II - ILLUSION).
Lors des obsèques de Marie Trintignant décédée en août 2003 dans les circonstances que tout le monde connaît, son père a pris la parole en ces termes : "ne pleure pas celle que tu as perdue ; réjouis-toi au contraire de l'avoir connue". Il y a dans cette phrase toute l'intensité et toute la grandeur de la tragédie : la catastrophe, la souffrance, la joie ("réjouis-toi"). Chacun(e) d'entre nous a sans doute croisé un jour ou l'autre quelqu'un qui, tout en étant accablé par le sort, manifeste néanmoins une vitalité extraordinaire, une joie de vivre hors du commun. Et a sans doute pensé : "quel courage !" comme s'il fallait, pour apprivoiser la tragédie de l'existence, engager un combat féroce contre le destin. Or, nous dit Nietzsche, c'est, tout au contraire, la posture tragique comme communion avec le destin qui nous procure cette "puissance de l'ivresse que tous les hommes et tous les peuples ont chanté dans leurs hymnes, [cette] force despotique du renouveau printanier pénétrant joyeusement la nature entière"(Nietzsche, la Naissance de la Tragédie, i). Nous allons donc montrer que (I) les origines festives de la tragédie grecque résument à merveille la nature de la vie humaine, notamment (II) en ce qu'elle se berce de l'illusion de pouvoir combattre le caractère intentionnellement illusoire du monde perçu, caractère illusoire qui (III) est dénié par la lutte dérisoire d'une volonté réputée responsable contre la fatalité de l'existence dont (IV) la prise de conscience constitue la posture tragique par excellence, laquelle (V) est le seul moyen de sublimer la souffrance existentielle par une mise en scène de l'existence qui, (VI) une fois admise et répétée sans réserve, procure la joie de vivre à la fois la plus éphémère et la plus exubérante.