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lundi 25 janvier 2021

MANIFESTE DU PARTI CONSPIRATIONNISTE.

Un spectre hante l’Occident : le spectre du conspirationnisme. Toutes les puissances du vieil Occident se sont unies en une Sainte-Alliance pour traquer ce spectre : le politique, le scientifique et le médiatique, Parly, Delfraissy et July1, les ministres, les experts et les journalistes. Quelle est l’opposition qui n’a pas été accusée de conspirationnisme par ses adversaires au pouvoir ? Quelle est l’opposition qui, à son tour, n’a pas renvoyé à ses adversaires de droite ou de gauche l’épithète infamante de conspirationniste ? Il en résulte un double enseignement. Déjà le conspirationnisme est reconnu comme une puissance par toutes les puissances d’Occident. Il est grand temps que les conspirationnistes exposent à la face du monde entier, leurs conceptions, leurs buts et leurs tendances ; qu’ils opposent au conte du spectre conspirationniste un manifeste du Parti lui-même2.


L’histoire de toute société jusqu’à nos jours n’a été que l’histoire des luttes de places3. Loin de constituer une alternative à la lutte des classes comme moteur principal de l'histoire, ce que Bourdieu appelle "lutte des places" en est plutôt l'achèvement même, c'est-à-dire sa résultante à la fois la plus concrète et la plus perverse dès lors qu'on quitte les grandes généralités historiques pour s'intéresser à la vie quotidienne des gens. En effet, à quelque classe sociale qu'appartienne l'individu Lambda et dans quelque système de rapports sociaux que ce soit, il doit en permanence donner des garanties de sa "normalité". Et même si ce n'est pas là une propriété de la seule configuration socio-économique dite capitaliste4, pour autant, en système capitaliste, "aux marques qui traduisent des statuts, des privilèges, des appartenances, on tend à substituer ou du moins à ajouter tout un jeu de degrés de normalité, qui sont des signes d’appartenance à un corps social homogène, mais qui ont en eux-mêmes un rôle de classification, de hiérarchisation et de distribution des rangs"(Foucault, Surveiller et Punir). En effet, conformément au dogme révélé aux prophètes de cette théocratie, "tous les Citoyens [sont] égaux […] sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents"(Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789, art.6)5. D'où, tout à la fois en amont et en aval de la "norme" commune, l'existence "des moyens de correction qui ne sont pas exactement des moyens de punition, mais des moyens de transformation de l'individu, toute une technologie du comportement de l'être humain"(Foucault, le Pouvoir, une Bête Magnifique). Une telle "technologie du comportement", que Foucault, comme Agamben, nomment "bio-pouvoir", justement, vise une distinction qui n'est plus statique comme dans les sociétés pré-capitalistes, mais devient dynamique : la "vertu" héritée par la naissance ne suffit plus, il faut y ajouter les "talents", ceux que l'on acquiert "par son seul mérite" tout au long de son existence. Voilà pourquoi le capitalisme a inventé des euphémismes savoureux pour qualifier de tels "moyens de correction", tout à la fois punition (rentrer dans le rang en montrant sa vertu) et transformation (sortir du rang en prouvant son talent) : des mots comme "autocritique", "autodiscipline", "autonomie", "autocensure", etc. On remarquera que le plus significatif, dans tous ces termes est, bien entendu, le préfixe αὐτόϛ, "par soi-même" qui suggère que le moteur de la lutte des places est bien cette obsession de la normalité consistant en une préoccupation constante, chez tout atome social individuel, de se distinguer de tout autre et ce, à quelque classe qu'il appartienne. Il en va de ce que Foucault appelle la "gouvernabilité", c'est-à-dire, en fait, de l'intelligibilité, de la lisibilité et, in fine, de l'acceptabilité même du système capitaliste.


Les "places" comme enjeu de lutte, ce sont donc, tout à la fois, ces "effets de distinction [qui] inclinent les uns à tenir leur rang, à garder leurs distances, et les autres à se tenir à leur place, à se contenter de ce qu’ils sont"(Bourdieu, Langage et Pouvoir Symbolique, ii, 2), "effets de distinction" qui, de facto, déterminent la normalité sociale et la conscience qu'on en a6, mais aussi le facultatif dans le comportement, car, au fond, "seul le facultatif peut donner lieu à des effets de distinction"(Bourdieu, Langage et Pouvoir Symbolique, i, 1). La "place", c'est donc ce par quoi on est (ou on n'est pas) quelqu'un de distingué et, en même temps, ce par quoi on se distingue. Dans les deux cas, "c’est la société et elle seule qui dispense, à des degrés différents, les justifications et les raisons d’exister. C’est elle qui, en produisant les affaires et les positions que l’on dit importantes, produit les actes et les agents que l’on juge importants, pour eux-mêmes et pour les autres, personnages objectivement et subjectivement assurés de leur valeur et ainsi, arrachés à l’indifférence et à l’insignifiance. […] ‘‘Misère de l’homme sans Dieu !’’, disait Pascal. Misère de l’homme sans mission ni consécration sociale. En effet, […] je dirais : Dieu, ce n’est jamais que la société. Ce que l’on attend de Dieu, on ne l’obtient jamais que de la société qui seule a le pouvoir de consacrer ; mais seulement de manière différentielle, distinctive : tout sacré a son complémentaire profane, toute distinction produit sa vulgarité […]. Le jugement des autres est le jugement dernier, et l’exclusion sociale la forme concrète de l’enfer et de la damnation. C’est aussi parce que l’homme est un Dieu pour l’homme que l’homme est un loup pour l’homme"(Bourdieu, Leçon sur la Leçon)7. Bref, on peut avoir une conception matérialiste de l'histoire et admettre que dans celle-ci "il n’y a pas seulement des forces ou plus de forces d’un côté que de l’autre ; mais il y a toujours en ceux qui sont gouvernés une structure qui les rend gouvernables par les autres"(Foucault, l'Origine de l'Herméneutique de soi). Or, "la structure […] pose des conditions quant au type des occupants légitimes des différentes places prévues. Il en va ici, en somme, comme de la syntaxe d'une phrase"(Descombes, les Institutions du Sens, xv, 3). Bref, de la même façon que, dans un langage donné, les mots ont une "place" assignée par la syntaxe dudit langage, de même, dans une société donnée, les êtres humains ont une place autorisée8 par la structure de cette société, la structure et la gouvernabilité en celle-ci se substituant à la syntaxe et l'intelligibilité en celle-là. La structure est donc en quelque sorte la matrice qui prédétermine les forces (sociales ou sémantiques) en les orientant vers des places autorisées. Sauf que, comme le reconnaît Marx lui-même, une originalité du système capitaliste tient en ce qu'en son sein "la division du travail, […] prend aussi, dans la classe dominante, la forme de la division du travail intellectuel et du travail matériel"(Marx, l’Idéologie Allemande). Il en va de même dans la classe dominée. C'est ainsi que "l’organisation des prolétaires en une classe et, par suite, en un parti politique, est à tout moment détruite par la concurrence des ouvriers entre eux"(Marx, Manifeste Communiste de 1848, i). Autrement dit, à travers la notion d'"égalité", on voit que le mouvement de normalisation coercitive propre au système capitaliste est indissociable de celui de promotion compétitive, que le courant d'intégration sociale coexiste avec un courant antagoniste de désagrégation.


Pour résoudre le paradoxe d'un système social tout à la fois pérenne et miné par ses propres contradictions, Bourdieu fait alors intervenir une notion importée de la science physique : celle dite du "démon de Maxwell"9. Il commence par admettre que toutes les institutions sociales "sont des corps animés d’une sorte de conatus au sens de Spinoza10, c’est-à-dire d’une tendance à perpétuer leur être social, avec tous ses pouvoirs et ses privilèges, qui est au principe des stratégies de reproduction"(Bourdieu, Raisons Pratiques, ii). Évidence physique en quoi réside, en particulier, toute mécanique sociale de nature intégrative, normative, coercitive mais qui, on le sait, contredit, du moins en apparence, le second principe de la thermodynamique en vertu duquel tout système physique, quel qu'il soit (et un système social est un système physique particulier), tend vers l'accroissement de l'entropie, donc du désordre, donc vers sa propre désintégration. Sauf que, comme le suggère l'expérience de pensée de Maxwell, cette règle générale connaît des exceptions apparentes11, celle concernant les corps vivants et, notamment, les "corps sociaux" humains étant les plus manifestes. C'est ainsi que, nous dit Bourdieu, tout corps social "agit à la manière du démon de Maxwell : au prix de la dépense d’énergie nécessaire pour réaliser l’opération de tri, il maintient l’ordre préexistant, c’est-à-dire l’écart entre [individus] dotés de quantités inégales de capital culturel"(Bourdieu, Raisons Pratiques, ii). Tout se passe donc comme s'il existait un "démon", une sorte de "malin génie" cartésien, de "main invisible" smithienne, de "rire" nietzschéen ou bergsonien ou encore, de divinité métaphysique qui œuvre en permanence à rétablir l'ordre social menacé par la tendance à la désagrégation consécutive aux effets sociaux de distinction individuelle, effets élevés au rang de norme par le capitalisme. Plus précisément, tout se passe comme s'il existait une intelligence organisatrice qui centralise en temps réel l'information disponible concernant, d'une part les tendances centrifuges des agents sociaux préoccupés de distinction, d'autre part la tendance centripète du système social qui s'emploie à en (ré-)concilier les conséquences néfastes. "Comme si", avons-nous dit : on use donc ici, explicitement, d'un procédé argumentatif analogique et non descriptif. Car une telle "intelligence" n'existe pas réellement. C'est une construction conceptuelle sur un modèle anthropomorphique. Ou, si l'on préfère, cette "intelligence" n'est pas transcendante aux corps (physiques et/ou biologiques et/ou sociaux) qu'elle discipline mais leur est au contraire immanente, elle n'agit pas sur eux, ce sont eux qui, en réalité, sont spontanément "intelligents" en tant qu'ils agissent. Dit d'une autre manière, le "démon de Maxwell" s'incorpore en chacun des êtres qu'il conditionne sous la forme de ce que Bourdieu appelle, empruntant le terme à Aristote, Thomas d'Aquin et Leibniz, un habitus : "les conditionnements associés à une classe particulière de conditions d’existence produisent des habitus, systèmes de dispositions durables et transposables [...] en tant que principes générateurs et organisateurs de pratiques et de représentations qui peuvent être objectivement adaptées à leur but sans supposer la visée consciente de fins et la maîtrise expresse des opérations nécessaires pour les atteindre, objectivement réglées et régulières sans être en rien le produit de l’obéissance à des règles et, en étant tout cela, collectivement orchestrées sans être le produit de l’action organisatrice d’un chef d’orchestre"(Bourdieu, Choses Dites). C'est donc cette notion de "démon de Maxwell", autrement dit d'habitus, qui rend compte de la régulation spontanée de tout système social12 en ce qu'il est contraint de concilier en permanence des courants contraires d'intégration (normalisation) et de désintégration (distinction), le système capitaliste simplifiant cette régulation en inculquant l'habitus de la distinction comme norme suprême.


De là vient, tout naturellement, la notion de "conspiration". D'abord, d'une manière générale, "tout corps se ressent de ce qui se fait dans l’univers ; tellement que celui qui voit tout pourrait lire dans chacun ce qui se fait partout et même ce qui s’est fait ou ce qui se fera en remarquant dans le présent ce qui est éloigné, tant selon les temps que selon les lieux : sumpnoia panta [tout conspire vers un même but], disait Hippocrate"(Leibniz, la Monadologie, §61). Il importe peu pour notre propos que la métaphysique leibnizienne ait été malmenée par la physique moderne sur au moins deux points : la conservation de l'énergie (par la deuxième loi de la thermodynamique que nous avons évoquée supra)13 et le déterminisme nécessaire (par le principe d'incertitude de Heisenberg)14. Il reste que sa thèse dite de "l'harmonie pré-établie", peut-être héritée de la conception taoïste de la Voie15, nous offre une clé de compréhension pour ce que les media main stream nomment avec mépris le "conspirationnisme", d'ailleurs confondu avec le "complotisme"16. Cette thèse affirme en effet que "naturellement chaque substance simple a de la perception, et que son individualité consiste dans la loi perpétuelle qui fait la suite des perceptions qui lui sont affectées, et qui naissent naturellement les unes des autres, [...] et, par son moyen, l'univers entier, suivant le point de vue propre à cette substance simple, sans qu'elle ait besoin de recevoir aucune influence physique"(Leibniz, Essais de Théodicée)17. Que "chaque substance simple [ait] de la perception" signifie ni plus ni moins que chaque portion spatio-temporelle de l'univers est nécessairement en connexion avec le tout de l'univers et qu'elle porte en soi les empreintes de cette connexion. Et ce sont ces empreintes incorporées qui, précisément, constituent l'habitus. De sorte que ce qui individualise "chaque substance", ce qui fait sa singularité n'est pas, comme le suggère la pensée main stream, une soi-disant indépendance, mais, tout au contraire le fait qu'elle soit déterminée par toutes les autres mais d'une manière unique, d'un point de vue unique qui fait que, par exemple, "une même ville regardée de différents côtés paraît tout autre, et est comme multipliée perspectivement […] selon les différents points de vue de chaque monade18"(Leibniz, la Monadologie, §§56, 57). En ce qu'elles "naissent naturellement les unes des autres", les différentes (ré-)actions sont donc toutes pré-déterminés d'une certaine manière qui est toujours, malgré tout, spontanée en ce qu'une telle (ré-)action est toujours pré-accordée à son environnement naturel et/ou social "sans qu'elle ait besoin de recevoir aucune influence physique". Cette spontanéité est, pour Leibniz comme pour Bourdieu, celle de l'habitus : "on a un habitus pour une chose lorsque cette chose est faite d’ordinaire en vertu d’une disposition spontanée de l’agent […] ; la spontanéité est ce dont le principe réside dans l’agent"(Leibniz, Opuscules et Fragments). "Réside dans l'agent" et non pas "a l'agent pour origine". Le "démon de Maxwell" est donc bien incorporé, et si bien que l'agent se comporte "comme si" on lui dictait les règles de son comportement, sauf que ce n'est pas le cas : il y "obéit" spontanément, c'est-à-dire inconsciemment19, en ce qu'il perçoit confusément la conspiration qui l'englobe sans pour autant nécessairement l'apercevoir consciemment20. C'est en ce sens que, tout mouvement dans l'univers pour Leibniz et tout mouvement social pour Bourdieu est conditionné, non par une simple causalité isolable et descriptible par un mécanisme21, partant, réputée observable et expérimentable. Bien plutôt, tout mouvement procède d'un "démon de Maxwell", autrement dit d'un habitus, c'est-à-dire d'un ensemble de conditions diffuses et confuses qui relèvent d'une corrélation complexe globale inobservable dans sa totalité et d'autant moins objectivable que tout "observateur" potentiel fait lui-même partie du processus à "observer". Il y a donc bel et bien un sens à affirmer que "tout conspire" ou, si l'on préfère que la nature, à commencer, bien entendu, par la nature humaine, est gouvernée par des processus immanents de convergence de tous les phénomènes vers un horizon de conditionnement confusément perceptible quoiqu'entièrement déterminé.


Il est remarquable que de telles intuitions, pour métaphysiques, voire mystiques qu'elle puissent paraître à l'occidental positiviste borné, aient été largement confirmées par les développements les plus récents de la connaissance scientifique, à savoir la mécanique quantique, la psychanalyse22 et les sciences sociales23. C'est ainsi que la mécanique quantique "est très proche de la pensée orientale24 non seulement dans ses conclusions ultimes mais également dans sa conception générale de la matière. Elle décrit le monde des particules élémentaires comme une réseau d'événements et met plus l'accent sur les changements et les transformations que sur les structures et les entités fondamentales"(Capra, le Tao de la Physique, xvii). De même, Bourdieu définit la sociologie comme une activité qui "dévoile des choses cachées et parfois refoulées comme la corrélation entre la réussite scolaire (que l’on identifie à l’“intelligence”) et l’origine sociale"(Bourdieu, Questions de Sociologie, ii). Et Freud : "le ça est la partie obscure de notre personnalité, et le peu que nous en savons, nous l’avons appris en étudiant l’élaboration du rêve et la formation du symptôme névrotique […]. Les processus qui s’y déroulent n’obéissent pas aux lois logiques de la pensée : pour eux, le principe de contradiction n’existe pas"(Freud, Nouvelles Conférences sur la Psychanalyse). Que ce soit en physique quantique, en psychanalyse ou en sociologie, les trois axes culturels occidentaux qui ont conceptualisé le plus systématiquement cette tendance, l'accent est mis sur l'objectivation paradoxale de ce qui, rigoureusement parlant, est réputé directement inobservable. On y insiste donc sur ce qui, tout en restant caché, manifeste néanmoins indirectement des processus de transformation mettant en jeu des réseaux serrés d'influences réciproques entre entités plutôt que sur les qualités intrinsèques de ces substances, ce qui, on s'en doute est plus aisément constatable. L'exemple le plus connu de cette difficulté se trouve dans l'évidence et la simplicité des remarques de Hume au sujet de la (trop) fameuse relation de causalité dont use et abuse la pensée scientifique. Celle-ci présuppose, par exemple, qu'une boule de billard nommée "cause" communique à une autre boule de billard nommée "effet", une certaine quantité de son énergie par quoi on rend compte de sa réaction. Si au lieu de la simpliste relation de cause à effet entre la boule impactante et la boule impactée, on tient compte des phénomènes collatéraux de roulement, de résistance du tapis, d'élasticité des matériaux, etc., même en admettant avec Newton qu'au finale, la réaction doit être égale à l'action25, la relation entre les deux boules devient beaucoup plus difficile à objectiver qu'en termes de simple choc entre deux corps simples26. On a, en effet, affaire désormais à un processus complexe dont les composantes, pourtant intuitivement convergentes (conspirantes) sont difficilement descriptibles isolément les unes des autres. De sorte que ce processus relève désormais d'une explication par des raisons plutôt que d'une description par des causes, la différence étant que "la recherche d’une raison entraîne comme partie essentielle l’accord de l’intéressé avec elle, alors que la recherche d’une cause est menée expérimentalement"(Wittgenstein, Cours de Cambridge 1932-1935). Dès lors, la description mécaniste par les causes se révèle être un cas limite de l'explication par les raisons lorsque l'accord entre locuteurs est réalisé sur la base d'une expérimentation linéaire selon l'avant et l'après : la cause à l'instant t, l'effet à l'instant t' avec t' strictement postérieur à t. Bref, tout étant difficilement modélisables, les raisons indirectes et intuitives rendent compte de la réalité de manière, certes, moins précise, mais beaucoup plus large que les causes objectives directement observables27. Ce n'est par pour rien que Leibniz parle, à leur propos, de principe de "raison suffisante" et non pas de "causalité suffisante". Dans un précédent article28, nous montrions que la modélisation scientifique ne se réduit d'ailleurs plus à la production d'un mécanisme causal mais a tendance à se prévaloir plutôt d'une modélisation que nous qualifiions d'"organiciste" (l'objet de science est considéré comme un organisme vivant qui, partant, possède une marge incompressible d'imprévisibilité due à la complexité de son biotope), voire d'une modélisation "textualiste" (l'objet de science est considéré comme une sorte de texte dont l'interprétation fait intervenir, de la part de l'observateur, des facteurs culturels indissociables des raisons qu'il fournit pour justifier son interprétation). C'est en ce dernier sens que le scientifique en général "n'a quelque chance de réussir son travail d'objectivation que si, observateur observé [par son objet], il soumet à l'objectivation non seulement tout ce qu'il est, ses propres conditions sociales de production et par là les "limites de son cerveau", mais aussi son propre travail d'objectivation, les intérêts cachés qui s'y trouvent investis, les profits qu'ils promettent"(Bourdieu, sur l'Objectivation Participante), autrement dit si et seulement s'il reste intuitivement conscient d'être, comme l'envisage aussi la mécanique quantique et la psychanalyse, embarqué dans le même processus de convergence que les phénomènes qu'il étudie. L'objectivation, nous dit Bourdieu, est alors "participante" en ce que le "sujet conscient" (appelons-le ainsi par commodité de langage) n'est pas réellement distinct de son "objet d'observation"29 mais que les raisons qu'il avance pour en rendre compte, loin d'être transcendantes et neutres, sont bien plutôt immanentes et conspirantes par rapport au phénomène observé et, donc, participent de celui-ci.


De cela suit que la conspiration ne peut être tenu pour synonyme d'"illusion". Comme Leibniz a été le premier penseur occidental à en prendre pleinement conscience, et comme la physique quantique, la psychanalyse et les sciences sociales ont été amenées à la conceptualiser, la convergence spontanée de processus dynamiques qui s'influencent réciproquement est la loi fondamentale du réel qui doit son existence à la compossibilité de ses différentes composantes, qu'elles soient naturelles ou sociales, dans un tout cohérent qui pré-existe à chacune de ses parties et, par conséquent, les détermine30. Il en est résulté, d'une part une approche de la mesure en sciences physiques ou sociales qui se base sur des statistiques31, d'autre part, une conception objectiviste de l'"information" disponible sur de tels processus dynamiques en termes de probabilités de survenance de tel ou tel événement32. Dès lors, dire qu'il existe une conspiration entre deux ou plusieurs événements est purement tautologique : il ne peut pas en être autrement. Car, pour que deux événements E et E' ne soient pas conspirants, il faut que leur convergence soit, ou bien impossible, ou bien nécessaire, autrement dit que la probabilité de leur conjonction soit, ou bien égale à 0 ou bien égale à 1. Ce qui, dans le monde réel (physique), n'a aucun sens33. Par ailleurs, du fait qu'un événement qui dépend de la conjonction d'un grand nombre de facteurs convergents est moins probable qu'un autre qui dépend de peu de facteurs, plus un événement est probable et moins on possède d'informations sur cet événement. Ce qui se comprend aisément : tandis qu'un événement "certain" (dont la probabilité de survenance est très proche de 1) n'a pas besoin de s'expliquer, il suffit qu'on le constate ou qu'on le sente ainsi34. C'est pourquoi, dire que deux ou plusieurs processus conspirent, n'est pas nécessairement prétendre qu'ils tendent vers un même but. Car, comme Aristote l'a suffisamment expliqué35, l'existence d'un but suppose une intelligence anthropomorphe (transcendante ou non, peu importe) qui dirige le mouvement dans une direction et vers une fin conscientes. Or nous avons vu que les processus convergent naturellement "comme si" ils étaient voulus et contrôlés par un "démon de Maxwell", sauf que nous savons que ce "démon" est une fiction. À la limite donc, dans la mesure où nous sommes détenteurs d'un très grand nombre d'informations (physiques) relatives à la quasi-imposibilité de son inexistence, nous pouvons dire que très faible est la probabilité pour qu'un but conscient et intelligent soit assigné à une simple conspiration36. Bref, la conspiration, n'est pas le complot37. Celui-ci n'est, en effet, que la limite vers laquelle tend une conspiration lorsqu'elle est le fruit d'une volonté organisatrice (peu importe qu'elle soit individuelle ou collective) qui pose explicitement et consciemment un but à atteindre à partir d'un ou plusieurs moyen(s) réputé(s) cause(s) de l'effet souhaité38. Or, dans le cas de la conspiration, il n'y a justement pas, y avons-nous lourdement insisté, de relation linéaire entre un événement "cause" et un événement "effet", entre une conscience posant un but et un ensemble de moyens mécaniques, seulement une corrélation floue entre conditions et conséquences, événements inter-dépendants qui se co-déterminent mutuellement et sur lesquels notre habitus nous fournit peu, voire pas du tout, d'informations objectives.


Peu d'informations mais, paradoxalement, beaucoup de compréhension39. Si, comme le dit Bourdieu, "l'habitus est une connaissance sans conscience"(Bourdieu, Choses Dites), nous avons, en tant qu'être vivant, et à tout moment de notre existence, une compréhension précise de ce qu'il convient de faire ou de ne pas faire pour nous ajuster à un courant d'événements qui nous détermine en permanence. Et ce n'est pas parce que cet ensemble d'événements corrélés est un ensemble flou40 de conditions que, pour autant, un tel courant est dépourvu de réalité. Concrètement, ce n'est pas parce que tous les actionnaires se trouvent vendre au même moment les mêmes actions d'un même titre sans pour autant avoir ourdi un complot pour faire baisser la valeur de leurs propres actions, que cette convergence est un fantasme : le résultat sur la valeur des actions en est, au contraire, on ne peut plus tangible ! Du coup, contrairement à ce que l'idéologie main stream pourrait conclure de notre exemple ci-dessus, la pensée conspirante41 ne procède pas du tout d'une perversion cognitive (d'un "biais cognitif" comme elle se plaît à répéter à l'envi). Certes, nos actionnaires ne se sont pas concertés, en tout cas, pas à un niveau global, il n'ont pris aucune décision collective, aucun organe centralisateur n'a été mandaté pour piloter ce mouvement de convergence. En ce sens, ils n'ont pas "comploté". Pour autant, ils montrent qu'ils ont, au même moment, la même compréhension intuitive de l'imminence de la chute des cours qu'ils vont, précisément, précipiter par le fait même de tenter d'y échapper. Du coup, on pourrait être tenté de qualifier d'"irrationnel" ce classique mouvement de panique boursière que la psychologie sociale bon marché fonde sur le soi-disant "biais cognitif" du traitement insuffisant de l'information qui serait, dit-on, parasitée par l'affectivité42. Ce qui suppose la rationalité pratique réduite à l'obtention nécessaire de l'effet souhaité par la seule rationalité théorique43 elle-même réduite au schème d'une relation causale entre le corps considéré comme moyen indéfectible lorsqu'il est au service d'une pensée infaillible lorsqu'elle est à la fois désincarnée et capable d'imposer au corps ses propres fins. Si c'est le cas, l'effet souhaité (éviter de perdre de l'argent) n'étant manifestement pas obtenu au motif, prétend-on, que l'actionnaire Lambda, submergé par son émotion, tient un raisonnement qui fait abstraction de l'information selon laquelle tous les autres actionnaires vont tenir le même que le sien, hâtant ainsi la chute du cours de l'action, alors, effectivement, ce mouvement est irrationnel. Il en va très différemment, en revanche, si l'on considère que, précisément en raison de la compréhension intuitive de l'imminence d'une chute des cours et de la certitude qui en découle, déterminant ainsi l'urgence qu'il y a à réagir, il n'y a, à proprement parler, aucune information à traiter. Dès lors, le procès en irrationalité fondé sur un prétendu "biais cognitif" procédant d'un manque d'information ne tient plus (d'ailleurs, pour l'actionnaire Lambda, l'absence d'information vérifiable sur le comportement des autres actionnaires exclut-elle la certitude intuitive que ceux-ci vont agir comme il le fait ? est-il idiot à ce point?). Par ailleurs, constate-t-on, ce mouvement de panique fait suite à la peur44 de perdre de l'argent. Or, quoi de plus irrationnel que la peur ? En fait, elle ne l'est que si et seulement si on raisonne comme Descartes. Elle l'est beaucoup moins dès lors que l'on admet que la peur ou le stress est, dans le règne du vivant, une éminente fonction biologique de self preservation. D'ailleurs, une preuve que la peur, fût-elle panique, est, chez nous autres humains, parfaitement rationnelle est que, dans tous les cas, nous sommes capables d'en donner … des raisons. Même si, encore une fois, nous possédons sur l'objet de notre peur d'autant moins d'informations vérifiables que nous en sentons intuitivement la plus grande proximité. À la lumière de ces considérations, nous devons re-considérer le jugement que la pensée main stream ne manquera pas de prononcer sur les vagues successives de revirement cognitif consécutives à un mouvement de panique au motif qu'à terme, la chute du cours de l'action va s'accompagner, immanquablement, d'un "rebond", le faible prix de celle-ci attirant des opportunistes qui, par leur demande soudainement accrue, vont revaloriser le cours de l'action jusqu'à ce qu'un nouveau mouvement de défiance ne le fasse à nouveau chuter, etc. Mais de tels revirements ne sont irrationnels que pour autant que l'on réduit la rationalité à un processus inférentiel délivrant UNE vérité définitive45 sur la base d'une information vérifiable une fois pour toutes. Or, a contrario, dans cet exemple précis, en quoi l'investisseur potentiel qui n'anticiperait pas intuitivement les fluctuations de cours et donc qui ne se fondrait pas dans le flux de ces mutations, certes, très rapides, pourrait-il être regardé comme "rationnel" ? Dès lors, si on accepte de voir l'émotion et la contradiction s'ingérer dans un processus cognitif, il ne faut pas s'étonner d'y trouver aussi de la confusion (au sens étymologique de cum fusio, "ce qui est fondu ensemble"), encore une entorse à la conception standard de la rationalité. Confusion qui se manifeste dans l'indécision, le flottement, la fluctuatio animi qui caractérise celui ou celle qui, manquant de certitude dans ses conclusions, manque aussi de fermeté dans ses actes, ce qui, horresco referens, le rend malléable et influençable à merci46. Tout ça pour dire que si l'on refuse de réduire la rationalité à celle que déploie la seule logique bivalente47 dans un processus d'inférence linéaire hypothético-déductif, mais qu'on l'étend au principe "en vertu duquel nous considérons qu’aucun fait ne saurait se trouver existant, aucune énonciation vraie, sans qu’il y ait une raison suffisante pourquoi il en soit ainsi et pas autrement"(Leibniz, Monadologie, §32), ou bien d'après lequel "les hommes […] cherchent ce qui leur est utile et donc ne désirent rien pour eux-mêmes qu’ils ne désirent pour les autres hommes"(Spinoza, Éthique, IV, 18), si on admet donc que "la raison n’est pas une explication conforme à une expérience, mais simplement une explication acceptée"(Wittgenstein, Leçons sur l’Esthétique, II, 39), bref, qu'il existe une rationalité consistant à se sentir intuitivement pris dans un flux d'événements et d'y ajuster son comportement en temps réel, alors l'idée selon laquelle tout phénomène naturel et/ou social est toujours au cœur d'un concours de conditions48 dont la plupart font l'objet d'une compréhension intuitive, alors la pensée conspirante est une attitude intellectuelle parfaitement rationnelle en raison même de son caractère à la fois émotionnel, contradictoire et confus. Tirons de cette conclusion deux conséquences immédiates. Premièrement, il est parfaitement rationnel que la classe dominée soit animée d'une pensée conspirante comprenant intuitivement que les intérêts de ses membres sont conspirants, et donc, corrélativement, qu'elle est l'objet d'une conspiration sociale dirigée contre les conditions conspirantes de sa domination. Deuxièmement, il est parfaitement rationnel que la pensée conspirante dominante ait tendance, d'une part à se nier comme pensée conspirante réputée, nous l'avons dit, irrationnelle, d'autre part à tout faire pour éviter que cette conspiration d'intérêts dominants soit entravée par la prise de conscience de cette conspiration par le plus grand nombre49. Alors, justement, examinons à présent en détail les raisons que la pensée conspirante dominante fournit elle-même pour justifier la dénonciation et la condamnation du conspirationnisme en général à travers d'un exemple précis : la réception du documentaire de Pierre Barnérias intitulé Hold-up.


Rappelons d'abord en quoi consiste ce documentaire. Mais, avant tout, deux mots de méthode. Comme le dit Wittgenstein, en tant que nous prétendons à l'objectivité de la connaissance informative, à la limite, "nous devons tâcher d'écarter toute explication et ne mettre à la place qu'une description"(Wittgenstein, Recherches Philosophiques, §109) car "expliquer est plus que décrire, bien que toute explication contienne une description"(Wittgenstein, Remarques Philosophiques, §1)50. Or, "si la simple description est si difficile, c’est parce que l’on croit que, pour parvenir à la compréhension des faits, il faut les compléter. C’est comme si l’on voyait une toile avec des taches de couleurs éparses, et que l’on dise : telles qu’elles sont là, elles sont incompréhensibles, elles ne prendront un sens que lorsqu’on les aura complétées. Tandis que moi, je veux dire : ici est le tout, si tu le complètes, tu le fausses"(Wittgenstein, Leçons sur la Philosophie de la Psychologie, §257). Voyons donc, à cet égard, quel est le statut de la présentation que fait le site Wikipedia du documentaire controversé et qui commence par : "Hold-up, retour sur un chaos est un film documentaire indépendant conspirationniste français sorti le 11 novembre 2020 sur Vimeo. Il a été produit par Pierre Barnérias, Nicolas Réoutsky et Christophe Cossé. Il met d'abord en avant des controverses autour de la pandémie de Covid-19 telles que l'utilité des masques, du confinement, des traitements comme l'hydroxychloroquine, pour développer dans une seconde partie la théorie d'un complot mondial". L'article, par ailleurs très détaillé51, émanant de cette institution que constitue Wikipedia en matière de recherches documentaires52, est intéressant précisément en ce qu'il commence par quelques lignes de description (celles que nous venons de citer) au sens de Wittgenstein, lesquelles sont vite noyées sous un déluge d'explications. Ce sont celles-ci, qui, comme le dit Wittgenstein, "complètent" la description autant qu'elles la faussent, qu'il convient à présent d'examiner de près. En nous conformant au proverbe chinois selon lequel lorsque le sage montre la lune, l'imbécile regarde le doigt, jouons donc à l'imbécile et observons le gros doigt inquisiteur de la pensée conspirante qui anime la classe dominante. Disons tout de suite que la conspiration économico-politico-scientifico-médiatique qui condamne unanimement53 ce documentaire au nom, précisément, du rejet du "conspirationnisme/complotisme" qui animerait la populace, est tellement simpliste et caricaturale que, s'il fallait un exemple pédagogique de ce qu'est une conspiration (en l'occurrence, une conspiration des nantis), on aurait du mal à en trouver un plus pertinent que celui-ci. D'abord, si on s'intéresse à la forme que prennent toutes ces réactions convergentes, on ne peut qu'être frappé par les nombreux symptômes d'affolement qu'elles manifestent. Tout d'abord, ce sont, effectivement des "réactions" dans le sens que prend ce terme en biologie, c'est-à-dire que les répliques au documentaire sont des mouvements immédiatement conditionnés par un stimulus pavlovien mettant en jeu la survie de l'organisme qui réagit. De fait, les échantillons que nous donnons de ces "réactions" ont tous été produits entre le 12 et le 16 novembre, soient un à quatre jours après la sortie du documentaire, à peine plus vite que la sortie du vaccin de Pfizer ! Ce qui, encore une fois, n'est pas du tout une preuve d'irrationalité, partant, un motif d'irrecevabilité. Simplement, il nous semble juste un peu surréaliste de pontifier en parlant à ce propos, comme le fait notamment le journaliste de France-Culture qui "réagit" moins de 24 heures après la sortie dudit phénomène (a-t-il seulement eu le temps de visionner ce documentaire de près de 3 heures et de prendre des notes ?) de "réflexions sur un problème de société", autrement dit de réponses qui eussent exigé un temps de recul et un effort de documentation incompatibles avec l'injonction courante, dans la plupart des media, de "coller à l'actualité", comme ils disent. Ensuite, il est flagrant que ce qui est commun à ces différentes "réactions", outre leur quasi-simultanéité par rapport à l'événement considéré, c'est leur caractère "bâclé" : fautes d'orthographe, syntaxe malmenée, répétition de lieux communs journalistiques (termes passe-partout, abus du conditionnel, ton condescendant, jugements de valeur présentés comme des descriptions objectives, etc.) et, bien évidemment, confusion systématique de bon aloi entre les termes-clés "complot" et "conspiration". Mais laissons cela et venons-en au contenu même de ces "réactions" dans lequel nous distinguerons trois chefs d'accusation. Dans l'ordre de priorité qui leur est factuellement donné : immoralité (il émane de la "fachosphère"), paranoïa (ceux qui y croient sont des malades), fausseté (pardon, "contre-vérité").

(à suivre dans ...)

1 Respectivement ministre français des armées, président du Comité Scientifique Covid-19 et journaliste fondateur du quotidien Libération.

2 On aura reconnu dans cette introduction une parodie de l'introduction au Manifeste du Parti Communiste rédigé par Marx et Engels en 1848. En voici le texte original (traduit en français) : "Un spectre hante l’Europe : le spectre du communisme. Toutes les puissances de la vieille Europe se sont unies en une Sainte-Alliance pour traquer ce spectre : le pape et le tsar, Metternich et Guizot, les radicaux de France et les policiers d’Allemagne. Quelle est l’opposition qui n’a pas été accusée de communisme par ses adversaires au pouvoir ? Quelle est l’opposition qui, à son tour, n’a pas renvoyé à ses adversaires de droite ou de gauche l’épithète infamante de communiste ? Il en résulte un double enseignement. Déjà le communisme est reconnu comme une puissance par toutes les puissances d’Europe. Il est grand temps que les communistes exposent à la face du monde entier, leurs conceptions, leurs buts et leurs tendances ; qu’ils opposent au conte du spectre communiste un manifeste du Parti lui-même".

3 Même remarque pour la toute première phrase du Manifeste : "L’histoire de toute société jusqu’à nos jours  n’a été que l’histoire des luttes de classes".

4 Celle-ci "n’a pas aboli les oppositions de classe mais, au contraire, n’a fait que les simplifier"(Marx, la Lutte des Classes en France), en l'occurrence, en deux classes aux intérêts antagonistes : une classe dominante composée des possesseurs de capital et une classe dominée constituée par ceux qui n'ont que leur seule force de travail et le salaire y afférent pour toute richesse, les premiers nommés ayant intérêt à exploiter les seconds pour valoriser leur capital, les seconds nommés ayant intérêt à lutter contre les premiers pour améliorer leurs conditions de travail et/ou leurs salaires. Cf. notre cours le Progrès Technique entraîne-t-il Liberté et Bonheur pour tous ?

5 "De même que les chrétiens sont égaux au Ciel et inégaux sur terre, les membres du peuple sont égaux dans le Ciel de leur monde politique et inégaux dans l’existence terrestre de la société bourgeoise"(Marx, Critique de la Philosophie du Droit de Hegel).

6 Rappelons au passage que "ce n’est pas la conscience des hommes qui détermine leur existence, c’est au contraire leur existence sociale qui détermine leur conscience"(Marx, Critique de l’Économie Politique).

7 Cf. aussi Beckett : "Hamm : amène-moi à ma place. C’est là ma place ? Clov : oui, ta place est là. H. : je suis bien au centre ? C. : il me semble. H. : il te semble ! Mets-moi bien au centre […] H. : pourquoi restes-tu avec moi ? C. : pourquoi me gardes-tu ? H. : il n’y a personne d’autre. C. : il n’y a pas d’autre place"(Fin de Partie) ; Arendt : "la désolation, fonds commun de la terreur, est étroitement liée au déracinement et à l’inutilité : être déraciné, c’est ne pas avoir de place dans le monde, reconnue et garantie par les autres ; être inutile c’est n’avoir aucune appartenance au monde"(le Système Totalitaire, iv) ; et, bien entendu, Sartre : "alors, c'est ça l'enfer. Je n'aurais jamais cru ... Vous vous rappelez : le soufre, le bûcher, le gril... Ah ! quelle plaisanterie. Pas besoin de gril : l'enfer, c'est les Autres"(Huis Clos, 5).

8 D'où la dérivation que fait Hannah Arendt d'autorisation à autorité : "l’autorité, c’est la hiérarchie elle-même dont chacun reconnaît la justesse et la légitimité, et où tous deux [dominant et dominé] ont d’avance leur place fixée. Pour cette raison, l’autorité implique une obéissance dans laquelle les hommes gardent leur liberté"(Arendt, la Crise de la Culture, III).

9 Pour un bref historique de cette notion, cf. l'article Démon de Maxwell sur Wikipedia.

10 "Toute chose s’oppose à tout ce qui peut supprimer son existence et s’efforce, autant qu’elle peut et selon son être propre, de persévérer dans son être [in suo esse perseverare conatur]. L’effort [conatus] par lequel toute chose tend à persévérer dans son être n’est rien de plus que l’essence actuelle de cette chose"(Spinoza, Éthique, III, 6).

11 Apparentes parce que, comme Brillouin l'a établi, il existe une prémisse cachée dans le raisonnement de Maxwell : c'est que son "démon" rétablit l'ordre avec une dépense d'énergie au moins égale à celle qui est nécessaire pour s'"informer" du travail à accomplir et ainsi contrecarrer les effets de l'entropie. De sorte que, in fine, le système ayant quand même perdu de l'énergie, les équations de Boltzmann et Carnot restent valides. Ce que vérifie de manière éclatante le règne du vivant dont la principale caractéristique est d'accumuler de l'information afin de résister à l'entropie (la mort), le bilan énergétique d'une telle accumulation se révélant toujours négatif (puisque l'organisme meurt). Cf. notre article Information, Conatus et Entropie.

12 Comme cas particulier de l'auto-régulation de l'univers. Développant la notion chinoise de "voie de la régulation" (zhōng yōng zhī dào), François Jullien écrit que "l'ordre n'y est pas introduit d'un dehors ni n'exprime un progrès, il est interne au déroulement et promeut celui-ci en procès du monde qui se poursuit sans s'épuiser"(Jullien, la Pensée Chinoise en vis-à-vis de la Philosophie, xii).

13 Ce qui fait que the ultimate furniture of the world, pour parler comme Russell, n'étant pas constante, il existe une flèche irréversible du temps qui interdit au futur d'être la continuation perpétuelle du présent.

14 Au terme duquel, la prédiction de l'événement à venir est de type probabiliste et non pas apodictique. Il est manifestement faux que "celui qui voit tout [c'est-à-dire Dieu] pourrait lire dans chacun ce qui se fait partout et même ce qui s’est fait ou ce qui se fera".

15 Sans entrer dans les détails des origines de la métaphysique leibnizienne disons simplement que Leibniz, qui était aussi diplomate, aimait à se faire décrire le mode de pensée des Sages taoïstes par les pères jésuites qui avaient vécu en Chine et avec lesquels il entretenait une correspondance suivie. Il serait étonnant qu'il n'y ait, entre la notion leibnizienne d'harmonie pré-établie et son équivalent taoïste qu'une simple coïncidence.

16 Cf., par exemple, l'article de Wikipedia intitulé Théorie du Complot dans lequel se trouvent confondues, non seulement les notions de "conspiration" et de "complot", mais aussi celles de "théorie" et de "thèse".

17 Comparer avec, par exemple, le taoïsme de Zhuāngzǐ : "l'ordre céleste [tiān lǐc'est l’harmonie de tous les êtres, dans leur commune nature, dans leur commun devenir. Là, pas de contraste, parce que pas de distinction. Embrasser, voilà la grande science, la grande parole. Distinguer, c’est science et, parler d’ordre inférieur"(ZhuāngzǐZhuang Zi, ii).

18 La monade est, dans le langage leibnizien, "la substance simple", autrement dit le point métaphysique à partir duquel le reste de l'univers peut être perçu.

19 Allant même jusqu'à s'illusionner sur sa propre "liberté". Cf., sur ce point, Spinoza : "mais venons-en aux choses créées qui, toutes, sont déterminées à exister et à agir selon une manière précise et déterminée. Pour le comprendre clairement, prenons un exemple très simple. Une pierre reçoit d’une cause extérieure qui la pousse, une certaine quantité de mouvement, par laquelle elle continuera nécessairement de se mouvoir après l’arrêt de l’impulsion externe. Concevez maintenant, si vous voulez bien, que la pierre, tandis qu’elle continue de se mouvoir, sache et pense qu’elle fait tout l’effort possible pour continuer de se mouvoir. Cette pierre, assurément, puisqu’elle n’est consciente que de son effort, [...] croira être libre et ne persévérer dans son mouvement que par la seule raison qu’elle le désire. Telle est cette liberté humaine que tous les hommes se vantent d’avoir et qui consiste en cela seul que les hommes sont conscients de leurs désirs et ignorants des causes qui les déterminent. C’est ainsi qu’un enfant croit désirer librement le lait et un jeune garçon irrité vouloir se venger s’il est irrité, mais fuir s’il est craintif"(Spinoza, Lettre LVIII à Schuller).

20 Leibniz distingue soigneusement "perception" et "aperception" : "ainsi il est bon de faire distinction entre la perception qui est l’état intérieur de la monade représentant les choses externes, et l’aperception qui est la conscience, ou la connaissance réflexive de cet état intérieur, laquelle n’est point donnée à toutes les âmes, ni toujours à la même âme"(Leibniz, Principes de la Nature et de la Grâce fondés en Raison, iv).

21 "Nous cherchons une cause en essayant de repérer un mécanisme"(Wittgenstein, Leçons sur l’Esthétique, II, 34). La recherche du mécanisme en termes de chemin causal qui conduit d'un input à un output est le paradigme de la pensée technologique.

22 Cf. notre article Freud, Métapsychologie et Psychanalyse, ainsi que le remarquable ouvrage, mi-documentaire, mi-fiction romanesque du physicien Tom Keve intitulé trois Explications du Monde dans lequel l'auteur montre l'intrication conceptuelle de la mécanique quantique, de la psychanalyse et de la mystique juive (les "trois explications du monde").

23 Qu'elles soient héritières de la tradition dite "descriptive" chère à Durkheim ou dans la veine wébérienne de la sociologie "compréhensive". Les travaux de Pierre Bourdieu sont une bonne synthèse de ces deux courants, apparemment antagonistes, en réalité convergents.

24 Comme l'écrit le physicien Fritjof Capra dans un ouvrage qu'il lui a consacré et qui a fait scandale, "à l'opposé de la vision mécaniste occidentale, la conception orientale du monde est "organique". Pour la spiritualité orientale, tous les objets et événements perçus par les sens s'avèrent inter-dépendants et ne sont que différents aspects ou manifestation d'une même réalité fondamentale. Notre tendance à diviser le monde perçu en objets individuels et séparés, et à nous y éprouver nous-mêmes en tant que sujets isolés, est considéré comme une illusion provenant de notre mentalité"(Capra, le Tao de la Physique, i). En d'autres termes, la notion taoïste de Voie, la notion hindouiste ou bouddhiste de karma substituent à la relation duale cause/effet (au singulier) qui est le propre de la mâyâ, "l'illusion qui prend ses concepts pour la réalité, la carte pour le territoire"(op.cit., v), celle de conditions/conséquences (au pluriel). Il en va de même pour la notion kabbalistique juive de tsim-tsoum.

25 C'est la loi de la conservation de l'énergie totale de l'univers (première loi de la thermodynamique), loi contestée, comme nous l'avons dit, par la notion d'entropie (cf. note 11).

26 Cf. aussi Bachelard qui voit un "obstacle épistémologique" dans le modèle mécaniste des chocs entre causes et effets. Pour lui "la pensée scientifique contemporaine s'attache à un réalisme transplanté. Elle ne peut évidemment plus se satisfaire de la réalité objective du philosophe réaliste qui désire ne jamais perdre de vue les premiers signes d'une réalité manifeste. Elle doit faire subir à cette réalité objective une longue suite de déréalisations"(Bachelard, l'Activité Rationaliste de la Physique Contemporaine).

27 Wittgenstein, comme Hume avant lui, va beaucoup plus loin. Pour lui, "croire en l’existence d’un lien causal, c’est cela la superstition"(Wittgenstein, Tractatus, 5.1361), au point même que "nous ne devrions pas dire qu’il y a des causes dans la nature, mais seulement que nous avons un système de représentation dans lequel il y a des causes : le déterminisme ou l’indéterminisme sont des propriétés d’un système qui sont fixées arbitrairement"(Wittgenstein, Cours de Cambridge 1932-1935).

29 C'est explicitement le cas en physique quantique dans le cadre de laquelle, "nous devons comprendre que, sous le choc de nos méthodes raffinées d'observation et de nos méthodes d'interprétation des résultats d'expérience, cette mystérieuse frontière entre le sujet et l'objet s'est effondrée"(Schrödinger, Physique Quantique et Représentation du Monde). C'est aussi le cas, bien évidemment, en psychanalyse avec la notion de "transfert" qui "désigne le processus par lequel les désirs inconscients s'actualisent sur certains objets dans le cadre d'un certain type de relation établie avec eux"(Laplanche et Pontalis, Vocabulaire de la Psychanalyse, art. "transfert").

30 Conception holistique, comme on le voit, de la réalité qui est à l'opposé diamétral de la conception atomistique qui, à quelques exceptions près, traverse toute la pensée occidentale depuis les Grecs jusqu'à nos jours.

31 Du point de vue mathématique, la statistique se définit comme un recueil empirique de données représentées graphiquement par des "nuages" de points, lesquels "nuages" sont plus ou moins bien ajustables ("explicables") au moyen de courbes fonctionnelles (linéaires ou non).

32 Rappelons qu'en théorie objectiviste de l'information (cf. l'article Physique Statistique sur Wikipedia), la quantité d'information disponible sur un événement E est l'opposé du logarithme de la probabilité de survenance de E : I(E) = - ln prob.(E). En clair, plus un événement est probable, moins on possède d'information sur lui. Un exemple tiré de l'actualité journalistique récente : quelle "information" tire-t-on de l'annonce selon laquelle le gouvernement va peut-être décréter le "reconfinement" bien que cela ne soit pas sûr ?

33 Comme Wittgenstein l'a montré, il n'y a, rigoureusement parlant, de nécessité ou d'impossibilité que dans le domaine extrêmement restreint des propositions de la logique et nulle part ailleurs. Comme Hume, bien avant lui, l'avait déjà souligné, le fait que le soleil se lève à l'est ou le fait que je sois mortel ne sont pas "nécessaires" stricto sensu.

34 Mathématiquement, le produit des probabilités, valeurs toutes comprises entre 0 et 1, tend vers 0 lorsque la quantité de ces valeurs s'accroît infiniment. Ainsi, la "certitude" (positive) que le soleil se lève à l'est, ne se fonde que sur une seule information : la conjonction constante des deux événements depuis la nuit des temps qui me fait "sentir" qu'il en sera perpétuellement ainsi. A contrario, la "certitude" (négative) que je ne suis pas immortel se fonde sur un grand nombre d'informations relatives à la non-conjonction des processus qui devraient être réunis pour que je le fusse (en d'autres termes, il faudrait un "miracle", c'est-à-dire une intervention sur-naturelle qui réduise "miraculeusement" le nombre de facteurs en jeu).

35 "Si l’acte involontaire est fait par nécessité ou par hasard, l’acte volontaire semblerait être l’acte dont le principe est dans l’agent lui-même qui sait en détail toutes les conditions que son action renferme"(Aristote, Éthique à Nicomaque, III, 1111a).

36 Que dire, par exemple, à ceux ou celles qui, ne possédant pas les informations physiques que NOUS possédons ou, en tout cas, ne leur accordant pas la valeur que NOUS leur accordons, sont "certain-e-s" (parce qu'ils/elles le "sentent") que tout, dans l'univers, est voulu et piloté par un démiurge (intelligent design) ? Par définition, si quelqu'un "sent" la présence de Dieu quelque part, aucune information d'aucune sorte ne lui fera changer d'avis ! Le problème est : que répondre à qui considère comme UN (donc dispensé de justification par des informations) ce que NOUS considérons, NOUS, comme MULTIPLE et, partant, dont la conjonction des composantes, est, sur la base des nombreuses informations que NOUS  possédons, très peu probable ? Cela pose indirectement le problème de l'autorité des institutions de savoir en général que nous aborderons à la fin de cet article.

37 Un simple et bon exemple de la différence entre complot et conspiration réside dans ce qu'on appelle, l'omertà ou "conspiration du silence" : à l'occasion d'un sombre événement, les témoins potentiels se taisent en général non pas parce qu'ils en ont reçu l'ordre mais parce qu'ils sentent qu'ils y ont intérêt.

38 Au stade suivant, nous aurions affaire à une conjuration ou cabale, complot dans le cadre duquel les comploteurs se donnent, de surcroît, mutuellement des gages de fidélité. Ou bien à un miracle, une providence, etc., qui sont les noms que l'on donne au complot lorsqu'il n'y a qu'un seul comploteur et que sa volonté est transcendante par rapport aux lois de la nature au point qu'elle est le seul facteur dont dépende la réussite de son plan.

39 À partir de maintenant, nous distinguerons, deux pôles opposés dans un processus de connaissance : d'une part le pôle de la compréhension comme situation dans laquelle se trouve celui ou celle qui dit (ou pense) "je sais que ..." sans, à la limite, pouvoir justifier sa connaissance par une autre raison que "je sens intuitivement que ...", et, d'autre part, le pôle de l'information dans le sens restreint et précis de la même attitude propositionnelle justifiable par une prétention au recours possible à l'expérimentation d'un mécanisme causal identifiable et isolable. En ce sens, on peut donc dire, en vertu de la corrélation inverse que nous avons établie entre probabilité et quantité d'informations (cf. note 32), que, à propos d'un événement donné, plus on a d'informations parcellaires et moins l'on comprend globalement, plus on a de compréhension globale et moins on est partiellement informés. Cela dit, une information peut aussi être considérée non pas comme dénotant le fait isolé qu'elle prétend décrire, mais comme exemplifiant un ensemble de faits déjà globalement connus (cf. Philosophie Analytique, Littérature et Sémantique), un peu comme le même bruit peut évoquer un danger nouveau ou bien une situation familière. C'est de cette dernière manière que le présent exposé aborde l'information journalistique. Il reste qu'entre ces deux pôles extrêmes (information vs compréhension) se situe la connaissance scientifique comme tissu de prémisses intuitives et d'informations expérimentables formant ensemble une théorie, c'est-à-dire un réseau global de propositions consistantes (non-contradictoires) entre elles tendant à décrire le réel. Quelque part entre ces deux pôles, se trouvent aussi la connaissance du philosophe et celle de l'historien chez qui les proportions respectives d'informations et de compréhension varient fortement selon les courants et les traditions. La connaissance du sage, celle de l'artiste, celle du mystique sont, quant à elles, clairement orientées vers la compréhension (cf. les Yoga-Sûtra de Patanjali : Sagesse ou Philosophie).

40 Au sens de la théorie des fuzzy sets de Lotfi Zadeh : en gros, un ensemble E est dit flou si et seulement s'il existe une fonction f d'appartenance à E telle que, pour tout objet x, 0 ≤ f(x) ≤ 1. L'on peut considérer l'ensemble booléen classique comme un cas limite de la théorie des ensembles flous lorsque, pour tout objet x, ou bien f(x) = 0, ou bien f(x) = 1.

41 Nous parlerons désormais de "pensée conspirante" pour désigner cette forme de pensée compréhensive qui admet, consciemment ou non, le postulat tautologique que tout ou partie des événements, à commencer par les événements sociaux, sont intriqués dans une inter-dépendance complexe qui exclut, a priori, que l'on puisse en faire un compte-rendu linéaire en termes de causes et d'effets. Nous réserverons l'appellation "conspirationnisme" à la pensée conspirante suffisamment consciente d'elle-même pour pouvoir assumer de se revendiquer et accepter de se justifier comme telle.

42 Cf. Descartes : "on peut généralement nommer passions toutes sorte de perceptions et de connaissances qui se trouvent en nous, à cause que souvent ce n’est pas notre âme qui les fait telles qu’elles sont"(Descartes, Traité des Passions, art.17). Or, "je ne suis donc précisément parlant qu’une chose qui pense, c’est-à-dire un esprit, un entendement ou une raison"(Descartes, Méditations Métaphysiques, II, 7). La passion (l'émotion, l'affect) est donc réputée participer de l'intrusion de l'Autre (le corps) en Moi (l'âme). Tradition philosophique qui culminera, au XX° siècle, dans le computationalisme, c'est-à-dire dans la promotion de l'ordinateur comme modèle de raisonnement parfait ne traitant que des informations (data) sans compréhension.

43 "L’intellect qui raisonne en vue d’un but c’est-à-dire l’intellect pratique se distingue de l’intellect théorique par sa fin [telei]. [Dans le premier cas] le terme final du raisonnement est le point de départ de l’action"(Aristote, de l'Âme, III, 433a).

44 Rappelons que le terme même de "panique" dérive de la mythologie grecque dans laquelle le dieu Pan était censé inspirer de la frayeur à ses ennemis.

45 Ce qui remonte à l'invention de la métaphysique par les Éléates dont le principe fondamental est que ce qui est est et ne saurait, en aucun cas, ne pas être ou ne plus être ; ce qui est vrai est vrai et ne saurait en aucun cas être faux ou le devenir. Ce principe, dit de (non-)contradiction, selon lequel "il est impossible qu’une seule et même chose soit, et tout à la fois ne soit pas, à une même autre chose, sous le même rapport"(Aristote, Métaphysique, Γ, 1005b 19-20), a acquis le statut de dogme absolu dans l'histoire de la pensée occidentale. Une tout autre conception de la rationalité est illustrée, par exemple, par la pensée taoïste qui proclame : "un yīn, un yáng, voilà le dào"(Grand Commentaire du Yi King). Autrement dit, la Voie (dào) est indéfectiblement celle qui mène d'une situation à son contraire, d'un yīn à un yáng puis de ce yáng à un autre yīn, etc.

46 Cf. encore Descartes : "le premier [précepte] était de ne recevoir jamais aucune chose pour vraie que je ne la connusse évidemment être telle; c'est-à-dire, d'éviter soigneusement la précipitation et la prévention, et de ne comprendre rien de plus en mes jugements que ce qui se présenterait si clairement et si distinctement à mon esprit, que je n'eusse aucune occasion de le mettre en doute"(Descartes, Discours de la Méthode, II). Du coup, "la première [règle pratique] est de tâcher toujours de se servir du mieux possible de son esprit pour connaître ce qui est à faire ou ne pas faire [...], la seconde est d’avoir une ferme et constante résolution d’exécuter tout ce que la raison conseille [...], la troisième est de tâcher toujours plutôt à se vaincre que la fortune et à changer ses désirs que l’ordre du monde"(Descartes, Discours de la Méthode III).

47 Qui réduit la valeur des énoncés à deux seulement : le Vrai dans l'absolu, le Faux dans l'absolu.

48 De conditions (lat. condicio, manière d'être) et non de circonstances (lat. circum stans, qui se tient autour) : ce sont les événements qui conspirent, non ce qui se tient autour.

49 "La coutume fait toute l'équité, par cette seule raison qu'elle est reçue ; c'est le fondement mystique de son autorité. Qui la ramène à son principe, l'anéantit. [Car] qui voudra en examiner le motif le trouvera si faible et si léger, que, s'il n'est accoutumé à contempler les prodiges de l'imagination humaine, il admirera qu'un siècle lui ait tant acquis de pompe et de révérence. L'art de fronder, bouleverser les États, est d'ébranler les coutumes établies, en sondant jusque dans leur source, pour marquer leur défaut d'autorité et de justice"(Pascal, Pensées, B294).

50 Conformément à la première des quatre maximes conversationnelles de Grice, l'information quantitativement optimale se situe toujours quelque part entre le trop peu et le trop. Cf. la Théorie de Implicatures de Grice.

51 Article complet intitulé Hold-up (film, 2020).

52 De fait, si vous tapez "Hold-up" sur un moteur de recherche, c'est la page de Wikipedia qui apparaît en premier.

53 Ajoutons qu'au jour où nous écrivons, c'est-à-dire plus de deux mois après la sortie de ce documentaire, il est toujours impossible de trouver, dans le foisonnement de publication éditoriales qu'il a suscitées, le moindre article fournissant des explications allant dans le sens de celles qui sont données par les contributeurs à ce documentaire. Si cela n'est pas la preuve d'une conspiration ...

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