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mardi 9 novembre 1999

QUEL EST LE RÔLE DE L'EXPERIENCE SENSIBLE DANS LA CONNAISSANCE ?

Rares sont les offres d’emploi dans lesquelles la formation sur le tas n’est pas préférée à une formation théorique. L’époque moderne se caractérise en effet par une dévalorisation de la connaissance théorique au profit de l’expérience sensible. Or si l’expérience peut remplacer la théorie, pourquoi préfère-t-on une scolarisation théorique à un dressage empirique? Comment expliquer que des aides à la décision soient demandées aux systèmes théoriques incapables d’expériences que sont les logiciels ? D’un autre côté, si la théorie suffit à fournir une connaissance, comment expliquer le caractère expérimental des sciences exactes ?
D’où le problème de savoir quel est le rôle de l’expérience dans la connaissance. L’enjeu consiste à se demander si la promotion de la particularité des expériences individuelles est, comme le prétend le libéralisme dogmatique, la meilleure voie vers l’universalisation de la communication et des échanges.


I - L’expérience sensible brute n’est pas une connaissance.

A - le processus perceptif ne présuppose pas un sujet connaissant.

Au début du Théétète, Platon fait dire à l’interlocuteur de Socrate la chose suivante : “mon opinion est donc que celui qui sait quelque chose a la perception de ce qu’il sait et que [...] la connaissance n’est autre chose que que la perception” (151e). C’est là l’expression de la thèse très banale selon laquelle il est nécessaire et il suffit de percevoir pour savoir. C’est par exemple ce que l’on veut dire lorsqu’on affirme : “je connais très bien cet endroit puisque je l’ai traversé à pieds” ; ou bien “je connais très bien cette personne, je la croise tous les jours dans l’escalier” ; ou encore “je sais que cet événement a bien eu lieu puisque je l’ai vu”. Cet argument peut se formaliser de la manière suivante : si A est un objet (personne, chose ou événement) avec lequel un être percevant B est en relation de telle sorte que A soit la cause physique d’effets perceptifs dans le système sensoriel de B, et si B garde de ces effets une trace mémorielle, alors A est censé connaître B. Mais en quoi consiste cette connaissance ?

Supposons que les effets perceptifs de A sur B déterminent en B une réaction motrice instinctive (codée génétiquement) ou réflexe (acquise par habitudes concordantes). Dira-t-on que B connaît A ? Dira-t-on par exemple que dans le comportement instinctif d’accouplement, qui suppose bien de la part des partenaires une perception mutuelle, chacun des deux connaît l’autre ? Dira-t-on du chien de garde qui a été dressé pour avoir peur de toute autre personne que de son maître et qui réagit agressivement en voyant un passant, qu’il connaît le passant ? Il semble que non dans la mesure où c’est chaque fois une partie de l’organisme qui réagit mécaniquement à un stimulus perceptif, sans qu’il y ait possibilité d’une représentation globale de A par B.

Bref, un organisme peut percevoir des informations perceptives désordonnées qu’il ne rattache à aucun objet précis (ex. des images hypnagogiques, des rêves, des cauchemars, etc.) ; à la limite, des aspects sensibles d’un objet peuvent être perçus par un système mécanique très simple qui n’est pas un sujet (ex. du système d’alarme qui détecte la présence d’un objet qui a coupé le rayon infra-rouge qu’il émet). Il est donc possible de ne rien savoir sur ce que, pourtant, on perçoit. Pour que B connaisse A en effet, il faudrait au moins que A soit identifié par B, c’est-à-dire que A est reconnu comme un objet unique par un sujet qui possède lui-même une unité. Sinon “ce serait vraiment terrible [...] si en nous, comme en des chevaux de bois, étaient installés plusieurs sens, mais que tout cela ne converge pas dans une forme unique, que ce soit l’âme ou quelque autre nom qu’on lui donne” (Théétète, 185d). Ces conditions sont-elles suffisantes pour parler de connaissance ?

B - l’identification d’un objet n’est pas une connaissance.

L’argument précédent revient à dire que, pour que la phrase “B connaît A” ait un sens, il faut un B global et stable qui soit en relation avec un A global et stable : si ce ne sont que des parties de B qui sont en relation avec des aspects de A, on ne peut pas dire que B connaît A. Autrement dit, la perception en elle-même est une fonction mécanique qui ne requiert ni l’identité de l’objet, ni l’identité du sujet. Il semble donc que la possibilité pour B d’avoir une connaissance de A suppose que ce soit toujours le même B qui perçoive le même A.

Mais, première difficulté, “quand je pénètre le plus intimement dans ce que j’appelle ‘moi-même’, je tombe toujours sur une perception particulière [...], je ne parviens jamais, à aucun moment, à me saisir ‘moi-même’ sans une perception [...], nous ne sommes qu’un faisceau ou une collection de perceptions différentes qui se succèdent avec une rapidité inconcevable et sont dans un flux et un mouvement perpétuel” (T.N.H., I, iv, 6). Ce que veut dire Hume, c’est que l’unité personnelle du sujet sans lequel il n’y a pas de connaissance possible, ne va pas de soi.

Pourtant si cette unité n’était pas réalisée, les fonctions vitales d’un organisme ne répondraient pas de manière cohérente aux sollicitations du milieu naturel et la vie ne serait pas possible. L’unité du sujet percevant est donc une nécessité pour les êtres vivants. Mais alors, si on admet que l’identité correspond à la nécessité pour un être d’avoir un comportement stable et cohérent dans un certain contexte, il faut admettre aussi qu’il existe aussi dans ce contexte des régularités : si tout changeait tout le temps de manière imprévisible, toute adaptation serait impossible ; or l’adaptation des vivants est un fait ; donc il existe des régularités dans le milieu naturel. L’unité des objets perçus est aussi une nécessité pour les êtres vivants.

Il faut donc supposer une fonction vitale spécialisée dans l’identification, c’est-à-dire qui organise de façon stable et cohérente l’information perceptive, c’est ce que Platon appelle l’âme et Hume la mémoire : “puisque seule la mémoire nous informe de la continuité et de l’étendue de nos perceptions, elle doit être considérée [...] comme la source de l’identité” (T.N.H., I, iv, 6). La mémoire nous permet donc de donner un sens à la phrase “B perçoit A” : “B” résume l’unité du sujet, “A” résume l’unité de l’objet. Donc le premier stade de la connaissance de A par B consiste dans l’identification de l’objet qui, comme nous l’avons vu, dépasse le stade de la simple perception. Mais que sait B sur A lorsqu’il n’est capable que de l’identifier ?


II - La représentation induite de l’expérience est une connaissance spontanée.

A - la description pertinente d’un objet est le premier stade du processus cognitif.

Ainsi donc, pour connaître un objet, il ne suffit pas d’être en relation avec cet objet de telle sorte qu’il soit la cause de certaines perceptions, il faut aussi qu’un sujet identifie l’objet, c’est-à-dire qu’il considère que les perceptions qu’il reçoit sont causées par ce même objet (chose, personne ou événement). Or il est tout-à-fait possible d’identifier un objet A sans savoir sur lui rien de plus que “A est l’objet qui cause les perceptions p1, p2, ... pn”. Car supposons que dans un premier temps B perçoive p1, p2, ... pn, etc. qu’il identifie dans un deuxième temps en lui attribuant le nom A. Si l’on dit que B ne sait à propos de A qu’il est la cause de p1, p2, ... pn, etc., on ne dit rien de plus que si on disait que B a identifié A. Là encore, il est inutile de parler de connaissance.

Mais l’organisme qui n’est capable que de percevoir puis d’identifier un objet est condamné à se rappeler ce qu’il a déjà perçu, sans jamais pouvoir inférer du nouveau et donc anticiper les modifications de son environnement. Soit tn (par ex. l’assombrissement de l’écorce du bouleau pour la phalène) un trait nouveau et de l’environnement pour I1 et I2 qui perçoivent tn et identifient l’objet On qui cause tn (par ex. l’arbre); supposons que tn soit tel qu’il cause la mort de I1 mais pas de I2 ; si I1 et I2 sont incapables d’anticipations et que I2 survit, c’est uniquement parce qu’il a eu de la chance. Et s’il engendre une descendance viable, c’est par par hasard : il possède le gène gn qui code une réponse efficace au nouveau trait tn ; dès lors I2 va se reproduire en transmettant gn à ses descendants. Dans ce cas, l’adaptation des organismes vivants suit le processus aléatoire de la transmission génétique.

Supposons maintenant que I1 et I2 soient capables d’anticipations et que la survie de I2 soit due au fait suivant : I2 perçoit tn, identifie On comme la cause de tn, mais en plus imagine l’objet On comme dangereux. Il aura dès lors une chance de survie supplémentaire due au fait qu’il a fui On et donc qu’il a anticipé un danger qui lui aurait probablement été fatal. Dans ce second cas, l’adaptation utilise un processus cognitif. Le sujet a procédé à une inférence : il a tiré de ses informations anciennes une information nouvelle qui n’est en rien une information perceptive.

On voit donc que pour connaître un objet, on ne peut se contenter d’en percevoir des traits, ni de l’identifier comme l’objet stable qui cause ces traits : il faut également être capable de produire une image pertinente de cet objet. C’est-à-dire telle qu’elle apporte “l’effet cognitif le plus grand pour l’effort de traitement le plus faible possible” (Sperber et Wilson, Ressemblance et Communication). L’effet cognitif est donc proprement ce que l’organisme apprend par lui-même en procédant à des inférences à partir de ses perceptions. Quant à l’effort cognitif, il est facile de comprendre qu’il sera d’autant plus important (coûteux en temps et en énergie) que l’inférence sera compliquée. L’effet cognitif suppose donc un effort, mais si cet effort est trop coûteux, il n’en résultera aucun avantage adaptatif. D’où cet équilibre à rechercher pour un organisme vivant entre effet et effort cognitifs : l’image pertinente est le résultat de cet équilibre. Cela dit, dans quelle mesure de telles images sont-elles communicables à d’autres organismes ?

B - la communicabilité d’une induction est limitée dans l’espace et dans le temps.

Nous avons vu que le processus cognitif est en général un avantage adaptatif pour des individus capables d’anticiper les modifications de contexte auxquelles ils risquent d’avoir à faire face. Or, l’avantage adaptatif d’une communicabilité fiable des anticipations est évident : cela permet d’éviter à certains sujets les erreurs que d’autres ont faites, et cela permet à la communauté de gagner du temps. Or la communicabilité des descriptions pertinentes se heurte à deux difficultés :
- le même objet peut être décrit de manière pertinente dans deux contextes différents sans que le sujet se rende compte que c’est le même objet
- les modifications du contexte peuvent être suffisamment lentes et continues pour qu’une description pertinente dans un contexte de départ ne le soit plus dans un contexte d’arrivée.

Premier problème : imaginer un objet sous un certain aspect pertinent n’implique pas qu’on puisse le décrire sous tous ses aspects. Il semble en effet que le propre de la description pertinente soit d’être le fruit d’une inférence inductive qui consiste à opérer des généralisations à partir d’expériences ayant eu lieu dans des contextes très similaires. Supposons que je sois le sergent Garcia et que chaque fois que j’ai rencontré un objet identifié sous le nom de Zorro, je l’ai perçu sous les traits pertinents d’un vengeur masqué et que j’en induise que Zorro est un vengeur masqué. L’image pertinente de Garcia lui permet certes de faire des anticipations : chaque fois qu’il verra un vengeur masqué, il le partira à sa poursuite. Pourtant les informations qu’il pourra communiquer à autrui sont limitées : Garcia est capable d’identifier Zorro et de le décrire comme un vengeur masqué, il est capable d’identifier Diego de la Vega et de le décrire comme un riche notable, mais il est ne sait pas que Zorro est Diego de la Vega. La connaissance par images pertinentes tirée d’une induction est donc limitée dans l’espace aux circonstances dans lesquelles l’inférence a été réalisée.

D’où, deuxième problème : imaginer un objet dans un contexte n’implique pas que l’image reste pertinente si le contexte change de manière lente et continue. Par exemple on considéra par exemple en France que les ménages à faible revenu se ressemblaient sous le trait pertinent qu’ils étaient souvent des électeurs de gauche. Ainsi put-on faire des anticipations fiables sur leurs intentions de vote, jusqu’au jour où on s’aperçut que les ménages à faibles revenus votaient dans une proportion significative pour l’extrême droite. La connaissance par images pertinentes tirée d’une induction est limitée dans le temps puisque cette inférence est un pari sur l’avenir supposé stable par rapport au présent, ce dont on ne peut jamais être sûr.

On est donc forcé d’admettre que si le processus cognitif commence effectivement avec une image pertinente d’un objet préalablement perçu et identifié, la communicabilité des anticipations faites à partir d’une induction est limitée. Bref, ce procédé de connaissance par images est pertinent en termes d’adaptation biologique mais la communication de ce type de connaissance est soumis à des aléas. Ce que résume Hume : “de la simple répétition d’événements passés, fût-elle à l’infini, il ne naîtra jamais aucune idée [...] de connexion universelle et nécessaire” (T.N.H., I, iii, 6). D’où le problème de savoir comment améliorer la communicabilité du processus cognitif en lui procurant de l’universalité et de la nécessité.


III - Dans la connaissance rationnelle, la théorie précède l’expérience.

A - la connaissance rationnelle n’est engendrée que par des inférences a priori.

Il s’agit donc de purifier le savoir par images pertinentes fondées sur des inférences inductives de sa contingence temporelle et de sa particularité spatiale pour faire en sorte que ce qui va être dit des objets connus soit, si possible, universel (valable sans limitation spatiale) et nécessaire (valable sans limitation temporelle). Pour ce faire, on a deux solutions : ou bien on essaie d’abolir les limites spatiales ou temporelles à la pertinence des inférences inductives, ou bien on admet que la connaissance universelle et nécessaire (rationnelle) doit abandonner l’inférence inductive.

La première solution consiste à améliorer la pertinence des images, soit en augmentant leur effet cognitif, soit en réduisant l’effort cognitif nécessaire à leur compréhension. Or nous avons vue en II, A que pour obtenir un effet cognitif, il faut consentir à un effort cognitif. Or l’effort cognitif nécessaire à la production d’inférences inductives est tellement faible (nous le réalisons tous sans nous en rendre compte) que, à vouloir le réduire, on s’interdit en fait de faire toute inférence et on se contente du processus de perception ou d’identification qui, avons-nous dit, ne sont pas des processus de connaissance. Est-il possible plutôt d’en augmenter l’effet cognitif ? Mais cela reviendrait justement à les rendre encore plus pertinentes en en abolissant les limites spatio-temporelles des inférences inductives. On est donc revenu à notre point de départ.

Donc, si l’on veut passer de la connaissance naturelle et spontanée des êtres vivants supérieurs capables de produire des images pertinentes de leur environnement, à une connaissance rationnelle, il faut, semble-t-il, abandonner l’idée qu’une telle connaissance puisse être engendrée par induction à partir de nos expériences perceptives. Autrement dit, si l’être humain veut dépasser le stade de la connaissance animale, il va devoir fabriquer de lui-même l’universalité et la nécessité que le processus naturel et spontané de connaissance ne peut lui fournir : “bien que toute notre connaissance commence avec l’expérience, elle ne résulte pas pour autant de l’expérience : car il se pourrait bien que notre connaissance [...] soit un composé de ce que nous recevons par les impressions, et de ce que notre propre pouvoir de connaître [...] produit de lui-même” (C.R.P., III, 12). Donc si on veut une connaissance qui dépasse la simple perception, la simple identification et la simple imagination (ce que Kant appelle “l’expérience”), il va falloir faire des inférences qui soient a priori (déduction) et non plus a posteriori (induction). C’est-à-dire des inférences qui soient universelles et nécessaires en ce qu’elles précèdent notre expérience, et ainsi ne soient pas limitées dans l’espace et dans le temps par les circonstances particulières et aléatoires de l’expérience sensible. Mais n’est-ce pas dire que la connaissance rationnelle peut se passer de l’expérience perceptive ?

B - dans la connaissance rationnelle, c’est la théorie qui guide a priori la perception.

On a donc vu que, contrairement à la connaissance spontanée qui se satisfait de sa particularité et de sa contingence, la connaissance rationnelle vise l’universalité et la nécessité. Et pour ce faire, elle doit utiliser des inférences a priori (déductives) et non pas a posteriori (inductives). Pourtant, dit Kant, “toute notre connaissance commence par l’expérience ...”. De telle sorte que les inférences a priori qui nous permettent de donner de l’universalité et de la nécessité à la connaissance semblent plutôt venir après l’expérience qu’avant. N’est-ce pas contradictoire avec le caractère a priori de la connaissance rationnelle ?

Non, répond Bachelard car il s’agit dans la connaissance rationnelle “non pas d’acquérir une culture expérimentale, mais bien de changer de culture expérimentale, de renverser les obstacles déjà amoncelés par la vie quotidienne” (la Formation de l’Esprit Scientifique, Intro, ii). Ce qu’il veut dire, c’est qu’il n’y a de connaissance rationnelle possible pour un sujet qu’à partir du moment où celui-ci ressent l’insuffisance de sa connaissance spontanée. Dès lors, la connaissance rationnelle n’est pas a priori dans le sens où elle est là avant la connaissance spontanée, mais dans le sens où, ce qu’on apprend par là, on aurait toujours dû le savoir : la connaissance rationnelle “est toujours ce qu’on aurait dû penser, quand l’appareil des raisons a été mis au point” (la Formation de l’Esprit Scientifique, Intro, ii). Dire que B possède une connaissance rationnelle de l’objet A, c’est dire qu’il regrette de ne pas l’avoir eue plus tôt et qu’il ne se reconnaît plus dans son ignorance passée.

Car en effet la connaissance rationnelle ne fournit pas des images pertinentes des objets de notre environnement, pour cela la connaissance spontanée suffit : elle en donne une description propositionnelle par des moyens a priori, c’est-à-dire supposés être à la disposition de tout être pensant, sans égard pour le lieu ni pour l’époque. Dès lors, en étant un sujet de connaissance scientifique qui regrette son passé d’ignorance, B devient un membre de la communauté rationnelle avec vocation à assumer et à perpétuer les principes a priori qui ont rendu possible cette connaissance. C’est en ce sens que ”l’entendement est lui-même la législation pour la nature” (C.R.P., IV, 93) : c’est l’entendement humain en tant qu’il doit être rationnel, qui est l’auteur des lois théoriques. De sorte que les théories sont des ensembles de lois qui ne se contentent pas de faire un relevé des faits déjà perçus, mais qui donnent a priori à ce qui sera perçu une pertinence universelle et nécessaire : elles prescrivent a priori, à tout être pensant, une représentation optimalement pertinente de la réalité. Dès lors l’expérience sensible n’est plus subie passivement et aléatoirement comme dans la connaissance naturelle et spontanée : désormais l’expérimentation est exigée par la théorie : “dans la connaissance scientifique rien ne va de soi, rien n’est donné, tout est construit” (Bachelard, la Formation de l’Esprit Scientifique, Intro, ii). C’est pourquoi seules les connaissances rationnelles peuvent prétendre à une communicabilité universelle et nécessaire.


Conclusion.

Nous avons commencé par dire que la perception brute n’est pas une connaissance parce qu’une connaissance suppose l’identité du sujet et l’identité de l’objet. Or un système mécanique peut percevoir des aspects partiels et discontinus sans connaître ce qu’il perçoit. L’unité du sujet est donc nécessaire à l’identification de l’objet. Mais là encore cela ne constitue pas une connaissance car il est possible d’identifier un objet uniquement comme ce qui cause les perceptions qui permettent de l’identifier. Pour connaître, il faut être capable d’inférer un aspect qui n’est pas perçu à partir de ce qui est déjà perçu, bref, il faut être au moins capable de l’imaginer. Mais cette connaissance spontanée pose cependant le problème de sa communicabilité limitée à des circonstances d’époque et de lieu. De sorte que, si l’on veut une connaissance universellement et nécessairement communicable, il faut appliquer à la perception du réel des inférences a priori fournissant à tout être pensant une même représentation optimale de la réalité : c’est là le caractère essentiel de la connaissance rationnelle.

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