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jeudi 5 juin 2025
dimanche 1 juin 2025
EST-CE AINSI QUE LES HOMMES VIVENT ...
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samedi 31 mai 2025
dimanche 6 avril 2025
SOI OU NON-SOI : LE DÉBAT.
(Ce texte est la transcription d'une communication que j'ai faite le dimanche 30 mars 2025 à la Maison du Yoga du Plan d'Aups à l'invitation de l'Institut de Yoga de Marseille).
Dans une annexe à sa récente traduction des Yoga-Sūtra de Patañjali (Albin Michel, 2023), Marc Ballanfat insiste sur l'importance d'un débat qui a réellement eu lieu dans la capitale de l'empire Gupta à la fin du IV° siècle de l'ère commune à propos du statut de la conscience humaine : d'un côté, les bouddhistes Vasubandhu ou Asanga lui refusent toute aséité, toute qualité d'être Soi, de l'autre, les brahmanistes prétendent au contraire que la pure conscience est le Soi proprement humain. D'après Marc Ballanfat, c'est même sur la base de ce débat qui agite la pensée "indienne1" depuis le VI° siècle a.e.c. et pour défendre les positions brahmanistes qu'auraient été rédigés les Yoga-Sūtra de Patañjali2. Nous allons, pour notre part, réévaluer la pertinence de ce vieux débat en en explorant les enjeux et les limites épistémologiques mais aussi en l'élargissant à toutes les entités en général et en y invitant deux autres protagonistes : la Métaphysique grecque et le Taoïsme chinois.
lundi 25 novembre 2024
SOUFFRANCE DU SOI ET SOUFFRANCE PAR SOI - 1 - PHILOSOPHIE ET YOGA.
Suivant la loi de Boltzmann (seconde loi de la thermodynamique), tout système physique perd tendanciellement de l'énergie et se dirige inéluctablement vers sa mort thermique. En ce sens, tout système physique souffre d'entropie. Toutefois, dans la mesure où un système est thermodynamiquement ouvert, c'est-à-dire connecté à d'autres systèmes physiques, son entropie peut être compensée par les systèmes connexes, l'énergie perdue par les uns étant, pour partie, localement et momentanément récupérée par les autres. À cet égard, Francisco Varela définit le vivant comme un système thermodynamiquement ouvert mais cognitivement clos. Cela veut dire qu'un système est vivant si et seulement si tout ou partie des structures physiques dont il est constitué s'organisent contextuellement de telle sorte qu'elles font circuler entre elles de l'information sur l'état énergétique de l'organisation pour, autant que possible, maintenir cette organisation invariante. Cette "clôture cognitive du système", Varela l'appelle un "Soi". Dès lors, puisque tout système physique souffre (d'entropie), tout système physique vivant souffre (d'entropie) et, dans la mesure où il est un "Soi" cognitif, tout système physique vivant "sait" (perçoit) qu'il souffre (d'entropie). Cette souffrance est donc une souffrance DU SOI, en l'occurrence, de celui qui est contextuellement concerné par la connaissance-perception de sa propre entropie. Mais qu'en est-il des organisations vivantes dotées de conscience et de langage que sont les entités humaines ? On est obligé d'admettre que leurs "Soi", en tant qu'ils sont conscients, non seulement souffrent et perçoivent qu'ils souffrent mais, de plus, sont conscients de percevoir qu’ils souffrent. La souffrance DU Soi devient alors souffrance PAR Soi, en l'occurrence, par le fait de posséder des Soi cognitifs conscients qui permettent aux humains, certes, d'examiner certaines causes de souffrance pour tenter de les supprimer, mais aussi de représenter leur propre souffrance et donc de la prolonger dans le temps, voire de l'étendre dans l'espace en la communiquant à d'autres Soi. En ce sens, les Soi humains sont à la fois les plus sensibles des Soi à la souffrance et les plus à même d'y trouver des solutions et d'y remédier. Parmi ces solutions, celle qui a été le plus spontanément et le plus généralement adoptée par le Soi humain (individuel ou collectif) a consisté à sacraliser sa propre invariance afin de s'octroyer le droit et le pouvoir presque illimités d'infliger aux systèmes physiques connexes, conscients ou non, vivants ou non, des souffrances entropiques qui dégénèrent souvent en pures et simples destructions, et ce, au risque de précipiter la mort thermique du Soi humain au lieu de la ralentir (cf. Thermodynamique des Conflits II : Prédation et Parasitisme). La question est donc clairement de savoir dans quelle mesure les solutions apportées par les Soi conscients humains au problème de leur propre entropie ne sont pas plus problématiques que le problème lui-même. Nous verrons qu’à cette question, la Philosophie, le Yoga, le Taoïsme ou le Bouddhisme apportent des réponses radicalement divergentes.
dimanche 13 octobre 2024
SUBSTANCE, SUBSISTANCE, SUBSTRAT, SUBSTANTIF - I - MÉTAPHYSIQUE.
Le dictionnaire philosophique Lalande définit la substance comme ce qu'il y de permanent dans les choses qui changent : l'arbre a perdu ses feuilles, quelques-unes de ses branches mais, au fond, il reste le même arbre ; mon quartier a vu surgir de nouveaux bâtiments, de nouveaux commerces mais, au fond, il demeure le même quartier ; quant à moi-même, depuis ma conception, j'ai grandi, grossi, vieilli, etc. mais, au fond, je suis réputé toujours le même. Il semble donc évident qu'il y a, "au fond" de tout changement, une réalité homogène et permanente qui, elle, ne change pas, qui est immuable et incorruptible, un "même" qui résiste vaillamment aux assauts de l'"autre". Cependant, moi, par exemple, en quoi suis-je toujours le "même" puisque, à l'instar du bateau de Thésée, la totalité de mon matériau biologique se renouvelle en moyenne tous les 7 à 10 ans ? Et ce qui vaut pour moi ne pourrait-il pas s'étendre à toute réalité ? Se pourrait-il alors que toute permanence ne fût qu'illusion et que, comme le disait déjà Héraclite d'Éphèse (VI° siècle a.e.c.), "rien n'est permanent [πάντα ῥεῖ], sauf le changement. Seul le changement est éternel"(Héraclite, Fragments, 142). Et nous pouvons faire, quant à l'homogénéité dans l'espace, le raisonnement que nous avons fait pour la permanence dans le temps : qu'est-ce qui fait que moi, cet arbre, ce quartier, cette communauté soyons considérés comme "un" alors que nous sommes manifestement composés de substrats divers et variés. Se pourrait-il que, comme le soulignait Hume, "nous feign[i]ons l’existence continue des perceptions de nos sens pour en supprimer la discontinuité pour aboutir aux notions d’âme, de moi et de substance"(Hume, Traité de la Nature Humaine, I, iv, 6) ? Pour autant, il y doit bien y avoir en tout phénomène quelque chose qui, à défaut d'être homogène et permanent, soit néanmoins, à quelque degré, subsistant, faute de quoi, comment le localiserait-on, comment l'identifierait-on, comment le reconnaîtrait-on ? Et, au-delà, si tout n'est qu'apparition ou illusion, que reste-t-il de la réalité puisque, précisément, la réalité est censée être ce qui résiste à l'illusion ? Nous allons voir que c'est pour contourner ce genre de mise en abîme vertigineuse que s'est constituée une onto-théologie, la métaphysique, qui s'est donné pour mission d'imposer la notion fondamentale de substance comme une nécessité. Pourtant, en quelque vingt-cinq siècles d'existence, la métaphysique n'a jamais réussi à convaincre les sotériologies indienne ou chinoise d'une telle nécessité. On peut même dire que le riche débat qui a toujours eu lieu entre le brahmanisme et le bouddhisme à propos des notions de "soi" (âtman) et de permanence (nitya) prouve le caractère non-universel de la notion de substance. Mais, et c'est beaucoup plus surprenant, c'est encore dans le développement de l'épistémologie occidentale depuis la fin du XIX° siècle que la notion de substance s'est révélée n'être qu'une illusion, certes nécessaire, mais une illusion tout de même.