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mardi 19 juin 2012

BAC PHILO 2012 - ELEMENTS DE CORRIGE.

Nota : je n'ai pas la prétention de proposer là un corrigé complet mais juste un aperçu de ce que l'on pouvait (et non devait) faire dans la toute première phase, celle du sujet analysé (cf. III-a1-a2 de la méthodologie). Inutile, donc, d'ajouter que ces éléments de corrigé ne sont ni suffisants, ni même nécessaires pour obtenir un résultat satisfaisant à l'épreuve que vous avez passée.

SERIE L

 1° sujet : que gagne-t-on en travaillant ?

*A première vue, nous dirait Marx, ce que l'on gagne en travaillant, c'est de l'argent. En effet, notre seul et vrai besoin, dans le système capitaliste, c'est le besoin d'argent. Besoin comblé directement par le salaire (le prix de l'exploitation de la force de travail) lorsqu'on appartient à la classe des prolétaires, indirectement par le profit (la différence entre le produit de la vente d'un bien ou d'un service et le coût de production) qui provient de l'exploitation des forces de travail des travailleurs lorsqu'on appartient à celle des capitalistes.
*Mais ce n'est pas là l'enjeu principal du travail, dirait Pascal. Certes, nous sommes très contents d'être "récompensés" pour notre travail. Mais nous travaillerions aussi même si nous ne l'étions pas : le but de la chasse, c'est la chasse et non la prise. Travailler est un des meilleurs moyens, en effet, d'éviter l'ennui, c'est-à-dire la conscience claire et lucide de notre condition faible et mortelle. Ce que nous gagnons à travailler, c'est donc le divertissement, autrement dit, rien moins que l'oubli de la condition humaine.
*Bourdieu ajouterait qu'il n'y a pas contradiction mais complémentarité entre les deux premiers points de vue. Car, au fond, ce que nous gagnons en travaillant, c'est la reconnaissance sociale. Reconnaissance qui passe par le regard d'autrui très sensible, en effet, à la position sociale et donc aux apparences d'aisance et de richesse. Mais qui suppose aussi l'estime de soi-même, laquelle dépend, entre autres choses, du sentiment d'être socialement utile (exemple du bénévolat).

2° sujet : toute croyance est-elle contraire à la raison ?

*Il semblerait bien que toute croyance soit contraire à la raison. Platon montre que la croyance est le degré le plus faible de la connaissance dans la mesure où la croyance premièrement procède de l'expérience sensible, deuxièmement ne se remet jamais en question, troisièmement est instable et manipulable au gré des circonstances. Tandis que la raison est la forme de connaissance qui nous fait atteindre, par degré, le monde immuable et éternel des Idées et que, seuls, possèdent les mathématiciens et les philosophes.
*Le problème, aurait dit Pascal, c'est qu'il n'y a pas de raison sans croyances préalables. Même en mathématiques et en science, tout raisonnement doit obligatoirement se fonder sur des prémisses auxquelles on adhère, non parce qu'elles sont démontrées (exemple des postulats d'Euclide), mais parce qu'on y croit : ce sont les connaissances du coeur et de l'instinct qui sont "senties". Bref, toute croyance n'est pas contraire à la raison puisque certaines croyances sont nécessaires au fonctionnement de la raison.
*Wittgenstein terminerait en disant qu'il existe deux sortes de croyances. Les croyances qui se présentent comme des hypothèses théoriques et qui, à ce titre, peuvent s'avérer contraires à la raison dans la mesure où elles ne satisfont pas les exigences de la critique rationnelle (c'est le cas des croyances scientifiques). Et les croyances qui manifestent la foi de celui qui les énonce et qui ne peuvent pas être contraires à la raison puisqu'elles n'ont aucun contenu théorique mais font simplement partie d'un rituel (c'est le cas des croyances religieuses).

3° sujet : expliquer le texte suivant

"La fin de l’Etat n’est pas de faire passer les hommes de la condition d’êtres raisonnables à celle de bêtes brutes ou d’automates, mais au contraire il est institué pour que leur âme et leur corps s’acquittent en sûreté de toutes leurs fonctions, pour qu’eux-mêmes usent d’une raison libre, pour qu’ils ne luttent point de haine, de colère ou de ruse, pour qu’ils se supportent sans malveillance les uns les autres. La fin de l’Etat est donc en réalité la liberté. [Et], pour former l’Etat, une seule chose est nécessaire : que tout le pouvoir de décréter appartienne soit à tous collectivement, soit à quelques-uns, soit à un seul. Puisque, en effet, le libre jugement des hommes est extrêmement divers, que chacun pense être seul à tout savoir et qu’il est impossible que tous opinent pareillement et parlent d’une seule bouche, ils ne pourraient vivre en paix si l’individu n’avait renoncé à son droit d’agir suivant le seul décret de sa pensée. C’est donc seulement au droit d’agir par son propre décret qu’il a renoncé, non au droit de raisonner et de juger ; par suite nul à la vérité ne peut, sans danger pour le droit du souverain, agir contre son décret, mais il peut avec une entière liberté opiner et juger et en conséquence aussi parler, pourvu qu’il n’aille pas au-delà de la simple parole ou de l’enseignement, et qu’il défende son opinion par la raison seule, non par la ruse, la colère ou la haine."

 texte de Spinoza tiré du Traité Théologico-Politique.

[La fin de l'Etat ... liberté]
Paraphrase : la finalité de l'Etat n'est pas l'aliénation mais la libération.
Commentaire : sans Etat, les hommes se nuiraient mutuellement, leur sécurité et donc leur liberté ne serait pas assurée ; grâce à l'Etat, l'homme peut être un dieu pour l'homme.
Confrontation : pour Locke, au contraire, l'Etat a pour fonction de réduire la liberté naturelle qu'a chacun de jouir de toutes ses propriétés.
[Et pour former ... à un seul] 
Pr : le moyen d'action de l'Etat, c'est le monopole du pouvoir de légiférer.
Cm : le pouvoir de faire la loi peut émaner d'un seul (monarchie), de plusieurs (oligarchie), voire de tous (démocratie), mais pas de chacun (état de guerre).
Cf : pour Weber, le moyen d'action privilégié de l'Etat, c'est le monopole de la violence physique légitime, tout le reste est accessoire.
[Puisque, en effet ... de sa pensée]
Pr : le problème à résoudre, c'est l'incompatibilité des décisions individuelles en communauté.
Cm : les hommes, pris individuellement, sont confrontés à des circonstances diverses et variables qui les déterminent souvent à s'affronter.
Cf : Marx dirait que le problème que l'Etat doit résoudre, ce n'est pas l'affrontement individuel, mais l'affrontement de classe.
[C'est donc ... ou la haine]
Pr : le citoyen conserve donc la latitude de faire tout ce que la loi n'interdit pas.
Cmtout citoyen ne doit renoncer qu'à la partie de son droit de nature qui nuirait à la conservation du tout de la société, mais il conserve son droit d'avoir et même de partager des opinions personnelles.
Cf : Arendt ne partage pas cette conception négative de la liberté : pour elle, ce que permet l'espace public de l'Etat, c'est d'abord la prise d'initiative individuelle et innovante.


SERIE S

 1° sujet : avons-nous le devoir de chercher la vérité ?

*Apparemment, nous avons bien le devoir moral de chercher la vérité. Agir par devoir, nous dit Kant, c'est agir par simple respect pour la loi morale que nous prescrit a priori la raison. Cette loi morale s'exprime sous la forme de l'impératif catégorique qui nous incite à agir en prenant les personnes comme des fins en soi, ce que nous faisons lorsque nous recherchons la vérité inlassablement et de manière désintéressée. Car alors nous produisons la connaissance universelle et nécessaire qui, seule, peut conduire l'humanité vers les Lumières.
*Sauf que, objecterait Bourdieu, la recherche de la vérité n'est jamais désintéressée et ne peut donc pas être considérée comme un devoir. D'une part parce qu'une bonne partie des chercheurs sont des ingénieurs sociaux qui, à toute époque, fournissent à la classe dominante les vérité nécessaires pour justifier sa domination. D'autre part parce que la recherche de la vérité procède la plupart du temps de l'habitus professionnel du scientifique, de même que la recherche esthétique fera partie de l'habitus professionnel de l'artiste, par exemple.
*En fait, nous dirait Weber, il existe deux sortes de comportements dont l'un exige la vérité comme un devoir et l'autre pas. Lorsqu'on adopte une éthique de conviction, on a le devoir de chercher la vérité comme une valeur absolue, quelles que puissent en être les conséquences. Mais lorsqu'on se comporte selon l'éthique de responsabilité, on est, en revanche, sensible aux conséquences prévisibles de son acte. Auquel cas, on peut renoncer à la recherche de la vérité si le coût (humain, financier, etc.) de la recherche semble exorbitant.

2° sujet : serions-nous plus libres sans l'Etat ?


*Si l'on suit Locke, l'Etat est en quelque sorte un mal nécessaire. Il est nécessaire en ce que l'état de nature dans lequel chacun est parfaitement libre de disposer à sa guise de toutes ses propriétés est parfois violé par certains. Les hommes se mettent alors d'accord par contrat sur les formes que doit prendre l'intervention d'une force susceptible de rétablir cet état de nature. Mais cela demeure un mal parce que ce rétablissement est toujours partiel : sa seule existence mobilise des ressources dont les individus n'ont plus la libre jouissance.
*Le problème, fait remarquer Rousseau, c'est que l'état de nature ne peut pas être rétabli, même partiellement. Nous sommes indéfectiblement dans l'état civil qui se caractérise par une liberté qui n'est pas une liberté de faire ce que l'on veut mais une liberté de ne pas faire ce qu'exige le plus fort. D'où la nécessité d'établir, par contrat social, un Etat qui garantisse cette forme de liberté au moyen d'une égalité de tous les citoyens à l'égard de la loi comme expression de l'intérêt général et non des intérêts particuliers.
*Pour Spinoza, la question n'a pas de sens. Certes, dans l'absolu, nous serions plus libres sans Etat. Mais pour cela, il faudrait être Dieu ou la Nature, c'est-à-dire être seul dans l'univers. Mais nous les hommes, sommes des parties de la Nature. Et, à ce titre, nous sommes déterminés à exister et à agir par la nécessité de nous conserver au sein d'une société qui, elle aussi, comme partie de la Nature, s'efforce de persévérer dans son être en imposant ses lois à chacun de ses membres. Et c'est cette société humaine dotée de lois qu'on appelle l'Etat.

3° sujet : expliquer le texte suivant

"On façonne les plantes par la culture, et les hommes par l'éducation. Si l'homme naissait grand et fort, sa taille et sa force lui seraient inutiles jusqu'à ce qu'il eût appris à s'en servir ; elles lui seraient préjudiciables, en empêchant les autres de songer à l'assister ; et, abandonné à lui-même, il mourrait de misère avant d'avoir connu ses besoins. On se plaint de l'état de l'enfance ; on ne voit pas que la race humaine eût péri, si l'homme n'eût commencé par être enfant.
Nous naissons faibles, nous avons besoin de force ; nous naissons dépourvus de tout, nous avons besoin d'assistance ; nous naissons stupides, nous avons besoin de jugement. Tout ce que nous n'avons pas à notre naissance, et dont nous avons besoin étant grands, nous est donné par l'éducation.
Cette éducation nous vient de la nature, ou des hommes ou des choses. Le développement interne de nos facultés et de nos organes est l'éducation de la nature ; l'usage quon nous apprend à faire de ce développement est l'éducation des hommes ; et l'acquis de notre propre expérience sur les objets qui nous affectent est l'éducation des choses.
Chacun de nous est donc formé par trois sortes de maîtres. Le disciple dans lequel leurs diverses leçons se contrarient est mal élevé, et ne sera jamais d'accord avec lui-même ; celui dans lequel elles tombent toutes sur les mêmes points, et tendent aux mêmes fins, va seul à son but et vit conséquemment. Celui là seul est bien élevé
."

 texte de Rousseau tiré de Emile ou de l'Education.

[On façonne les plantes ... par être enfant]
Paraphrase :  l'éducation, c'est la culture de l'enfance.
Commentaire : de même que la culture est protection contre la faiblesse des jeunes plantes, de même l'éducation est protection contre la faiblesse des enfants ; et dans les deux cas, la protection fortifie.
Confrontation : pour Bourdieu, au contraire, l'éducation ne consiste pas à permettre à l'enfant de s'épanouir (comme une plante) mais à lui faire acquérir des habitus sociaux.
[Nous naissons ... par l'éducation] 
Pr : l'éducation a pour fonction de pallier notre indigence naturelle.
Cm : l'éducation doit donc être à la fois physique (force), morale (assistance) et intellectuelle (jugement).
Cf : Aristote objecterait que l'éducation ne compense pas une indigence naturelle mais permet à nos forces naturelles mais virtuelles de se réaliser (exemple de la main qui est potentiellement n'importe quel outil).
[Cette éducation ... éducation des choses]
Pr : c'est le substrat naturel de l'enfant qui est éduqué à la fois par les hommes et par les choses
Cm: l'éducation doit tenir compte du développement psycho-biologique de l'enfant lorsqu'il s'agit de lui faire acquérir des règles et de le confronter à certaines expériences.
Cf : il ne sert donc à rien d'appliquer le principe de Locke selon lequel il faut raisonner avec tous les enfants comme avec tous les hommes afin de les rendre conscients d'eux-mêmes.
[Chacun de nous ... bien élevé]
Pr : l'éducation doit donc combiner harmonieusement développement biologique, enseignement et expériences.
Cm : l'homme (parent ou professeur) n'est donc pas le seul maître de l'éducation de ses enfants ; en particulier, celui qui voudra contrarier la nature sera un mauvais éducateur.
Cf : pour Freud, en revanche, toute l'éducation consiste précisément à contrarier la nature, notamment le principe naturel de plaisir (satisfaction immédiate des pulsions).




SERIE ES

 1° sujet : peut-il exister des désirs naturels ?


*Tout désir, répondrait Spinoza, est naturel. En effet, toute partie de la Nature est en permanence soumise aux contraintes causales que les autres parties de la Nature exercent sur elle, qui l'affaiblissent et finissent par la détruire. Aussi doit-elle son existence aux forces de résistance qu'elle peut leur opposer. L'ensemble de ces forces, c'est le conatus. Et le conatus, chez l'être humain, prend le nom de désir. Le désir peut donc se définir comme l'ensemble des forces dont l'homme est naturellement doté pour persévérer dans son être.
*Freud est d'accord pour reconnaître à tout désir une origine naturelle : le désir ou pulsion est le représentant psychique d'une excitation corporelle. Mais, si certains désirs s'expriment tels qu'ils se manifestent au psychisme, d'autres, en revanche, qui posent des problèmes sociaux (désirs sexuels et désirs d'agression) sont parfois refoulés dans l'inconscient avant, soit de trouver une satisfaction symbolique (rêve, imagination, sublimation, acte manqué, etc.), soit de dégénérer en névrose. L'expression de tels désirs n'a donc plus rien de naturel.
*En fait, ajouterait Marcuse, dans notre société capitaliste de consommation, aucun désir n'est naturel. Il est vrai que certains désirs, comme Freud l'a montré, sont plus sévèrement réprimés que d'autres. Mais, même les désirs apparemment les plus naturels et les plus innocents (nourriture, logement, loisirs, etc.) sont détournés de leur finalité naturelle : il ne s'agit plus de satisfaire des besoins, mais les médias (notamment à travers la publicité) poussent à consommer ce qui est susceptible d'assurer des profits et de la cohésion sociale.


2° sujet : travailler, est-ce seulement être utile ?

*Pour Marx, tout travail a une utilité. En effet, l'homme étant le seul être à devoir produire ses moyens d'existence, il ne se contente pas de s'adapter à la nature, mais adapte la nature à lui. Or, dans la plupart des sociétés, le travail prend la forme d'une division inégalitaire des tâches et de leur produit. Le travail est donc utile non seulement à la transformation de la nature mais aussi à l'existence d'une infrastructure où les classes dominantes vivent du travail des classes dominées et celles-ci de leur statut de fournisseur de force de travail.
*Il existe, objecterait Kant, au moins une forme de travail dépourvue d'utilité économique : c'est le travail de création de l'artiste. D'abord, le propre du génie artistique, contrairement à l'habileté technique, c'est d'oeuvrer selon une inspiration de la nature et non selon des règles déterminées. Ensuite, ce qui plaît dans l'oeuvre d'art, ce qui la fait paraître belle, c'est la satisfaction que l'on tire en constatant son absence de finalité. La création artistique est donc désintéressée quant à son but, même si elle est intéressante quant à son effet.
*Bourdieu montre (exemple d'Arnoux dans l'Education Sentimentale) que l'aspect intéressant (au sens de Kant) du travail artistique engendre de l'utilité économique (au sens de Marx). Car celui qui commercialise le produit d'un travail prétendument désintéressé, vise d'une part vise une utilité matérielle directe en termes de profit, d'autre part une utilité symbolique indirecte en termes d'image. Bourdieu parle d'économie des échanges symboliques pour qualifier l'utilité économique de tout travail apparemment inutile.

3° sujetexpliquer le texte suivant

"En morale, les règles éternelles d'action ont la même vérité immuable et universelle que les propositions en géométrie. Ni les unes ni les autres ne dépendent des circonstances, ni des accidents, car elles sont vraies en tout temps et en tout lieu, sans limitation ni exception. Tu ne dois pas résister au pouvoir civil suprême est une règle qui n'est pas moins constante ni invariable pour tracer la conduite d'un sujet à l'égard du gouvernement, que multiplie la hauteur par la moitié de la base pour mesurer la surface d'un triangle. Et de même qu'on ne jugerait pas que cette règle mathématique perd de son universalité, parce quelle ne permet pas la mesure exacte d'un champ qui nest pas exactement un triangle, de même on ne doit pas juger comme un argument contraire à l'universalité de la règle qui prescrit l'obéissance passive, le fait qu'elle ne touche pas la conduite d'un homme toutes les fois qu'un gouvernement est renversé ou que le pouvoir suprême est disputé.
Il doit y avoir un triangle et vous devez vous servir de vos sens pour le connaître, avant qu'il y ait lieu d'appliquer votre règle mathématique. Et il doit y avoir un gouvernement civil, et vous devez savoir entre quelles mains il se trouve, avant qu'intervienne le précepte moral. Mais, quand nous savons où est certainement le pouvoir suprême, nous ne devons pas plus douter que nous devons nous y soumettre, que nous ne douterions du procédé pour mesurer une figure que nous savons être un triangle
."

texte de Berkeley tiré de de l'Obéissance Passive.

[En morale ... surface d'un triangle]
Paraphrase : il n'y a aucune différence de nature entre une règle morale et une règle mathématique.
Commentaire : les règles morales comme les règles mathématiques sont a priori (indépendantes des circonstances), nécessaires (indépendantes des accidents) et universelles (indépendantes de toute exception).
Confrontation : pour Aristote, en revanche, le propre des règles humaines, à l'inverse des règles scientifiques, c'est d'être obligées de tenir compte des circonstances.
[Et de même ... est disputé]
Pr : l'inapplicabilité apparente d'une règle n'est pas un argument contre sa validité.
Cm : une règle est une idée pensée par un esprit ; or les circonstances, les accidents et les exceptions sont des événements matériels ; donc ils ne peuvent remettre en question l'idée
Cf : Hume renverse le raisonnement : même les règles mathématiques n'ont qu'une validité probable en raison de notre incapacité sensible à vérifier, par exemple, que deux parallèles ne se rencontreront jamais.
[Il doit y avoir ... précepte moral]
Pr : une règle est toujours de la forme "tu dois ...".
Cm : il n'est pas nécessaire de supposer l'existence préalable d'un objet matériel conforme à la règle pour que la règle s'applique, c'est au contraire l'idée de l'application nécessaire de la règle qui nous fait croire à l'existence de son objet.
Cf : Kant dirait que si  la règle morale précède effectivement le fait matériel de son application, en revanche, c'est le contraire qui se passe en mathématiques et dans les sciences.
[Mais ... un triangle]
Pr : la règle ne laisse jamais aucune place au doute quant à l'existence de son objet.
Cm : la croyance à l'existence d'un objet de notre règle a la même force dans tous les cas, et s'apparente à la foi en l'existence de Dieu. Ce qui est, c'est ce qui est perçu comme collection d'idées (nul n'est besoin de supposer quelque substrat matériel que ce soit).
Cf : pour Wittgenstein, en revanche, il faut distinguer, d'une part la règle mathématique et la foi religieuse qui n'ont pas besoin d'objet pour être hors de doute, d'autre part la loi scientifique qui est hypothétique tant qu'elle n'a pas été confrontée à un objet matériel.




SERIES TECHNOLOGIQUES

 1° sujet : la recherche de la vérité peut-elle se passer du doute ?

 *Pour Descartes, la recherche de la vérité ne peut pas se passer du doute. Car, pour rechercher la vérité, il faut commencer par éliminer toute source d'illusion potentielle. Or ce sont les sens qui nous induisent le plus souvent en erreur. Il convient donc de prendre la ferme résolution de révoquer en doute le témoignage de nos sens pour n'accorder crédit qu'à notre seule intelligence pure et attentive et y déceler les semences de vérité qui y ont été déposées. Commencer par douter semble donc la seule méthode pour parvenir au vrai.
*Pour Spinoza, la vérité est son propre critère. Tandis que le doute est le corrélat de l'incertitude, qui est la situation où se trouve celui qui, isolé et ballotté au gré des circonstances, reçoit des informations contradictoires (1° mode de connaissance). Rechercher la vérité suppose plutôt de faire effort pour s'unir, par le corps ou l'esprit, à d'autres êtres afin de réduire le plus possible cette incertitude (2° mode de connaissance). A la limite, unis à la Nature toute entière, nous bannissons toute incertitude (3° mode de connaissance).
*En fait, nuance Pascal, le doute nous pousse bien à en savoir plus, mais à condition de ne pas commencer par cela. Car alors, nous n'atteindrons aucune vérité : si les prémisses d'un raisonnement sont douteuses, les conclusions le seront aussi et nous devrons suspendre notre jugement (nous nous comporterons en Pyrrhonien ou Sceptique). Le doute, qui est la conséquence de notre condition faible et mortelle, n'est utile qu'à condition de faire confiance aux certitudes de notre coeur qui sont les signes encourageants d'une perfection possible.


2° sujet : faut-il être cultivé pour apprécier une oeuvre d'art ?


*Kant dirait qu'il faut effectivement être cultivé pour apprécier une oeuvre d'art. Car, bien que l'oeuvre d'art s'adresse à nos sens, il ne suffit pas de la percevoir pour l'apprécier. Encore faut-il avoir du goût, c'est-à-dire être capable d'apprécier un objet qui semble dépourvu de toute utilité. Or le goût s'éduque. Lorsque nous jugeons une oeuvre d'art, nous ne voulons pas simplement dire qu'elle nous plaît ou nous déplaît mais nous attendons et exigeons qu'autrui soit en accord avec nous. Ce qui suppose nécessairement une culture commune.
*Cultivé oui, aurait ajouté Freud, mais pas forcément savant. Car la culture savante s'adresse à notre moi conscient. Tandis que l'oeuvre d'art, tout comme le rêve, satisfait symboliquement des désirs sexuels et/ou agressifs refoulés dans notre inconscient par notre éducation. Mais, contrairement au rêve, l'oeuvre d'art a un statut objectif et public. Tout comme le névrosé, l'artiste souffre et exprime sa souffrance. Mais, contrairement au névrosé, il trouve une forme d'expression sublimée qui satisfait aussi les désirs refoulés du public.
*Certes, mais, pour Wittgenstein, on ne saurait apprécier une oeuvre d'art sans être capable d'adopter consciemment à son égard, un certain comportement. Apprécier une oeuvre d'art ne se réduit pas à éprouver et à manifester telle ou telle émotion, sinon rien n'empêcherait de dresser un animal à apprécier une oeuvre d'art. Cela consiste plutôt à maîtriser un certain jeu de langage, c'est-à-dire un ensemble d'attitudes, notamment langagières, dont nous faisons l'apprentissage et que nous entretenons et cultivons auprès des connaisseurs.


3° sujet :  

"Qu’est-ce qu’une bonne loi ? Par bonne loi, je n’entends pas une loi juste, car aucune loi ne peut être injuste. La loi est faite par le pouvoir souverain, et tout ce qui est fait par ce pouvoir est sûr, et approuvé par tout un chacun parmi le peuple. Et ce que tout homme veut, nul ne saurait le dire injuste. Il en est des lois de la communauté politique comme des lois du jeu : ce sur quoi les joueurs se sont mis d’accord ne saurait être une injustice pour aucun d’eux. Une bonne loi est celle qui est à la fois nécessaire au bien du peuple et facile à comprendre. En effet, le rôle des lois, qui ne sont que des règles revêtues d’une autorité, n’est pas d’empêcher toute action volontaire, mais de diriger et de contenir les mouvements des gens, de manière qu’ils ne se nuisent pas à eux-mêmes par l’impétuosité* de leurs désirs, leur empressement ou leur aveuglement ; comme on dresse des haies, non pas pour arrêter les voyageurs, mais pour les maintenir sur le chemin. C’est pourquoi une loi qui n’est pas nécessaire, c’est-à-dire qui ne satisfait pas à ce à quoi vise une loi, n’est pas bonne."

texte de Hobbes tiré du Léviathan.

1° question : une bonne loi n'est pas une loi juste mais une loi facile à suivre qui entretient la paix sociale.
2° question
*a : la loi est une sorte de règle du jeu, c'est-à-dire une norme dont aucun joueur ne remet en question la pertinence, sauf à vouloir quitter le jeu
*b : une bonne loi est une norme sans laquelle la paix sociale serait menacée ; pour cela il faut bien entendu qu'elle soit respectée et donc comprise par le plus grand nombre
*c : la loi est au citoyen ce que la haie est au promeneur, elle n'est pas un obstacle à son cheminement mais au contraire un guide qui l'empêche de s'égarer.
3° question :
*Pour Hobbes, le rôle des lois est effectivement d'empêcher les hommes de se nuire mutuellement. Sans loi, en effet, il n'y aurait pas d'état civil, c'est-à-dire de société paisible. Ce serait au contraire l'état de nature, c'est-à-dire l'état de guerre de chacun contre chacun où "l'homme est un loup pour l'homme". Les lois jouent donc le rôle des règles d'un jeu en instaurant un climat de confiance mutuelle et en définissant les modalités de la coopération mutuelle des citoyens.
*Aristote dirait que cette fonction est trop ambitieuse. Car les lois de la Cité, contrairement aux règles des jeux, ne peuvent pas prévoir dans le détail toutes les circonstances dans lesquelles les citoyens risqueraient de se nuire. Elles ne peuvent définir qu'un cadre général à partir duquel le juge va statuer sur les cas particuliers, et c'est lui qui, éventuellement, empêchera les hommes de se nuire.
*Rousseau dirait au contraire que cette ambition est trop modeste. Car, après tout, le règlement d'une prison empêche aussi les prisonniers de se nuire. Or, une société n'est pas une prison et ses règles doivent être instituées non seulement pour maintenir la paix, mais aussi et surtout pour établir une égalité de pouvoir et de richesse sans laquelle certains citoyens pourraient, le plus paisiblement du monde, confisquer la liberté des autres.