C1 - QUELLES SONT
LES PARTS DU NATUREL ET DU CULTUREL DANS NOTRE PERSONNALITÉ ?
Le ça
est la partie obscure de notre personnalité, et le peu que nous en
savons, nous l’avons appris en étudiant l’élaboration du
rêve et la formation du symptôme névrotique […]. Le ça
tend seulement à satisfaire les besoins pulsionnels, en se
conformant au principe de plaisir. Les processus qui s’y déroulent
n’obéissent pas aux lois logiques de la pensée : pour eux,
le principe de contradiction n’existe pas, [aussi] le ça
ignore-t-il les jugements de valeur, le bien, le mal, la morale […].
Le moi
a pour mission d’être le représentant du monde extérieur aux
yeux du ça,
et pour le plus grand bien de ce dernier. En effet, sans le moi,
le ça,
aspirant aveuglément aux satisfactions des pulsions, viendrait
imprudemment se briser contre cette force extérieure plus puissante
que lui […]. Ainsi, le principe de plaisir, qui domine de façon
absolue dans le ça,
est-il détrôné par le principe de réalité, plus propre à
assurer sa sécurité et sa réussite […]. Donc le moi
n’est qu’une partie du ça
opportunément modifiée par la pression d’un monde extérieur
menaçant. En somme, le moi
doit réaliser les intentions du ça
en parvenant à découvrir les circonstances favorables à leur
réalisation. [Dans cette tâche, le moi
est puissamment aidé par] le surmoi
qui est le dépositaire de la conscience morale et qui dérive de
l’influence exercée par les parents et les éducateurs.
Freud – Nouvelles
Conférences sur la Psychanalyse
Contexte : Freud est un médecin
autrichien de la fin du XIX° et du début du XX° siècles. Il est
connu essentiellement pour être l'inventeur de la psychanalyse.
Dans ce texte, Freud
s'oppose
- contre la plupart des
philosophes, à l'idée que le psychisme humain serait simple et
homogène
- et contre des
philosophes comme Descartes ou Platon, à l'idée que le psychisme
humain serait dominé par la conscience.
Il défend donc
-
l'idée que le psychisme humain est complexe, composé de trois
instances hétérogènes que sont le moi,
le surmoi
et le ça1
-
l'idée que le psychisme humain est, en grande partie, constitué de
phénomènes inconscients (le surmoi
et le ça),
la conscience (le moi)
n'étant en quelque sorte que la partie émergée de l'iceberg.
"Le
ça
est la partie obscure de notre personnalité, et le peu que nous en
savons, nous l’avons appris en étudiant l’élaboration du
rêve et la formation du symptôme névrotique […]."
Dans
notre personnalité, il y a donc une "partie obscure", nous
dit Freud. Mais obscure par rapport à quoi ? La plupart des
philosophes ont considéré que rien n'était plus facile à l'homme
que de s'observer "de l'intérieur", par introspection (en
latin intro
specto,
"je regarde à l'intérieur") consciente. Eh bien, c'est
faux, dit Freud, parce qu'il y a une partie importante de notre
psychisme qui est obscure à l'introspection consciente. Autrement
dit, cette "partie obscure" de notre personnalité est une
partie inconsciente de nous-même.
Mais alors, dirons-nous,
comment pouvons-nous savoir quoi que ce soit sur cette "partie
obscure", étant donné que
- elle est psychique donc
inaccessible à l'observation extérieure
- elle est inconsciente
donc inaccessible à l'observation intérieure.
Freud
répond d'abord, modestement, que nous en savons peu de choses ("le
peu que nous en savons"). Mais, ce que nous en savons, nous
l'avons appris indirectement, en observant les effets et non
directement en observant les causes. Par exemple, il y a deux
manières d'observer un phénomène astronomique : en observant
directement, au télescope, le corps céleste qui nous intéresse
(ex. : Galilée observant les satellites de Jupiter) ; en observant
indirectement un corps céleste que nous ne pouvons pas voir mais
dont nous pouvons constater les effets (ex. Le Verrier observant les
effets gravitationnels de la planète Neptune qu'il ne peut pas
voir). Freud, qui a une formation scientifique, adopte la deuxième
démarche : puisqu'il ne pas "voir" le ça
inconscient,
il va en observer indirectement les effets dans le cadre d'une
nouvelle activité qu'il va lui-même baptiser psychanalyse ( de
l'allemand Psychoanalyse,
"analyse psychique").
Ces
effets indirects qui sont, pour Freud, le témoignage de l'existence
de cette "partie obscure de notre personnalité" sont
d'abord les névroses. Freud, qui est médecin, à l'origine,
constate en effet que certain(e)s de ses patient(e)s sont atteint(e)s
de troubles dont on ne peut déceler de cause physiologique. Il en
infère alors que les troubles dont souffrent ces malades ont des
causes psychiques. Et comme les malades sont incapables de se
souvenir de l'origine de leurs troubles, Freud ajoute qu'ils doivent
concerner une partie inconsciente du psychisme. Des souffrances dont
l'origine est probablement à la fois psychique et inconsciente,
telle est la définition des symptômes névrotiques.
De
même, le rêve est une source inépuisable d'observations indirectes
de la "partie obscure de notre personnalité" pour le
psychanalyste. Depuis toujours, en effet, les rêves ont fasciné et
dérouté les hommes à cause de leur caractère parfois
inexplicable. Freud va être l'un des premiers à considérer
l'aspect farfelu de certains rêves comme un indice de la présence
et du fonctionnement d'une instance inconsciente de notre
personnalité. Freud ira même jusqu'à faire la supposition que le
rêve n'est qu'une satisfaction symbolique de certaines pulsions
sexuelles et/ou agressives qui ont été préalablement refoulées
dans notre inconscient.
D'où
la question : mais alors qu'apprenons-nous sur le ça
inconscient
à partir de l'observation des rêves et des symptômes névrotiques
?
"Le
ça
tend seulement à satisfaire les besoins pulsionnels, en se
conformant au principe de plaisir. Les processus qui s’y déroulent
n’obéissent pas aux lois logiques de la pensée : pour eux,
le principe de contradiction n’existe pas, [aussi] le ça
ignore-t-il les jugements de valeur, le bien, le mal, la morale […]."
Le
principe de fonctionnement du ça
inconscient
c'est, nous dit Freud, le principe de plaisir. Pour comprendre ce
qu'est le principe de plaisir, il faut se rappeler que, pour Freud,
toute notre vie psychique est déterminée par nos pulsions. Or, une
pulsion étant le représentant psychique d'une excitation indiquant
un besoin du corps, il est facile de comprendre que le seul moyen de
supprimer une pulsion, c'est de satisfaire le besoin du corps
correspondant, autrement dit d'éprouver le plaisir indiquant que ce
besoin est satisfait. Le principe de plaisir est donc le principe
fondamental qui gouverne notre psychisme : toute pulsion exige d'être
satisfaite en éprouvant du plaisir. On en déduit que, si le ça est
la partie inconsciente de notre personnalité, c'est parce que,
naturellement, les besoins du corps et leur correspondants
psychiques, les pulsions, n'ont nul besoin de conscience pour se
satisfaire. Le principe de plaisir est donc la seule loi à laquelle
obéisse le ça, parce que c'est une loi de la nature. Les autres
lois, celles qui sont ajoutées par la culture humaine, les lois
logiques (ne pas se contredire, etc.), les lois morales (ne pas
mentir, etc.), les lois juridiques (ne pas dépasser telle vitesse,
etc.), ne concernent pas le ça
inconscient. Voilà la première connaissance que nous acquérons sur
la partie obscure de notre personnalité, par exemple à travers
l'étude du rêve : ce qui fait apparaître le rêve souvent absurde,
c'est justement qu'il n'obéit pas aux lois logiques (il n'est pas
rare que l'on soit à deux endroits en même temps, ou qu'on soit
simultanément deux personnes différentes). De même, l'analyse du
symptôme névrotique montre l'absurdité de certains de nos
comportements (il est absurde d'avoir peur d'une inoffensive
araignée, par exemple, comme dans la névrose phobique).
Mais
alors, pourquoi notre personnalité psychique ne se réduit-elle pas
au ça
?
"Le
moi
a pour mission d’être le représentant du monde extérieur aux
yeux du ça,
et pour le plus grand bien de ce dernier. En effet, sans le moi,
le ça,
aspirant aveuglément aux satisfactions des pulsions, viendrait
imprudemment se briser contre cette force extérieure plus puissante
que lui […]. Ainsi, le principe de plaisir, qui domine de façon
absolue dans le ça,
est-il détrôné par le principe de réalité, plus propre à
assurer sa sécurité et sa réussite […]."
Nous
avons dit que la partie obscure de notre personnalité, le ça,
a le principe de plaisir pour seule loi. Or, comme ce principe est
une loi de la nature, on peut en déduire que le ça est la partie
naturelle de notre personnalité psychique. C'est-à-dire que, comme
tous les êtres vivants, notre corps biologique éprouve des besoins
qu'il s'agit de satisfaire, et, comme les êtres vivants les plus
évolués (les oiseaux et les mammifères, par exemple), ces besoins
s'accompagnent de signaux psychiques, les pulsions dont la fonction
est d'indiquer par la sensation de plaisir que le besoin est
satisfait. Tous les animaux supérieurs fonctionnent sur ce principe.
Pourquoi donc l'homme est-il le seul être à avoir un psychisme
composé, en plus du ça,
d'un surmoi
et d'un moi
conscient ? La meilleure réponse se trouve dans une comédie de
Beaumarchais intitulée le
Mariage
de Figaro,
acte II, scène 21 : "Boire
sans soif et faire l'amour en tout temps, Madame, il n'y a que ça
qui nous distingue des autres bêtes".
Autrement dit, par une bizarrerie de la nature, l'homme est le seul
être vivant dont les besoins n'aient pas de limite naturelle. Alors
que les bêtes s'arrêtent de boire quand elles n'ont plus soif, de
copuler lorsque ce n'est plus la saison des amours, les hommes
continuent : ils sont potentiellement insatiables. La conséquence,
c'est que, la partie obscure de ma personnalité, mon ça
inconscient gouverné par le principe de plaisir se heurterait à
tous les autres ça,
tout aussi insatiables s'il n'était pas limité par d'autres
barrières que les limites naturelles : les interdits culturels.
Et
ce sont ces interdits qui constituent ce que Freud appelle le
principe de réalité. Celui-ci n'est pas la négation du principe de
plaisir mais son aménagement : il ne s'agit pas de nier les pulsions
et de nier l'exigence de satisfaction de celle-ci, mais de canaliser,
d'encadrer la satisfaction de certaines pulsions qui, si elles
n'était pas limitée, entraînerait des conflits destructeurs pour
le ça
inconscient
des hommes. Concrètement, il s'agit donc, à travers le principe de
réalité de différer la satisfaction des pulsions les plus
problématiques pour la vie en société, à savoir certaines
pulsions sexuelles et certaines pulsions agressives. Les différer,
cela veut dire d'une part que ces pulsions ne peuvent être
satisfaites au moment où elles se manifestent et/ou ne peuvent être
satisfaites de la manière dont elles se manifestent. C'est le
principe de réalité qui permet donc de comprendre qu'il existe des
pulsions qui, dans un premier temps, sont refoulées, c'est-à-dire
interdites de satisfaction, puis, dans un second temps, sont
satisfaites symboliquement, c'est-à-dire satisfaites mais pas sur le
mode sexuel et/ou sur le mode agressif.
C'est
pourquoi l'être humain est le seul être biologique qui nécessite
une éducation. Éduquer un homme, dit Freud, cela signifie faire
passer son psychisme du principe de plaisir au principe de réalité.
Et pour que ce passage soit possible, il va falloir que le ça
inconscient
de chacun soit secondé par un moi
conscient,
c'est-à-dire une instance psychique qui soit capable d'élaborer des
stratégies complexes afin de satisfaire des pulsions à des moments
et selon des modes qui soient compatibles avec la présence d'autres
moi
conscients qui ont les mêmes aspirations. C'est pour cela que Freud
insiste sur le rôle d'ambassadeur du moi
conscient
à l'égard du ça
inconscient.
Ce qui veut dire à la fois que ma conscience est au service de mon
inconscient de même que l'ambassadeur est au service du chef d'État,
et que ma conscience va devoir tenir compte des autres consciences,
elles-mêmes au service des autres inconscients. Bref, Freud et la
psychanalyse mettent fin à l'illusion d'une soi-disant domination de
la conscience sur le psychisme humain.
Est-ce à dire alors que
notre conscience n'a plus aucune autonomie ?
"Donc
le moi
n’est qu’une partie du ça
opportunément modifiée par la pression d’un monde extérieur
menaçant. En somme, le moi
doit réaliser les intentions du ça
en parvenant à découvrir les circonstances favorables à leur
réalisation."
En
effet, le ça,
la partie obscure de notre personnalité, est une instance psychique
inconsciente que nous avons en commun avec tous les animaux et qui ne
fonctionne que sur le principe de plaisir. Or, nous avons vu que le
principe de plaisir doit être, dans la société humaine, tempéré
par le principe de réalité. C'est pour cela que le ça
a besoin d'être secondé par le moi
qui va accomplir des actes conscients en accord avec les exigences de
la société humaine.
Prenons
l'exemple du phénomène que Freud appelle "sublimation".
Par là, le moi
va
désirer faire du sport, faire des études, faire de la politique,
etc., autant d'activités valorisantes et valorisées dans notre
société. Le moi
va
donc mettre en oeuvre des stratégies plus ou moins rationnelles,
mais toujours conscientes pour atteindre des buts précis : battre un
record, décrocher un diplôme, se faire élire lors d'un scrutin,
etc. Mais ce que le moi
ignore,
c'est qu'en réalité, il ne fait qu'accomplir des actes qui sont
dictés par la nécessité pour le ça
de
satisfaire des pulsions agressives et/ou sexuelles que la société
interdit de satisfaire. Aussi, en pratiquant ces activités
socialement valorisantes et valorisées, le moi
éprouve du plaisir, ce qui est la preuve que des pulsions sont
satisfaites. Et comme il n'existe pas de pulsion de sport ou de
pulsion d'étude ou de pulsion de politique, mais seulement des
pulsions correspondant à des besoins naturels et impérieux du
corps, le plaisir éprouvé par le moi
conscient
en faisant du sport est l'indice de la satisfaction des pulsions
enfouies dans le ça.
On
pourrait en dire autant d'un autre phénomène que Freud a beaucoup
étudié : le rêve. Lorsque le moi
conscient
se rappelle, au réveil, un rêve agréable, il ne se souvient que
d'un climat étrange et plaisant. Le moi
raconte
son rêve et rit de son incongruité (ce que Freud appelle "le
contenu manifeste" du rêve). Mais ce qu'il ignore, c'est,
encore et toujours, qu'il a probablement, à travers le rêve,
satisfait une pulsion inconsciente sur l'ordre du ça
(ce que Freud appelle "le contenu latent", du latin latens,
"ce qui se cache").
Dans
tous les cas, qu'il s'agisse de rêve ou de sublimation, on voit donc
bien que le moi
n'est que le jouet du ça.
Cette thèse de Freud a fait (et fait encore aujourd'hui) scandale,
puisqu'elle revient à dire, contre la plupart des philosophes
(notamment Platon ou Descartes)
-
que la conscience (le moi)
n'est pas libre mais déterminée par l'inconscient (le ça)
-
que le moi
conscient
est toujours dupé par le ça
inconscient
-
que je ne suis pas essentiellement moi
mais
que je suis ça
-
que la différence entre l'homme et l'animal est finalement très
mince.
Or,
dans la mesure où nous avons dit que le moi
conscient devait tenir compte des aspirations, non seulement du ça
inconscient, mais aussi des autres moi
conscients, ne doit-on pas dire que le moi
conscient est également le jouet des règles sociales ?
"[Dans
cette tâche, le moi est puissamment aidé par] le surmoi
qui est le dépositaire de la conscience morale et qui dérive de
l’influence exercée par les parents et les éducateurs."
Freud
termine en précisant que la subordination du moi
conscient
au ça
inconscient
se double d'une subordination à une troisième instance psychique,
largement inconsciente elle aussi, le surmoi.
En effet, comme son nom l'indique, le surmoi
a pour fonction de contrôler le moi,
mais pas dans le même sens que le ça.
Car si le ça
est la partie obscure de notre personnalité dont la fonction est de
satisfaire les pulsions, le surmoi
est
plutôt la partie obscure de la société. C'est-à-dire que le ça
et
le moi
sont
les deux aspects, l'un inconscient, l'autre conscient, de notre
personnalité. Tandis que le surmoi
est, nous dit Freud, le résultat de l'intériorisation psychique de
toutes les règles sociales. Autrement dit, le surmoi
est
l'ambassadeur de la société, tout comme le moi
est
l'ambassadeur du ça.
Ou, pour faire une autre analogie, si le moi
est
l'ambassadeur du chef d'État (le ça),
le surmoi
est
l'ambassadeur du pays ennemi (la société) auprès du chef d'État.
Ce qui veut dire que le moi
conscient est tributaire, non seulement du ça
inconscient et de sa loi naturelle (le principe de plaisir), mais
aussi du surmoi
inconscient et de sa loi culturelle (le principe de réalité). Ce
qui réduit à presque rien l'autonomie réelle de la conscience.
Concrètement,
le surmoi
est
une instance psychique qui se constitue tout au long du processus
d'éducation par l'apprentissage de toutes les règles sociales.
Mais, comme l'éducation aux règles sociales est d'autant plus
efficace et durable qu'elle est plus précoce, on peut dire qu'elle
se construit en grande partie dans la toute petite enfance, et en
tout cas, bien avant l'émergence du moi
conscient.
Ce qui est une garantie d'efficacité, les règles ne pouvant être
jugées, critiquées, voire rejetées, mais au contraire étant
incorporées (du latin in
corpore,
"dans le corps"), c'est-à-dire inscrites dans les
habitudes corporelles les plus élémentaires (la partie
intellectuelle et consciente du surmoi,
ce qu'on appelle la "conscience morale", est à la fois
tardive et marginale par rapport à la masse des habitudes
inconscientes) : manger proprement, aller aux toilettes, se laver, se
vêtir, parler sa langue maternelle, être poli, aller à l'école,
avoir des horaires de repas et de sommeil, etc. Or, dans la mesure où
l'incorporation de ces règles sociales est le plus souvent
inconsciente, l'enfant les apprend par imitation de ses parents et de
ses éducateurs, et sans que ceux-ci soient obligés d'expliquer quoi
que ce soit, et même, souvent, de parler. Ce qui fait dire à Freud
que le processus d'éducation n'est pas une relation entre le moi
conscient des parents ou des éducateurs et le moi
conscient
de l'enfant, mais une relation
entre
le surmoi
inconscient des parents ou des éducateurs et le surmoi
inconscient
de l'enfant.
Quant
aux relations que le surmoi
entretient
avec le moi
et
avec le ça,
on peut les résumer en disant que le surmoi
est
ce que Freud appelle "une instance de censure". Ce qui veut
dire que le surmoi
(le représentant de la société) va en quelque sorte s'interposer
(inconsciemment) entre les pulsions éprouvées par le ça
et la satisfaction de celles-ci par le moi.
Deux cas limites peuvent alors se présenter (entre les deux
extrêmes, il y a bien entendu une infinité de cas possibles)
-
si la pulsion n'entre pas en conflit avec les règles sociales (par
exemple, j'ai soif, et il n'est pas interdit de boire), le surmoi
autorise
la pulsion à être satisfaite par un comportement conscient du moi
(je
passe devant une fontaine, je me dirige consciemment vers elle et je
bois)
-
en revanche, si la pulsion entre en conflit avec les règles sociales
(c'est le cas le plus souvent pour les pulsions sexuelles et les
pulsions agressives, notamment ce que Freud appelle le complexe
d'Oedipe
et qui est une double pulsion à la fois d'inceste à l'égard du
parent de sexe opposé et de meurtre à l'égard du parent de même
sexe, et que tout enfant éprouve à un stade précoce de son
développement), le surmoi
censure la pulsion, il la refoule dans le ça,
lui interdisant alors à la fois de devenir consciente et, surtout,
d'être satisfaite.
C'est
évidemment le deuxième cas qui est le plus intéressant. Car
lorsqu'une pulsion est refoulée par le surmoi,
certes, cela veut dire que les règles de la société n'autorisent
pas sa satisfaction. Or la pulsion refoulée n'est nullement
supprimée, car le ça
exige
sa satisfaction. Le rôle du surmoi
va
donc être alors de différer la satisfaction des pulsions les plus
problématiques, à la fois dans le temps (une pulsion ne se
satisfera pas forcément au moment où elle se manifeste) et dans la
manière (une pulsion sexuelle ou agressive ne se satisfera pas
forcément sous une forme sexuelle ou agressive). Bref, la fonction
essentielle du surmoi
va
être de trouver un compromis au nom du principe de réalité en
forçant le moi
conscient
à satisfaire symboliquement (indirectement) les pulsions refoulées
dans le ça,
par exemple sous la forme du rêve ou de la sublimation dont on a
parlé plus haut. Le cas le plus dramatique survient lorsque tout
compromis est impossible entre le ça
et le surmoi.
Car
alors les pulsions refoulées se manifestent par une frustration
(rappelons qu'une pulsion signale un besoin du corps) qui, si aucune
solution n'est trouvée, dégénère en véritable souffrance dont le
moi
conscient
ignore l'origine : c'est la névrose.
Et
si la psychanalyse a été inventée par Freud, ce n'est pas
simplement pour comprendre, c'est aussi pour soigner ces névroses en
tentant de réconcilier ces trois instances de notre psychisme que
sont le ça,
le surmoi
et le moi,
donc pour tenter de réconcilier la part naturelle de notre
personnalité (le ça)
avec ses parts culturelles (le moi
et
le surmoi).
1Pour
comprendre l'explication qui va suivre, il est préférable d'avoir
sous les yeux le schéma dynamique des phénomènes psychiques chez
Freud.