Les relations de l'âme et du corps (que
les anglo-saxons nomment mind-body problem)
constituent l'un des sinon le thème le plus souvent discuté(s)
dans l'histoire non seulement de la philosophie occidentale mais,
sans doute aussi, de la pensée humaine en général. Malgré cela ou
peut-être à cause de cela, c'est un thème dont le traitement est
philosophiquement souvent peu satisfaisant, tant il est vrai que l'on
s'est toujours et que l'on continue encore à se heurter, lorsqu'on
l'évoque, à l'une au moins de ces deux constats d'évidence. Pour
les uns, les dualistes classiques (par exemple le sociologue
français du début du XX° siècle Émile Durkheim), il est évident
qu'en tout temps, en tout lieu, dans toute culture, toute
civilisation, les hommes se sont toujours sentis participer de ces
deux êtres hétérogènes que sont respectivement l'âme et le
corps1.
Pour les autres, les monistes2
classiques (par exemple le neuro-scientifique français
contemporain Jean-Pierre Changeux), il est tout aussi évident que
cette distinction corps/esprit est une manière archaïque de
s'exprimer qui repose sur des superstitions que l'avancée triomphale
de la science moderne se fait fort de dissiper. Je
vais tenter de montrer que le monisme classique a
tort de considérer le dualisme comme
un tissu de superstitions mais que, de
son côté, le dualisme
classique se méprend en
traitant le corps et l'esprit
comme deux "êtres hétérogènes"3.