En
réponse à la question d'un journaliste lui demandant pourquoi il
considérait que l'État d'Israël était l'agresseur bien que ce fût
l'Égypte qui, militairement, déclencha la Guerre des Six Jours, le
Général de Gaulle exprima une position restée célèbre :
"l'établissement
entre les deux guerres mondiales, car il faut remonter jusque là,
l'établissement d'un foyer sioniste en Palestine, et puis après la
deuxième guerre mondiale, l'établissement d'un État d'Israël
soulevait à l'époque un certain nombre d'appréhensions. On pouvait
se demander, en effet, et on se demandait, même chez beaucoup de
Juifs, si l'implantation de cette communauté sur des terres qui
avaient été acquises dans des conditions plus ou moins justifiables
et au milieu des peuples arabes qui lui sont foncièrement hostiles,
n'allaient pas entraîner d'incessants, d'interminables frictions et
conflits. Et certains même redoutaient
que les Juifs, jusqu'alors dispersés, et qui étaient restés ce
qu'ils avaient été de tout temps, c'est-à-dire un peuple d'élite,
sûr de lui-même et dominateur, n'en viennent une fois qu'ils
seraient rassemblés dans les sites de son ancienne grandeur, n'en
viennent à changer en ambition ardente et conquérante les souhaits
très émouvants qu'ils formaient depuis 19 siècles"(de
Gaulle, Conférence
de Presse,
27/11/67)1.
Peut-être le général pressentait-il déjà que la Résolution 242
du Conseil de Sécurité de l'O.N.U., adoptée à
l'unanimité cinq
jours auparavant et exigeant notamment
le
"retrait
des forces armées israéliennes des territoires occupés au cours du
récent conflit [et la] fin de toute revendication ou
de tout état de belligérance, [le] respect et [la]
reconnaissance de la souveraineté, de l'intégrité
territoriale et de l'indépendance politique de chaque État de la
région et de son droit de vivre en paix à l'intérieur de
frontières sûres et reconnues, à l'abri de menaces ou d'actes de
violence"2
resterait lettre morte.
De fait, les
violences
exercées
par les forces sionistes contre les voisins arabes depuis la
Déclaration
Balfour
de 19173
et devenues
des actes de guerre officiels
après
la création de l'État d'Israël le 14 mai 1948,
n'ont fait que croître et, si l'on ose dire, embellir, confirmant
hélas les craintes du général.
J'essaierai,
pour
ma part,
de montrer la
justesse de cette
vision du sionisme
lequel,
effectivement, a bien fini par "changer
en ambition ardente et conquérante les souhaits très émouvants
qu'ils [les Juifs]
formaient depuis 19 siècles".
À la lumière de quoi je tâcherai de montrer
que les
réactions indignées auxquelles cette position a donné lieu à
l'époque et, plus
encore,
la
fascination qu'exerce aujourd'hui sur les media
occidentaux
dominants la
nature ambiguë, tout à la fois post-romantique et agressive
du sionisme,
tiennent à ce que le sionisme, loin de n'être qu'une banale
idéologie, est le paradigme du capitalisme mondialisé.