Un
certain Michel Onfray,
dont
on trouve les
ouvrages dans
les rayons "philosophie" des librairies mais qui est, à
l'évidence,
plus
soucieux de renommée médiatique que de rigueur argumentative,
prétend que
"Freud
prend ses désirs pour la réalité et assène que ce qu'il affirme
est vrai pour le monde entier du simple fait qu'il l'affirme. La
méthode n'est guère scientifique, convenons-en ...
[Par ailleurs] la
psychanalyse guérit autant que l'homéopathie, le magnétisme, la
radiesthésie, le massage de la voûte plantaire ou le désenvoûtement
effectué par un prêtre, sinon la prière devant la grotte de
Lourdes. La présence de nombreuses béquilles accrochées à Lourdes
en témoignage du pouvoir de Bernadette Soubirous en apporte la
démonstration : les guérisons psychosomatiques existent, mais
elles ne sont pas la preuve de l'existence de Dieu ni celle que le
Christ est ressuscité des morts le troisième jour, encore moins de
la résurrection de la chair... On sait aujourd'hui que l'effet
placebo constitue 30% des guérisons d'un médicament. Pourquoi la
psychanalyse échapperait-elle à cette logique ?"(interview
donnée au Nouvel
Observateur
le 22 avril 2010)1.
Nous
ne relèverions pas de tels propos dont
l'outrance
inepte
a, par
ailleurs, copieusement été
analysée
et dénoncée
par nombre d'authentiques connaisseurs
de l’œuvre
de
Freud, s'ils ne nous semblaient résumer
un
procès en sorcellerie très
main
stream
qui repose
sur le
préjugé selon lequel la psychanalyse n'étant pas une science, elle
serait
inutile dans le meilleur des cas et, au pire, nuisible.
Aussi
prenons-nous le parti d'ouvrir à nouveaux frais le "dossier"
Freud en en confiant l'instruction à quelques
uns de ses grands prédécesseurs et
de ses lecteurs les plus perspicaces. Ils
nous montreront que, si les thèses freudiennes sont manifestement
plus proches de
classiques assomptions
métaphysiques que d'hypothèses scientifiques, elles sont loin
pourtant d'être dénuées de valeur dans la mesure où, d'une part,
elles ont profondément remanié les fondements de la psychologie
mais
aussi,
d'autre part, elles s'accompagnent d'une katharsis
thérapeutique qui s'inscrit dans une tradition pluri-millénaire.
Dans
cet article, nous analyserons successivement la métapsychologie et
la psychanalyse freudiennes de trois points de vue différents mais
(pensons-nous) complémentaires : épistémologique,
grammatical, esthétique.
Commençons
donc par sacrifier
à cette
figure imposée par
le
scientisme2 bien
pensant :
mettre
en doute la scientificité
de
la métapsychologie3
freudienne.
Il est de notoriété publique que Sigmund Freud a lui-même baigné
dans cette atmosphère scientiste
qui
imprègne
la Vienne du début du XX° siècle comme d'ailleurs, toutes les
grandes places intellectuelles en Europe, et
que, encouragé par une tradition familiale de vénération
typiquement juive pour la connaissance intellectuelle, il va
entreprendre
des
études médicales et manifester
son
intérêt
pour
l'anatomo-pathologie. Malgré
tout, poussé par les
difficultés
matérielles,
il abandonne très vite la recherche pour l'exercice pratique
de la médecine. C'est
alors qu'il est confronté, sous la direction de Charcot, puis de
Breuer, à un type de patient très particulier : les
hystériques,
c'est-à-dire ceux qui disent éprouver une souffrance et
qui manifestent des troubles du comportement auxquels,
cependant, aucune cause organique ne semble devoir être assignée.
Insatisfait
du traitement de ces patients par la seule hypnose au motif qu'elle
ne vise que les
symptômes, Freud
se demande alors s'il ne serait pas possible de parvenir à
la racine
de ces symptômes.
De
là, il est amené à conjecturer
que lesdits
symptômes
ont probablement
des
causes mentales4,
ce
qui, pour lui, veut dire
non-physiques
mais
non pas immatérielles.
Nous y reviendrons.
Et, du
fait que les
malades sont incapables d'identifier
de telles "causes" par introspection,
Freud infère
qu'ils doivent concerner une partie inconsciente du mental.
Des souffrances dont l'origine est probablement à la fois mentale
et inconsciente,
telle est la définition des symptômes névrotiques.
Les
conditions d'émergence de ce qui va devenir sa
métapsychologie
puis
sa
psychanalyse
sont alors réunies. Disons
d'abord deux mots sur la forme de l'inférence
conduisant
Freud à conjecturer des causes mentales
inconscientes
comme origine probable des névroses. C'est, typiquement,
ce que Charles Sanders Pierce appelle
"abduction" et qui, contrairement à l'induction
par
laquelle on avance
une conclusion à titre d'hypothèse
sur la base d'une généralisation empirique de
faits observés (a1
est
b ;
a2
est b ;
a3
est
b ;
… an
est
b
donc,
probablement, tous les a
sont
b),
consiste
à introduire une prémisse à titre d'hypothèse afin de
rationaliser une observation (soit b,
or
b
est
incompréhensible à moins qu'il soit causé par a,
je pose donc a
comme
hypothèse5).
C'est
exactement ainsi que procède Freud lorsqu'il
déclare que "l’hypothèse
de l’inconscient est nécessaire parce que les données de la
conscience sont extrêmement lacunaires : aussi bien chez l’homme
sain que chez le malade, il se produit fréquemment des actes
psychiques qui, pour être expliqués, présupposent d’autres actes
qui, eux, ne bénéficient pas du témoignage de la conscience [...].
Tous ces actes conscients demeurent incohérents et incompréhensibles
si nous nous obstinons à prétendre qu’il faut
bien percevoir par la conscience tout ce qui se passe en nous en fait
d’actes psychiques. Mais ils s’ordonnent dans un ensemble dont on
peut montrer la cohérence, si nous interpolons les actes
inconscients inférés"(Freud,
Métapsychologie).
Freud
parle donc d'"interpolation" là où nous parlons
d'"abduction". Fort
bien. Mais
quid
de
la scientificité de cette
méthode ?
Il
est évident que c'est là une démarche intellectuelle éminemment
créative, et, à
ce titre,
fréquemment utilisée dans l'histoire des sciences : Copernic
inférant l'héliocentrisme, Le Verrier conjecturant l'existence de
la planète Neptune, etc., hypothèses
qui
seront,
par
suite,
expérimentalement
confirmée,
la première par Galilée, la seconde par Galle. D'où l'idée,
désormais
classique,
qu'"une
science proprement dite [...] exige une partie pure sur laquelle se
fonde la partie empirique et qui repose sur la connaissance a
priori
des choses de la nature. Or, connaître une chose a priori signifie
la connaître d’après sa simple possibilité. [...] Ainsi,
connaître la possibilité de choses naturelles déterminées [...] a
priori,
exige que l’intuition sensible correspondant au concept soit donnée
a
priori,
c’est-à-dire que leur concept soit construit. Or la connaissance
rationnelle par la construction des concepts, c’est la mathématique
[...]. Par suite, tant qu’on n’aura pas trouvé de concept se
rapportant aux actions chimiques des matières les unes sur les
autres, qui puisse se construire, [...] la chimie6
ne saurait être qu’une pratique systématique ou une théorie
empirique, mais jamais une science à proprement parler"(Kant,
Premiers Principes Métaphysiques de la
Science de la Nature,
IV, 470).
En
disant cela,
Kant met
à mal
le
vieux dogme
rationaliste
d'une soi-disant incompatibilité
scientifique
entre
la légitimité de la démonstration a
priori et
l'illégitimité de l'induction a
posteriori.
Pour lui, la confirmation inductive de l'hypothèse est
scientifiquement valide dès lors
que
la
mathématisation a
priori et
la confirmation a
posteriori sont
liées dans l'exacte
mesure où celle-ci est exigée
et conduite par celle-là7.
Car,
insiste Kant, "des
observations faites au hasard et sans aucun plan tracé d’avance ne
se rassemblent pas en une loi nécessaire, ce que recherche pourtant
la raison et dont elle a besoin"(Kant,
Critique
de la Raison Pure,
III, 10) : c'est
donc la mathématisation a
priori de
la construction d'hypothèses qui est seule fondée à garantir
l'universalité et la nécessité d'une
théorie scientifique, c'est-à-dire d'un corpus
d'hypothèses
confirmées par
une expérimentation consistant
à effectuer les
mesures
prédites
par leur structure mathématique.
De
ce point de vue,
si
on veut dénier à la
métapsychologie
freudienne
un
statut scientifique, ce
ne sera pas en disant que
la formation des hypothèses
est abductive
au
lieu d'être inductive,
mais
plutôt en
objectant que
son abduction
ne
procède pas, a
priori,
d'une construction mathématisée comme
c'est le cas, par exemple, chez un Copernic ou un Le Verrier. Mais
alors, pourquoi Freud qui,
par
sa
formation scientifique et ses
affinités intellectuelles n'ignore
rien
de cette
exigence,
affirme-t-il
néanmoins que "notre
hypothèse d’un appareil psychique spatialement étendu composé de
façon approprié, développé par les besoins de la vie qui ne donne
naissance qu’à un endroit déterminé et dans certaines conditions
aux phénomènes de la conscience, nous a mis en position d’ériger
la psychanalyse sur un fondement semblable à n’importe quelle
autre science de la nature, comme par exemple la physique"(Freud,
Abrégé
de Psychanalyse) ?
Bref,
comment
expliquer qu'il s'évertue à ériger
ses thèses sous
la forme de ce
que Kant appellerait des "lois universelles de la nature",
celle-ci se réduisît-elle à la "nature humaine" ?
On
peut être
tenté de
répondre que
Freud était
un mégalomane,
un escroc,
un
cynique, un manipulateur, etc., tentation à laquelle
la
plupart
des
détracteurs de Freud ont
succombé.
Mais
si
on veut être rationnel
jusqu'au bout, si on veut conduire une critique authentiquement
scientifique
de
l’œuvre de Freud, alors il importe d'adopter ce que les
pragmatistes
appellent
le
charity
principle et
qui s'énonce de la manière suivante : "supposons
qu’on prétende que certains indigènes sont disposés à accepter
comme vraies certaines phrases traduisibles dans la forme ‘p et
non-p’. Cette supposition est absurde au regard de nos critères
sémantiques […].
Une traduction malicieuse peut rendre les locutions indigènes aussi
étranges que l’on veut. Une meilleure traduction leur imposera
notre logique […].
La maxime de traduction qui est à la base de tout ceci, c'est qu'il
est probable que les assertions manifestement fausses à simple vue
fassent jouer des différences cachées de langage […].
La vérité de bon sens qu'il y a derrière cette maxime, c'est que
la stupidité de notre interlocuteur, au-delà d'un certain point,
est moins probable qu'une mauvaise traduction"(Quine,
le
Mot et la Chose,
§13). Quine nous dit qu'il
n'est pas rationnel
de
supposer, d'emblée,
l'irrationalité8
de l'interlocuteur qu'on
ne comprend pas et
qu'il est, au
contraire,
rationnel
de
penser que ledit interlocuteur est rationnel
mais
qu'on ne le comprend pas parce qu'on le traduit mal et qu'on le
traduit mal parce qu'"il
est probable que les assertions manifestement fausses à simple vue
fassent jouer des différences cachées de langage".
A
fortiori lorsqu'il
s'agit, non pas d'une affirmation isolée, mais d'un corpus
d'énoncés
qui, de plus, se prétendent scientifiques. Alors,
appliquons
le charity
principle et
demandons-nous quelles
peuvent bien être ces "différences cachées", en
d'autres termes ces prémisses implicites,
qui pourraient nous amener à "retraduire"
la
métapsychologie freudienne
dans un idiome rationnel
et
scientifique
au
sens le plus classiquement kantien de
ces termes.
Reprenons
donc les deux critères de
scientificité avancés
par
Kant.
Premier critère : la mathématisation a
priori des
hypothèses comme
garantie, a
posteriori,
d'objectivité
universelle et nécessaire.
Pour Kant, un jugement apodictique
(universel et nécessaire) est aussi, nécessairement, assertorique
autrement
dit, non-hypothétique.
En d'autres termes, une conclusion scientifique,
en tant qu'elle est censée valoir pour tous
les
objets d'un certain
domaine
de définition, ne saurait valoir qu'assortie du plus haut degré
possible de certitude. Or
nous savons depuis
peu9
que
parmi les axiomes de la physique quantique, il
y a,
entre
autres,
le principe d'incertitude (ou d'indétermination) de Heisenberg qui
pose une limite à la précision avec laquelle on peut prédire
la mesure
de
certaines
propriétés physiques d'une particule :
"les
prédictions concernent toujours les éléments de définition d'un
modèle classique : position, vitesse, énergie, moment
cinétique, etc. Mais le seul trait non classique, c'est que seules
les probabilités peuvent faire l'objet de prédictions"
(Schrödinger, Physique
Quantique et Représentation du Monde).
Étant
entendu que ce
n'est pas l'ignorance
relative du sujet
de la connaissance à
l'égard de son objet
d'étude
qui rend la
prédiction probable
plutôt
que certaine,
mais que c'est l'objet
même
de la connaissance qui est, dans une certaine mesure, indéterminable.
C'est
ce que Popper
appelle
les "propensions" :
"j'ai
essayé
de combattre le subjectivisme en introduisant l'interprétation des
probabilités par la propension [...]. L'idée principale était que
les propensions pouvaient être considérées comme des réalités
physiques. C'étaient des mesures de dispositions"(Popper,
la
Quête Inachevée).
La
physique quantique ne
se contente d'ailleurs pas de l'abandon du dogme kantien de la
certitude
scientifique mais va jusqu'à remettre
en question
celui
d'objectivité
scientifique. D'une part, en effet, "sous
le choc de nos méthodes raffinées d'observation et de nos méthodes
d'interprétation des résultats d'expérience, cette mystérieuse
frontière entre le sujet et l'objet s'est effondrée"
(Schrödinger, Physique
Quantique et Représentation du Monde),
autrement
dit la
présence du sujet observant et de son appareillage d'observation
modifie
nécessairement la nature de l'observation.
D'autre
part "il
est hors de doute que la question de l'individualisation, de
l'identité [des atomes], n'a vraiment et réellement aucune
signification [...]. Dans les corps tangibles, composés d'atomes,
l'individualité provient de la structure, de l'assemblage, de la
figure ou de la forme, ou encore de l'organisation comme nous
pourrions dire dans d'autres cas"(Schrödinger,
Physique
Quantique et Représentation du Monde),
bref, l'idée même d'objet
observé devient presque un non-sens. À
la limite même,
le principe selon
lequel affirmer qu'un objet o
est
simultanément p
et
non-p
(principe
de contradiction) est la meilleure preuve de l'inexistence de cet
objet,
et
que Quine, nous l'avons dit, considère comme le principe de base de
toute forme de rationalité, ce principe peut être violé par la
physique quantique.
Par exemple, dans l'expérience de pensée dite du "chat de
Schrödinger"10,
"la
fonction Ψ11
de
l'ensemble [chat
+ appareil expérimental] s'exprimerait
de la façon suivante : le chat vivant et le [même] chat mort
sont mélangés ou brouillés en proportions égales"(Schrödinger,
Physique
Quantique et Représentation du Monde).
Autrement
dit, non seulement on ne peut prédire
qu'une particule quantique possède telle ou telle propriété qu'au
moyen d'une probabilité,
mais encore il n'est nullement exclu que ladite particule, en même
temps possède et
ne
possède pas la propriété en question. Cela
dit, le principe de contradiction y demeure la règle
dans
la confirmation expérimentale (c'est l'acte de mesurer qui fait
advenir réellement
la
propriété p
plutôt
que non-p),
il n'y est fait exception
que
dans la prédiction (puisque la propension
est
un état de l'objet et non du sujet de la connaissance, p
et
non-p
y
coexistent a
priori)12.
À
travers de telles précisions,
il n'est pas question pour nous de proposer la
moindre
analogie
entre la métapsychologie
freudienne
et la mécanique quantique13,
et
d'autant
moins
que
la
structure mathématique a
priori bien
présente14
en celle-ci, fait cruellement
défaut à celle-là. Il s'agit juste d'objecter que les
affirmations de Freud selon laquelle "l'analyste
se refuse à définir l'inconscient, mais il peut mettre en évidence
le groupe de phénomènes dont l'observation lui fait postuler
l'existence de cet inconscient"(Freud,
le
Mot d'Esprit dans ses Rapports avec l'Inconscient)
ou
selon laquelle "le
transfert est un phénomène humain général, […] il domine toutes
les relations d’une personne donnée avec son entourage humain […]
: le transfert n’est que la reproduction de relations affectives
émanant de ses plus précoces investissements remontant à la
période refoulée de l’enfance"(Freud,
ma
Vie et la Psychanalyse),
ou
encore selon laquelle
"le
ça
tend seulement à satisfaire les besoins pulsionnels, en se
conformant au principe de plaisir. Les processus qui s’y déroulent
n’obéissent pas aux lois logiques de la pensée : pour eux, le
principe de contradiction n’existe pas"(Freud,
Nouvelles
Conférences sur la Psychanalyse),
de
telles affirmations
n'ont rien d'intrinsèquement irrationnel
et, partant, d'anti-scientifique
au
regard d'une rationalité
scientifique élargie
à ces trois
prémisses implicites :
1) la fiabilité
d'une
prédiction scientifique
n'est
jamais
absolument certaine ;
2) les
notions de sujet
et d'objet
sont,
même en science, des problèmes et non des évidences
;
3)
le
principe de contradiction ne
concerne, en toute rigueur, que l'expérimentation
réelle
alors que la construction du possible a
priori peut,
dans certains cas, s'en affranchir.
Deuxième
critère kantien
:
la confirmation a
posteriori
des hypothèses comme garantie de communicabilité universelle
des
résultats entre les hommes. En
définissant le "réel
[comme] ce
qui s’accorde avec les conditions matérielles de l’expérience,
à savoir la sensation [...]. La connexion avec le réel est
déterminée suivant les conditions générales de l’expérience
possible"(Kant,
Critique
de la Raison Pure,
III, 185-186), Kant entendait
immuniser la connaissance scientifique contre les doutes sceptiques
humiens15
concernant
la valeur prédictive de l'induction comme
généralisation d'une observation empirique conforme à une
hypothèse donnée :
"de
la simple répétition d’événements passés, fût-elle à
l’infini, il ne naîtra jamais aucune idée [...] de connexion
universelle et nécessaire"(Hume,
Traité
de la Nature Humaine,
I, iii, 6). Pour
Kant,
il s'agissait de réhabiliter l'idée naïve de confirmation
empirique comme juge en dernier recours de la validité d'une
hypothèse. Popper va
en
revenir à
Hume, quoique pour des raisons plus logiques qu'épistémologiques,
en disant que les hypothèses scientifiques, quelle que soit leur
robustesse a
priori,
ne peuvent être confirmées
mais
seulement réfutées16 :
"la
réfutabilité, au sens du critère de démarcation [entre
science et non-science] ne
désigne rien de plus qu'une relation logique entre la théorie en
question et la classe des énoncés de base, ou celle des événements
décrits par ces énoncés : les réfutateurs
potentiels"(Popper,
le
Réalisme et la Science).
En
effet, une théorie scientifique est
censée valoir
universellement
dans le sens où elle est toujours de la forme "pour tout x
appartenant
à un domaine D,
f(x)"
(par exemple, pour tout objet possédant une masse, cet objet est
soumis à la loi
de la gravitation).
Or un énoncé universel
("pour
tout x
…")
ne peut être confirmé,
puisqu'il
faudrait pour cela un
processus infini portant
sur "tous" les x.
En conséquence, un tel énoncé ne peut, en toute rigueur, qu'être
réfuté
puisqu'un seul cas défavorable suffit, en principe, pour nier la
clause
"pour tout x".
D'où
l'idée que "l’attitude
scientifique [...] ne recherch[e] pas des vérifications, mais des
expériences cruciales. Ces expériences p[euv]ent bien réfuter la
théorie soumise à l’examen ; mais jamais elles ne pourraient
l’établir […]. Les théories scientifiques, si elles ne sont pas
réfutées, restent toujours des hypothèses ou des
conjectures"(Popper,
la
Quête Inachevée).
Notre
problème est donc, à présent, de savoir si la
métapsychologie
freudienne
est de nature à pouvoir être réfutée
par
confrontation de
ses thèses avec une forme quelconque d'expérience cruciale. Cela
a été le cas au
moins une fois lorsque
Freud
écrit qu'"il
a été soutenu dans la littérature psychanalytique que le
paranoïaque lutte contre un renforcement de ses tendances
homosexuelles, ce qui au fond se ramène à un choix objectal
narcissique. On s’est rendu compte plus tard que le persécuteur,
au fond, est l’aimé ou celui qui a été aimé. De la synthèse de
ces situations, il se dégagea que le persécuteur doit être du même
sexe que le persécuté […]. Mais le cas actuel semblait, au
contraire, s’y opposer en plein. La jeune fille, lorsqu’elle
transforme directement son amoureux en persécuteur, paraît bien
écarter l’amour pour un homme ; d’une influence féminine,
d’une opposition à une liaison homosexuelle, rien ne semble
paraître ici"(Freud,
un
Cas de Paranoïa contredisant la Théorie Psychanalytique de cette
Affection).
Sauf
que ce genre d'aveu est, il
faut bien le reconnaître,
assez rare dans le corpus
freudien,
au point que les
mauvaises langues diront que c'est là l'exception qui confirme la
règle d'un dogmatisme hermétique à
tout enseignement de l'expérience. Toutefois,
l'applicabilité
du
critère poppérien de réfutabilité
des hypothèses scientifiques est-il aussi infaillible
qu'il en a l'air ? De l'aveu même de Popper, "la
réfutabilité, au sens du critère de démarcation, ne signifie pas
qu'une réfutation puisse être obtenue en pratique ou que, si on
l'obtient, elle soit à l'abri de toute contestation. […] Il est
absolument impossible de prouver de manière décisive qu'une théorie
scientifique empirique est
fausse. […] Il est toujours possible de trouver certains moyens
d'échapper à la réfutation, par exemple en introduisant une
hypothèse auxiliaire ad
hoc
[…] ; on ne peut jamais réfuter une théorie de manière
concluante"(Popper,
le
Réalisme et la Science).
Bref,
si une hypothèse scientifique ne se confirme
pas,
il reste que sa réfutation
est
toujours plus
ou moins problématique.
Ce que confirme Quine : "on
peut, en cas d’expérience récalcitrante, soit modifier certains
énoncés théoriques, soit
préserver
la vérité de la théorie en alléguant une hallucination
[…].
On peut
toujours préserver la vérité de n’importe quel énoncé à
condition d’effectuer les réajustements qui s’imposent"(Quine,
les
deux Dogmes de l’Empirisme,
vi). Il
faut reconnaître que Freud utilise
assez souvent ce type d'argument pour désamorcer,
par avance, toute tentative de
réfutation
de ses
thèses
par
les faits. Par exemple lorsqu'il invoque la "résistance
qui fait que le malade se cramponne à sa maladie et, par là, lutte
contre son propre rétablissement"(Freud,
sur
la Psychothérapie)
pour expliquer que ce n'est pas
la
psychothérapie qui échoue à guérir le patient mais le patient
lui-même qui la fait, inconsciemment,
échouer. Encore
une fois, ce type d'argument n'a rien d'irrationnel
ni
d'anti-scientifique
pour peu qu'on admette, à l'instar de Quine, que,
tout compte fait, il n'existe pas d'"expérience cruciale"
mais que "nos
énoncés sur la réalité extérieure affrontent le tribunal de
l’expérience non pas individuellement mais comme un corps
organisé"(Quine,
Méthodes
de Logique,
intro.). On
peut même aller plus loin et admettre, avec Feyerabend, que "l'idée
d'une méthode basée sur des principes rigides et immuables auxquels
il faudrait absolument se soumettre pour la conduite des affaires de
la science rencontre des difficultés lorsqu'elle se trouve
confrontée aux résultats de la recherche historique. Nous
constatons alors qu'il n'y a pas une seule règle, aussi plausible et
aussi bien fondée sur le terrain de l'épistémologie soit-elle, qui
n'ait été violée à un moment ou à un autre. Ces violations ne
sont pas des faits accidentels, elles ne proviennent pas d'une
connaissance insuffisante ou d'une étourderie qui aurait pu être
évitée. Au contraire, elles sont nécessaires au
progrès"(Feyerabend,
contre
la Méthode,
§1)17.
On
ne peut donc pas alléguer la réticence de Freud à chercher une
correspondance
de
ses thèses avec des faits conçus
comme des expériences cruciales pour en conclure à leur
non-scientificité.
Que
doit-on conclure de cette analyse épistémologique concernant la
scientificité
de la métapsychologie
freudienne ?
Essentiellement que ce
sont les
arguments utilisés par la
plupart des
détracteurs de Freud pour la lui refuser qui
n'ont,
manifestement,
rien de scientifique en
ce qu'ils
procèdent d'une interprétation
étroite
et dogmatique
de la rationalité scientifique
ignorant
les fondements logiques de l'épistémologie tout autant que les
développements récents de
l'histoire des sciences.
Est-ce à dire que nous devons donner
quitus
à Freud ?
Certainement pas. Tout
d'abord
parce que, nous l'avons vu, la métapsychologie
freudienne
est rétive à toute forme de mathématisation, fût-elle
probabiliste et statistique. Or,
nous
sommes convaincus, à l'instar de Quine,
que la
spécificité de
la
science "moderne"18
réside
dans sa rigueur et sa
précision,
lesquelles
"se
mesurent en partie19
à ce qu’elle comporte moins de propositions qui ne sont pas des
fonctions de vérité20.
Sur le plan théorique, l’élimination de ce genre d’énoncés de
l’édifice des mathématiques pures a été réalisée depuis déjà
longtemps"(Quine,
Logique
Elémentaire,
§9). Ensuite
parce que si Freud n'a eu de cesse de proclamer
le caractère scientifique de sa
métapsychologie,
il ne l'a jamais fait, à notre connaissance, sur la base des
critères de rationalité scientifique élargie
que
nous venons d'examiner, ce
dont
il
lui eût été loisible pourtant
de se prévaloir,
étant
donné la contemporanéité, voire la co-localité de l'émergence de
sa
métapsychologie
avec
la physique quantique21.
Cela
dit,
il
nous semble exister
d'autres arguments plus
solides pour refuser
à la métapsychologie
freudienne
toute valeur scientifique.
Le
premier consiste à constater
que Freud a tendance à écarter non seulement toute forme de
réfutation
expérimentale
mais encore toute forme de critique
conceptuelle,
donc
de remise en question de ce qui, inévitablement, prend alors
le
nom de "dogme".
Nous
admettons avec Popper que "l’attitude
scientifique [est] l’attitude critique"(Popper,
la
Quête Inachevée),
et
affirmer
comme le fait Freud, que
"l'hostilité
qu'on [lui]
témoigne et [s]on
isolement pourraient bien faire supposer qu'[il
a]
découvert les plus grandes vérités"(Freud,
sur
l'Origine de la Psychanalyse),
cela
doit, naturellement,
conduire à penser
que
les
"théories
psychanalytiques relèvent d'une tout autre catégorie. Elles sont
purement et simplement impossibles
à tester comme à réfuter. Il n'existe aucun comportement humain
qui puisse les contredire"(Popper,
Conjectures
et Réfutations).
Mais
alors, si les
"théories
psychanalytiques relèvent d'une tout autre catégorie",
de quelle catégorie peut-il bien s'agir ?
Popper,
en
se plaçant sur le terrain du positivisme
plutôt
que sur celui du strict
scientisme,
suggère deux
pistes de réflexion pour tenter de répondre à cette question.
Disons d'abord que, tandis
qu'un scientiste
évalue,
nous
l'avons dit,
toute activité intellectuelle
sur la base de sa plus ou moins grande proximité par
rapport à
la science
en
quoi il voit l'horizon
indépassable de tout espoir de progrès humain,
un positiviste
tient
surtout
à
maintenir une stricte démarcation entre science
et
non-science
mais
sans
établir nécessairement
de
hiérarchie entre ces deux domaines. C'est le cas, par exemple, de
Carnap lorsqu'il écrit
que "lorsque
quelqu'un affirme : "Il y a un Dieu", "L'inconscient
est le fondement originaire du monde", "Il y a une
entéléchie comme principe directeur du vivant", nous ne lui
disons pas "Ce que tu dis est faux", mais nous lui
demandons : "Qu'est-ce que tu signifies avec tes énoncés
?""(Carnap,
la
Conception Scientifique du Monde).
Ou
de Wittgenstein lorsqu'il soutient que "la
proposition montre ce qu'il en est des états de choses quand elle
est vraie. […] La
totalité des propositions vraies constitue la totalité des sciences
de la nature"(Wittgenstein,
Tractatus,
4.022-4.11). Pour l'un comme pour l'autre, il n'est pas question de
dire que les énoncés non-scientifiques
sont
dépourvus de valeur, mais juste
dépourvus de valeur
de vérité22,
ce qui,
nous l'avons vu, est très problématique s'agissant de la
métapsychologie
freudienne.
D'où l'inclination
des positivistes
à
verser les énoncés prétendant à la scientificité mais, de fait,
tout à la fois invérifiables et irréfutables, dans la catégorie
"métaphysique". C'est ce que fait, notamment, Wittgenstein
lorsqu'il dit que "la
méthode correcte en philosophie consisterait […]
quand
quelqu'un d'autre voudrait dire quelque chose de métaphysique, lui
démontrer toujours qu'il a omis de donner, dans ses propositions,
une référence
à certains signes"(Wittgenstein,
Tractatus,
6.53), une
"référence", c'est-à-dire une correspondance
empiriquement établie avec des entités réelles extérieures à la
proposition.
La
métapsychologie
doit-elle
alors
être
requalifiée en
métaphysique qui
s'ignore
?
Il
faut dire qu'elle
s'y
trouverait
en fort honorable compagnie. Relisons,
par exemple, ce passage où Freud dit que
"l'homme
croyait au début de ses recherches que son lieu de résidence, la
Terre, se trouvait immobile au centre de l'univers tandis que le
Soleil, la Lune et les planètes se mouvaient autour de la Terre
selon des trajectoires circulaires. […] La destruction de cette
illusion narcissique se rattache au nom et à l'œuvre de Nicolas
Copernic au XVI° siècle. [...] L'amour-propre humain avait subi là
sa première humiliation, l'humiliation cosmologique.
[...] Au cours de son évolution culturelle, l'homme s'érigea en
maître de ses co-créatures animales. Mais, non content de cette
hégémonie, il se mit à creuser un fossé entre leur essence et la
sienne. [...] Nous savons ce que les recherches de Charles Darwin
[...] ont mis il y a un peu plus d'un demi-siècle à cette
présomption de l'homme. [...] Or c'est la deuxième humiliation pour
le narcissisme humain, l'humiliation biologique.
[...] L'homme, même s'il est ravalé à l'extérieur, se sent
néanmoins souverain dans son âme propre. Quelque part dans le noyau
de son moi, il s'est créé un organe de surveillance qui contrôle
ses mouvements et actions propres pour voir si elles concordent avec
ses exigences. [...] Mais la psychanalyse a voulu instruire le moi
que la vie pulsionnelle de la sexualité ne peut être domptée
entièrement, et que les processus psychiques sont par nature
inconscients, au point qu'ils ne sont accessibles au moi et ne sont
soumis à celui-ci qu'à travers une perception incomplète et
illusoire. Ce qui revient à dire que le moi n'est pas le maître
dans sa propre maison. Voilà la troisième humiliation infligée au
narcissisme humain : l'humiliation psychologique"(Freud,
Inquiétante
Étrangeté).
Que
n'a-t-on glosé sur la mégalomanie d'un
Freud se
comparant
à un Copernic ou un Darwin ? Or, s'agissant, par exemple, de
Darwin (mais on pourrait, évidemment, en dire autant de Copernic),
"quelqu’un
a-t-il pu expérimenter le processus d’évolution dont parle
Darwin"(Wittgenstein,
Leçons
sur l’Esthétique,
III).
En
fait,
"le
darwinisme n’est pas une théorie scientifique testable mais un
programme métaphysique de recherche"(Popper,
la
Quête Inachevée,
xxxvii). Alors, pourquoi pas le freudisme, après tout ?
La
deuxième piste suggérée par Popper tient dans cette remarque
relativement anodine selon laquelle "quant
à l'épopée freudienne du Moi, du Ça et du Surmoi, on n'est pas
plus fondé à en revendiquer la scientificité que dans les cas de
récits qu'Homère avait recueillis de la bouche des dieux"(Popper,
Conjectures
et Réfutations).
Faut-il
voir de l'ironie ou
de la condescendance dans
le fait, pour
un épistémologue positiviste
comme
Popper,
de rapprocher la
métapsychologie
freudienne
des récits homériques ? Pas nécessairement.
Revenons
à Carnap : "ces
énoncés [...] ne sont en quelque sorte que l'expression d'un
sentiment de la vie. L'expression d'un tel sentiment de la vie
constitue à coup sûr une tâche importante de la vie. Mais le moyen
d'expression adéquat en est l'art, par exemple la poésie et la
musique"(Carnap,
la
Conception Scientifique du Monde).
Ce
qui fait écho à
Wittgenstein lorsqu'il déclare qu'"à
supposer que toutes les questions théoriques [scientifiques]
possibles soient résolues, les problèmes de notre vie demeurent
encore intacts"(Wittgenstein,
Tractatus,
6.52). Ce
qui rappelle
clairement que refuser d'accorder une valeur scientifique à un
corpus
ne
revient pas à refuser de lui accorder une valeur, bien au contraire.
Le
pragmatisme
de
Quine
va jusqu'à refuser tout critère décisif de démarcation et
postuler plutôt
une continuité entre mythe
et
science.
S'il reconnaît que "le
caractère de la réalité, c’est l’affaire de l’homme de
science"(Quine,
le
Mot et la Chose,
§6), autrement dit que
la science règne, effectivement, sur le domaine de la vérité,
en revanche,
"les
entités postulées par la science sont comparables, du point de vue
épistémologique, aux dieux d’Homère
[…].
Les
objets physiques comme les dieux ne trouvent place dans notre
conception que pour autant qu’ils sont culturellement postulés
[…].
Si
le mythe des objets physiques est supérieur à celui des dieux de
l’Olympe, c’est qu’il s’est révélé être un instrument
plus efficace"(Quine,
les
deux Dogmes de l’Empirisme,
vi). En
parlant de "mythe
des objets physiques",
il n'entend pas créer un oxymore, mais plutôt insister, à l'instar
de la physique quantique, sur ce que "les objets physiques comme
les dieux ne trouvent place dans notre conception que pour autant
qu’ils sont culturellement postulés"23
et
ce, pour des raisons essentiellement pragmatiques,
autrement dit qui sont orientées vers
la recherche de l'efficacité24
plutôt
que vers
la
vérité.
Après
avoir adopté une attitude
clairement
positiviste,
Wittgenstein
deviendra
pragmatiste25
lui
aussi en
appliquant à ce qu'on appelle "sciences"
le
même traitement qu'à l'égard de ce que l'on nomme "jeux",
à savoir que ce sont, dans les deux cas,
des
activités liées
entre elles par un "air de famille" (Familienähnlichkeit)26,
une
ressemblance,
plutôt que par un critère définitionnel
commun
qui les démarqueraient des
activités auxquelles on refuse ces
appellations. En
tout cas, dans
ce
climat
intellectuel viennois très
tolérant car, finalement,
très peu scientiste,
nous
aurons l'occasion d'apprécier la
pertinence
de la suggestion
poppérienne de mettre en
relation freudisme
et
mythologie.
Même
les adversaires les plus acharnés de Freud lui reconnaissent au
moins le mérite d'avoir, du
point de vue conceptuel, renouvelé
profondément le champ conceptuel de la psychologie dans
la mesure où
"la
psychanalyse se refuse à considérer la conscience comme formant
l'essence même de la vie psychique, mais voit dans la conscience une
simple qualité de celle-ci, pouvant coexister
avec d'autres qualités ou faire défaut"(Freud,
Essais
de Psychanalyse,
III).
Peu
de temps avant lui, Nietzsche avait
déjà
radicalement
remis en question le
mentalisme
de
la psychologie classique en des termes assez proches de ceux de
Freud : "cette
chose impérieuse que le vulgaire appelle "l'esprit" veut
dominer et se sentir le maître au-dedans de soi et autour de soi. Il
a la volonté de ramener la multiplicité à la simplicité, de
ligoter, de dompter, de dominer, une volonté vraiment souveraine.
Ses besoins et ses facultés sont les mêmes que les physiologistes
constatent chez tout ce qui doit vivre, croître et
multiplier"(Nietzsche,
par-delà
le Bien et le Mal,
§230). Nietzsche
ouvre la voie au béhaviorisme
en
rattachant la psychologie à la "physiologie" au
sens où, comme
l'indique Politzer, "seul
le comportement et son mécanisme observé du dehors peuvent
intéresser le béhavioriste"(Politzer,
Critique
des Fondements de la Psychologie).
Mais
il signale immédiatement le revers de la médaille : "alors,
la psychologie est tellement objective qu'elle se noie, pour ainsi
dire, dans l'objectivité, et tout ce que le béhaviorisme
pourrait nous enseigner serait de l'ordre de la mécanique
animale"(Politzer,
Critique
des Fondements de la Psychologie).
Le
béhaviorisme
auquel
Politzer fait allusion est, effectivement, un mouvement de révolte
contre les deux présupposés fondamentaux de toute la psychologie
cartésienne
et
que sont, d'une part le dualisme
substantiel âme/corps ("ce
moi, c'est-à-dire l'âme par laquelle je suis ce que je suis, est
entièrement distincte du corps, et même qu'elle est plus aisée à
connaître que lui"
- Descartes, Discours
de la Méthode,
IV),
d'autre part l'introspectionnisme
de l'âme comme seul
voie
d'accès à elle-même et
qui n'est qu'une conséquence du mentalisme
("l’esprit,
en concevant, se tourne en quelque façon vers soi-même
et
considère quelqu’une des idées qu’il a en soi"
- Descartes, Méditations
Métaphysiques,
VI, 4). Nous n'insisterons
pas sur la très abondante littérature qu'a suscité le dualisme
mentaliste
cartésien, autant pour le défendre et le raffiner que pour le
critiquer et l'invalider. Intéressons-nous
juste
au
courant béhavioriste
que Quine définit de la manière suivante : "le
béhaviorisme
consiste à affirmer que la conscience est un état du corps, un état
de notre système nerveux. [...] Moins brutalement, on pourrait aussi
décrire ce rejet [d'une spécificité de l'esprit]
comme
une identification de l'esprit à certaines facultés (états,
activités) du corps"(Quine,
Quiddités).
Son
mérite, comme le souligne Politzer, consiste donc bien à déplacer
l'esprit et ses états de conscience depuis
le terrain d'une soi-disant
évidence
subjective et privée en première personne27
auquel Descartes et ses successeurs le cantonnaient, vers celui
d'une
difficulté
objective
et
publique
en troisième personne. Avec,
comme avantage décisif, la possibilité de tirer la psychologie de
son sommeil dogmatique
pour tenter
de l'engager
sur la voie de la
science
positive, notamment
via
des
prédictions efficaces.
Or,
si
"la
mécanique est le modèle des sciences et [la] psychologie a pour
idéal une mécanique de l’âme [avec] des expérimentations de
physique d’une part, et d’autre part des expérimentations de
psychologie […]
elle
doit nous rendre capable de prévoir avec succès […] nous serions
en mesure de prédire ce qu’une personne aimerait ou n’aimerait
pas, toute la question étant de savoir si c’est là la sorte
d’explication que nous souhaitons avoir en
psychologie"(Wittgenstein,
Leçon
sur l’Esthétique,
II).
Nul
doute que ce soit bien là l'une des ambitions du béhaviorisme :
anticiper le comportement humain pour le diriger vers des actes
politiques et/ou économiques bien déterminés28.
Seulement voilà : la
psychologie béhavioriste,
qui prétend étudier la première personne comme si elle était une
troisième personne,
un
sujet humain comme s'il n'était qu'un banal objet d'observation,
perd
ce qui était clairement l'enjeu éthique
de
la "psychologie"
mentaliste
cartésienne
et, plus généralement, de
toute
métaphysique depuis
l'antiquité :
s'évertuer
à résoudre l'énigme infinie de la connaissance de soi-même,
en
première personne,
afin
d'essayer de
vivre le mieux possible ou,
en tout cas, de souffrir le moins possible.
Bref,
pour Politzer, "il
y a là une solution désespérée : le béhaviorisme
supprime l'énigme de l'homme"(Politzer,
Critique
des Fondements de la Psychologie).
Et
c'est ce
défaut
que, précisément, la métapsychologie
freudienne entend
pallier et
non pas le manque de prédictibilité des comportements humains par
la psychologie classique.
De
là, la "première
topique"
freudienne qui reprend l'idée du moi
cartésien
subjectif et privé en lui adjoignant les obstacles objectifs et
publics qui, non seulement nuisent à sa transparence29
mais vont
même jusqu'à rendre illusoire la connaissance de soi par soi :
"si
certaines représentations sont incapables de devenir conscientes,
c'est à cause d'une certaine force qui s'y oppose ; que sans cette
force elles pourraient bien devenir conscientes, ce qui nous
permettrait de constater combien peu elles diffèrent d'autres
éléments psychiques, officiellement reconnus comme tels […].
À
l'état dans lequel se trouvent ces représentations avant qu'elles
soient amenées à la conscience nous avons donné le nom de
refoulement […].
Notre
notion de l'inconscient se trouve ainsi déduite de la théorie du
refoulement"(Freud,
Essais
de Psychanalyse,
III). Le
raisonnement de Freud est, ici, limpide : la conscience est
condamnée à se méconnaître parce qu'elle n'est qu'un
résidu de données après
"refoulement".
C'est lui, la force souveraine,
une
force qui, un peu à la manière du démon pendant un exorcisme, ne
manifeste jamais autant sa puissance que lorsqu'on veut lutter contre
elle et
qui fait de la conscience
l'exception
et de l'inconscient
la
règle.
L'originalité de Freud, on le voit, n'est pas tant d'avoir inventé
(ou découvert) l'inconscient,
comme on a l'habitude de dire. Avant lui, Spinoza avait bien vu que
"les
hommes ne se croient libres qu’à cause qu’ils ont conscience de
leurs actions mais ne le sont pas des causes qui les
déterminent"(Spinoza,
Éthique,
III, 2), et Marx que "ce
n’est pas la conscience des hommes qui détermine leur existence,
c’est au contraire leur existence sociale qui détermine leur
conscience"(Marx,
Critique
de l’Économie Politique).
C'est
d'avoir inventé (ou découvert) l'inconscient
psychique,
autrement dit un mécanisme mental
de
formation et de déformation des états de conscience complètement
intériorisé et
privatisé.
Ce qui est encore
plus net dans
la "seconde topique" : "le
ça
est la partie obscure de notre personnalité […]. Le ça
tend seulement à satisfaire les besoins pulsionnels, en se
conformant au principe de plaisir. Les processus qui s’y déroulent
n’obéissent pas aux lois logiques de la pensée : pour eux, le
principe de contradiction n’existe pas, [aussi] le ça ignore-t-il
les jugements de valeur, le bien le mal, la morale […]. Le moi
a pour mission d’être le représentant du monde extérieur aux
yeux du ça,
et pour le plus grand bien de ce dernier. En effet, sans le moi,
le ça,
aspirant aveuglément aux satisfactions des pulsions, viendrait
imprudemment se briser contre cette force extérieure plus puissante
que lui […]. Ainsi, le principe de plaisir, qui domine de façon
absolue dans le ça,
est-il détrôné par le principe de réalité, plus propre à
assurer sa sécurité et sa réussite […]. Mais le moi
n’est qu’une partie du ça
opportunément modifiée par la pression d’un monde extérieur
menaçant. En somme, le moi
doit réaliser les intentions du ça
en parvenant à découvrir les circonstances favorables à leur
réalisation. [Dans cette tâche, le moi
est puissamment aidé par] le surmoi
qui est le dépositaire du phénomène que nous nommons conscience
morale et qui dérive de l’influence exercée par les parents et
les éducateurs […]. Le surmoi
de l’enfant ne se forme donc pas à l’image des parents mais à
l’image du surmoi
de ceux-ci, il s’emplit du même contenu, devient le représentant
de la tradition, de tous les jugements de valeur qui subsistent ainsi
à travers les générations"(Freud,
Nouvelles
Conférences sur la Psychanalyse).
Après
cela, il
est difficile de ne pas dire, comme Wittgenstein, que "la
mécanique étant le paradigme des sciences, [Freud]
imagine une psychologie ayant pour modèle une mécanique de
l’âme"(Wittgenstein,
Leçon
sur l’Esthétique,
IV, 1), "mécanique
de l'âme" prétendant décrire "scientifiquement"
les relations dynamiques permanentes qu'entretiennent ces
trois instances mentales
que
sont le
moi (conscient), le ça (inconscient) et le surmoi (préconscient ou
subconscient). Notre
problème est à présent d'approfondir
cette notion de "mécanique de l'âme" en nous
demandant
si l'échec de la tentative freudienne de promouvoir la
métapsychologie
au
rang
d'une science n'est pas due
à une
incongruité
générique
plutôt qu'à
des accidents circonstanciels.
1Texte
complet et "débat" avec la psychanalyste Julia Kristeva
disponibles sur le
site BibliObs.
2Nous
appelons "scientiste", la propension
intellectuelle née à la fin du XIX° siècle consistant à croire
"que
la Science et la Science seule résoudra toutes les questions qui
ont un sens ; je crois qu'elle pénétrera jusqu'aux arcanes de
notre vie sentimentale et qu'elle m'expliquera même l'origine et la
structure du mysticisme héréditaire anti-scientifique qui cohabite
chez moi avec le scientisme
le plus absolu"(Felix Le
Dantec, article paru en 1911 dans la Grande Revue).
En ce sens, le scientisme
est
à distinguer du positivisme.
3"Je
propose qu’on parle de présentation
[Darstellung] métapsychologique,
lorsqu’on parvient à décrire un processus psychique dans ses
relations dynamiques, topiques et économiques
"(Freud,
l'Inconscient).
Nous
appellerons donc "métapsychologie" le fondement théorique
de
la psychologie freudienne et "psychanalyse" son
application thérapeutique.
4Dans
tout l'exposé, nous tiendrons pour synonymes les termes "mental"
et "psychique". Ce choix tient à la possibilité de
dériver du terme "mental" le terme "mentalisme"
dont il sera question plus loin.
5Umberto
Eco appelle cela "méthode du détective". On en trouve de
nombreux exemples, notamment dans le Zadig
de Voltaire et,
évidemment, dans les polars.
6Kant
parle de la chimie qui, à l'époque où il écrit (1786)
ne
remplit pas les conditions de scientificité
qui
viennent d'être posées et, par conséquent, n'a
pas encore acquis
le statut scientifique qu'elle obtiendra avec John
Dalton.
7Cf.
mon cours qu'apportent
les Mathématiques aux Sciences ?
8Au
sens fort, celui qui, à la limite, porte à ignorer le principe de
contradiction ("p et non-p").
C'est d'ailleurs cet exemple que prend Quine.
9Depuis
1900, année où Max Planck jeta les fondations de ce qui allait
devenir la physique quantique en formulant l'hypothèse que les
quantités d'énergie ne sont continues mais discrètes
et donc que les échanges énergétiques se font par "paquets"
ou quanta.
11La
fonction qui prédit la probabilité d'un état quantique donné.
12Ce
qui inverse le dogme rationaliste classique selon lequel la
contradiction ne peut concerner que le réel et
non pas le possible.
Raison pour laquelle, aussi bien pour Aristote que pour Leibniz ou
Kant, une entité est nécessairement d'abord possible
avant que d'être réelle
ou, si l'on préfère, peut rester possible sans
jamais être réelle.
13Ce
que s'emploie à faire pourtant le physicien et romancier Tom Keve
dans son ouvrage trois Explications du Monde.
14Et
même omni-présente dans la mesure où, pour la physique quantique,
"il
n’y a aucune observation possible de la forme d’un atome, ce ne
sont que des formules mathématiques"(Schrödinger,
Physique
Quantique et Représentation du Monde).
15"Le
pain que j’ai mangé précédemment m’a nourri ; c’est-à-dire
un corps, doué de qualités sensibles, était, à cette époque,
doué de tels pouvoir cachés ; mais s’ensuit-il qu’il faille
que l’autre pain me nourrisse en une autre époque et que des
qualités semblables s’accompagnent toujours de semblables
pouvoirs cachés ? La conséquence ne me semble en rien nécessaire.
Du moins faut-il reconnaître que l’esprit tire une conséquence;
qu’il fait un certain pas ; qu’il y a un progrès de pensée et
une influence qui réclament une explication. Les deux propositions
que voici sont loin d’être les mêmes : “j’ai trouvé qu’un
tel objet a toujours été accompagné d’un tel effet” et “je
prévois que d’autres objets qui lui sont semblables
s’accompagneront d’effets semblables”. J’accorderai, s’il
vous plaît, que l’une des propositions peut justement se conclure
de l’autre : en fait, je le sais, elle s’en conclut toujours.
Mais si vous insistez sur ce que la conclusion se tire par une
chaîne de raisonnements, je désire que vous produisiez ce
raisonnement. La connexion entre ces deux propositions n’est pas
intuitive. On réclame un moyen terme qui puisse rendre l’esprit
capable de tirer une telle conclusion si, en vérité, il la tire
par raisonnement et argumentation. Quel est ce moyen terme ? Il me
faut l’avouer, cela dépasse ma compréhension"(Hume,
Enquête
sur l'Entendement Humain,
iv).
16En
anglais "falsified", ce qui ne peut évidemment pas être
traduit par "falsifiées" comme on le trouve, hélas,
souvent dans les traductions de Popper en français.
17Feyerabend
milite d'ailleurs pour une forme d'"anarchisme épistémologique"
: "ma
thèse est que l'anarchisme contribue au progrès, quel que soit le
sens qu'on lui donne. Même une science fondée sur la loi et
l'ordre ne réussira que si des mouvements anarchistes ont
occasionnellement le droit de se manifester"(Feyerabend,
contre
la Méthode,
§1). D'où son mot d'ordre : "anything
goes !".
18C'est-à-dire
depuis le XVII° siècle, depuis que Galilée a postulé que
"l’univers
est écrit dans la langue mathématique"(Galilée,
l’Essayeur).
19La
réserve "en partie" indique que la mathématisation a
priori reste
une condition de scientificité nécessaire
tout en n'étant pas
suffisante. Après
tout, l'astrologie, la numérologie et la soi-disant "science
économique" font
aussi usage de l'outil mathématique ! La
probité intellectuelle est, évidemment, une autre
condition de scientificité.
Comme le disait Jacques Chirac, si les chiffres ne sauraient mentir,
les menteurs, en revanche, savent chiffrer !
20Une
"fonction de vérité" est une fonction dont la valeur de
vérité ("vrai" ou "faux") ne dépend que de la
relation entre ses termes à l'exclusion de toute autre
considération. Une telle fonction devient une proposition
lorsqu'elle est énoncée dans le langage vernaculaire. Par exemple,
"Desdémone aime Cassio" est une fonction de vérité (la
proposition est fausse parce qu'il n'existe pas de relation d'amour
entre Desdémone et Cassio), tandis que "Othello croit que
Desdémone aime Cassio" n'est pas une fonction de vérité (la
proposition est vraie bien qu'il
n'existe aucune relation
d'amour entre Desdémone et Cassio).
La différence entre les deux propositions est que la valeur
de vérité de la seconde
fait intervenir d'autres considérations que la stricte relation
entre Desdémone et Cassio (en
l'occurrence, la jalousie
maladive d'Othello,
la haine et la trahison
d'Iago, la naïveté de
Cassio, etc.). Il va
de soi que les propositions
de la logique ou des mathématiques sont toutes
des "fonctions de
vérité".
21Ce
que montre très bien le roman de Keve cité supra.
L'auteur se plaît même à
imaginer
que Freud défend la
"scientificité"
de son activité de la manière suivante : "deux
raisons à cela. La première est pragmatique : le moindre soupçon
de spiritisme, de télépathie ou de surnaturel condamnera la
psychanalyse à rester en marge de l'Histoire [...]. La seconde
raison est peut-être la plus importante : je ne suis pas convaincu.
Je crois bien que si je l'étais, je n'hésiterais pas à sacrifier
la psychanalyse à la vérité"(op.
cit.).
22Ou,
si l'on préfère, dépourvus de
signification (Unsinnigkeit)
dans
le sens très
précis où
les
positivistes
du
Cercle de Vienne emploient
ce terme, à savoir qu'"établir
la signification [Sinnigkeit]
d’un
énoncé équivaut à établir les règles selon lesquelles l’énoncé
est utilisé, ce qui, à son tour, revient à établir la manière
dont il peut être vérifié (ou réfuté). La signification d’un
énoncé est la méthode de sa vérification"(Schlick,
les
Énoncés Scientifiques et la Réalité du Monde Extérieur).
Dans
sa période positiviste,
Wittgenstein ira même jusqu'à assimiler "signification"
et "dicibilité" comme synonymes de "contribution à
la valeur de vérité d'un énoncé dans le cadre d'une fonction de
vérité".
23Ce
qu'il exprime formellement en disant que "la
notion de référence
à
doit être reclassée en notion de vérité
de,
et l’expression singulière f(A)
doit
être reclassé en expression générale d’extension singulière
"x,
{f(x)(x=A)}"(Quine,
le
Domaine et le Langage de la Science,
iii). En
clair, faire référence à un objet,
c'est admettre qu'il y a au moins une proposition vraie
dont
cet objet
est
le sujet
logique
(f(x))
qui a reçu une dénomination précise (x=A).
24"Les
critères qui guident la modification de notre schème conceptuel ne
sont pas des critères réalistes de correspondance avec la réalité,
mais des critères pragmatiques : efficacité de la communication et
efficacité de la prédiction"(Quine,
d’un
Point de Vue Logique,
iv, 5).
25Il
finira même
par
professer un
anti-scientisme
militant
en
déclarant
que "pour
s'étonner, il faut que […]
les peuples
s'éveillent.
La
science est un moyen de les endormir"(Wittgenstein, Remarques
Mêlées, 5)
et que "les
questions scientifiques peuvent [l]’intéresser, mais jamais [l]e
passionner réellement. Seules les questions conceptuelles et
esthétiques ont cet effet sur [lui]"(Wittgenstein,
Remarques
Mêlées,
79).
26"C'est
de la sorte que s'entrecroisent et que s'enveloppent les unes sur
les autres les différentes ressemblances qui existent entre les
différents membres d'une famille ; la taille, les traits du visage,
la couleur des yeux, la démarche, le tempérament etc. – Et je
dirais : les "jeux" constituent une famille. […]
Et nous étendons notre concept […] à la manière dont nous lions
fibre à fibre en filant un fil. Et la résistance du fil ne réside
pas dans le fait qu'une fibre quelconque le parcours sur toute sa
longueur, mais dans le fait que plusieurs fibres s'enveloppent
mutuellement"(Wittgenstein,
Recherches
Philosophiques,
§67).
27Avec
sa conséquence solipsiste bien
connue
: "je
suis une substance [qui n’a besoin que de soi-même pour exister]
dont toute l’essence ou la nature n’est que de
penser"(Descartes,
Discours
de la Méthode,
IV). Conséquence
dont la littérature classique puis romantique ont exploité le
merveilleux.
28Ce
n'est pas par hasard si l'un des ouvrage préférés d'Adolf Hitler
était la
Psychologie des Foules
de Gustave Lebon.
29Descartes
avait déjà évoqué ce problème avec sa conception des passions
:
"une
passion est excitée sans le secours de la volonté et par
conséquent sans aucune action qui vienne d’elle, par les seules
impressions qui sont dans le cerveau"(Descartes,
Lettre
à Élisabeth,
16 oct.1645), de
telle sorte que "le
principal effet de toutes les passions est qu’elles incitent et
disposent l’âme à vouloir les choses auxquelles elles préparent
le corps"(Descartes,
Traité
des Passions,
art.40).
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