CORRIGÉ DU D.M.A
A3 - LES CROYANCES RELIGIEUSES SONT-ELLES DERAISONNABLES ?
Wittgenstein
– Leçons et Conversation
1 - A quelle idée
l'auteur s'oppose-t-il et quelle idée défend-il ?
L'auteur s'oppose à l'idée
que les croyances religieuses pourraient être réputées
déraisonnables. Il défend en revanche l'idée que la question de
savoir si les croyances religieuses sont raisonnables ou
déraisonnables n'a pas de sens.
2 - Expliquer
- la première phrase
- la dernière phrase.
Première phrase : "Quand
on parle de religion, on emploie des expressions telles que "je
crois que telle ou telle chose va arriver", mais cet
emploi est différent de celui que nous en faisons dans les
sciences". Supposant un croyant qui dit P1 : "je crois
qu'il y aura un Jugement Dernier à la fin des temps". Et un
scientifique qui dit P2 : "je crois que le boson de Higgs
expliquera la masse cachée de l'univers". Les deux propositions
sont au futur et commencent par "je crois". Pourtant, nous
dit Wittgenstein, le verbe croire n'a pas le même sens dans P1 et
P2. En effet, dans P2, le scientifique exprime une croyance relative
qui est destinée à être vérifiée expérimentalement. Si
l'expérience se révèle négative, il renoncera à sa croyance. Il
dira : "je me suis trompé". En revanche, dans P1, le
croyant exprime une croyance absolue qui n'a pas à être vérifiée.
C'est peine perdue que de lui expliquer qu'il n'y aura jamais de
Jugement Dernier, ou qu'il n'y a pas de Dieu, etc. Il n'en démordra
pas. Car la croyance religieuse, contrairement à la croyance
scientifique, concerne la vie tout entière du croyant. Il n'y
renoncera donc que très difficilement (ce n'est pas impossible, mais
c'est rare, et, en tout cas, ça ne dépend pas d'une expérience
unique). On dira que la croyance P2 est une hypothèse
scientifique et que la croyance P1 est une foi religieuse.
Dernière phrase : "Vous
diriez qu’ils raisonnent faux dans le cas où ils raisonneraient
d’une manière semblable à la nôtre et feraient ce qui pour nous
correspondrait à une faute [...] : tel coup est une faute dans un
jeu particulier et non dans un autre". Nous n'avons le
droit, nous dit l'auteur, de qualifier de déraisonnable une croyance
religieuse qu'à condition que nous soyons nous-mêmes toujours
raisonnables, c'est-à-dire que nous nous comportions toujours
conformément aux principes de la raison dont l'un est, par exemple,
de toujours vérifier ce que l'on croit. Dans ce cas, celui qui
croirait quelque chose d'invérifiable pourrait être qualifié de
déraisonnable. C'est comme s'il n'existait qu'un seul sport de balle
: le football. Auquel cas, celui qui prendrait la balle avec la main
ferait une faute. Mais dès lors qu'il existe deux sports de balle,
le football et le basket-ball, par exemple, pour savoir si celui qui
touche la balle de la main fait une faute ou non, il faut savoir à
quoi il joue. Il en va de même pour les croyances : pour dire qu'une
croyance non vérifiable est raisonnable ou non, il faut savoir à
quoi il joue. Si c'est le jeu de la science, une hypothèse
invérifiable est effectivement déraisonnable. Mais c'est le jeu
de la religion, comme la foi est nécessairement
invérifiable, elle ne peut pas être qualifiée de déraisonnable
(de même qu'il n'y a pas de sens à dire que le basketteur commet
une faute en prenant la balle dans ses mains puisque le basket-ball
se joue nécessairement avec les mains).
3 - D'après
Wittgenstein, les croyances religieuses sont-elles déraisonnables ?
Pourquoi alors certains philosophes les ont-ils tenues pour
déraisonnables ?
Après ce que l'on vient de
dire, il est évident que, pour Wittgenstein, les croyances
religieuses ne sont pas déraisonnables. Pour autant, elles ne sont
pas raisonnables non plus. Parce que cette opposition
raisonnable/déraisonnable fait partie des règles du jeu de
langage scientifique. De même que l'opposition serveur/relanceur
fait partie, par exemple, de celles du volley-ball. Donc il n'y a pas
plus de sens à se demander si les croyances religieuses sont
déraisonnables ou raisonnables qu'il n'y en a à se demander si une
équipe de rugby est serveur ou relanceur. Pourtant, depuis
longtemps, et, notamment, depuis la période des Lumières, les
croyances religieuses sont tenues pour déraisonnables (voire
superstitieuses) par de nombreux philosophes. C'est intéressant
parce que cela montre l'importance qu'a pris, notamment depuis deux
siècles, le jeu de langage scientifique dans nos modes de
pensée, au point de nous faire oublier que les règles du jeu
scientifique ne sont pas les règles de tous les jeux
possibles.
Dissertation : la
raison doit-elle combattre les croyances ?
A
- ANALYSE DU SUJET.
A1
: répondre dans un premier temps à la question posée du point de
vue de tous les philosophes étudiés qui semblent contribuer à
apporter des éléments de réponse.
Platon : la raison
doit combattre les croyances (A1).
Dans le texte de Platon,
Gorgias, s'affrontent deux
manières de penser. Celle qui est incarnée par l'orateur et
celle qui est incarnée par le médecin ou le philosophe. La tâche
de l'orateur est de persuader, c'est-à-dire d'amener ses auditeurs à
agir conformément à ce qu'il souhaite. Pour cela, l'orateur va user
d'arguments irrationnels fondés sur les émotions, plus
particulièrement les émotions de séduction et de terreur. D'une
manière générale, qu'il s'adresse à un individu ou qu'il
s'adresse à une foule, l'orateur va faire croire
que ce qu'il préconise est la meilleure solution possible (comme la
publicité de nos jours) : la meilleure solution possible, pour le
malade, est de se faire opérer, la meilleure solution possible, pour
la foule, c'est d'élire l'orateur, etc. L'orateur possède donc un
pouvoir considérable, puisqu'il a le talent de faire croire ce qui
lui plaît à un public qui est toujours pressé et qui, en outre,
est ignorant. Face au danger que représente les croyances
manipulées par l'orateur en démocratie (risque permanent de
tyrannie), Platon ne voit qu'une solution : la raison,
c'est-à-dire prendre le temps d'expliquer ce qui est vrai. Par
exemple, c'est ce que fait le médecin (ou tout autre homme de
métier) avec son malade : il fait un diagnostic, il décrit
précisément quels sont les symptômes, quelles sont les causes du
mal et quels sont les remèdes possibles. Or, même s'il arrive à
convaincre son malade qu'il dit vrai, le médecin échoue souvent à
le persuader d'agir. D'où le pouvoir de l'orateur. Et comme ce qui
est valable pour un individu particulier l'est aussi au niveau de la
Cité, si l'on veut prendre le temps d'expliquer aux Citoyens ce qui
est vrai, il faut absolument qu'il existe des hommes beaucoup plus
savants que d'autres, qui aiment dire la vérité et rien d'autre, et
que ces hommes possèdent le pouvoir politique. Ces hommes, Platon
les appelle les philosophes.
Bref, il faut que les philosophes combattent
les orateurs,
autrement dit que la raison combatte
les croyances.
Pascal : la raison
ne doit pas combattre les croyances parce qu'elle ne le peut pas
(A2).
Pour Pascal, la raison
n'est qu'une des deux sources de vérité et non pas la seule. En
effet, supposons que l'on veuille justifier une conclusion c
: on va dire que ce qui justifie c,
c'est r1.
Supposons maintenant que l'on veuille justifier r1
: on va dire que ce qui justifie r1,
c'est r2,
etc. On aura donc le schéma ...→rn→rn-1→...→r2→r1→c
(avec → qui signifie
"justifie" ou "démontre").
Mais on sent bien qu'il va falloir s'arrêter quelque part dans le
processus de justification : c'est ce que Pascal appelle premier
principe ou encore connaissance
du coeur. Le schéma correct
sera donc : p→rn→rn-1→...→r2→r1→c
(avec p
pour "premier principe"). Et là, on voit clairement que
l'on peut tout justifier par un raisonnement, sauf le premier
principe lui-même. C'est-à-dire
que la raison assure
la vérité de tout le processus de justification, sauf celle de la
première étape p.
Pascal dit que les premiers principes
ou connaissances du coeur sont
vraies non pas parce qu'elles sont démontrées par la raison,
mais parce qu'on sent
que c'est vrai, ou, ce qui renient au même, parce qu'on croit
que c'est vrai. Par exemple, on sent,
on croit, sans pouvoir
le démontrer, que l'on est éveillé, ou que les nombres sont
infinis, ou qu'il y a trois dimensions dans l'espace, etc. Et que se
passe-t-il si on exige que soit démontrés ces premiers principes ?
Eh bien, nous dit Pascal, on se comporte en pyrrhonien,
c'est-à-dire que l'on finit par douter de tout : il n'y a plus rien
de vrai, tout est incertain, puisque, comme on l'a montré avec le
schéma ...→rn→rn-1→...→r2→r1→c,
on ne s'arrête jamais dans le processus de justification. Mais c'est
absurde et les pyrrhoniens perdent leur temps. Bref, pour Pascal, la
raison ne peut tout
simplement pas combattre les croyances,
parce que celles-ci sont les premiers principes du coeur
qui précèdent tout raisonnement.
Wittgenstein : la
raison ne doit combattre les croyances que dans le domaine des
sciences (A3).
Wittgenstein fait remarquer
qu'il y a deux usages très différents du verbe croire :
l'usage scientifique et l'usage religieux. Lorsqu'un scientifique dit
"je crois que tel
événement va se produire", il émet une hypothèse,
c'est-à-dire une proposition qui est destinée à être vérifiée
par l'expérience. Donc l'usage scientifique du verbe croire
suggère une incertitude quant à ce qu'on dit. Mais lorsqu'un
religieux dit "je crois que
tel événement va se produire", il n'émet pas une hypothèse,
il exprime sa foi. Et
la foi, contrairement
à l'hypothèse, ne
laisse aucune place à l'incertitude puisque, comme le dit
Wittgenstein, d'une part elle ne s'accompagne pas d'une expérience
qui la vérifie, d'autre part, même si l'on fournit au fidèle (du
latin fides, "foi")
la preuve expérimentale, scientifique ou historique, que ce en quoi
il croit n'a jamais existé (le Christ par exemple) ou ne peut pas
exister (les miracles, par exemple), eh bien il continuera à croire,
c'est-à-dire à avoir la foi.
Alors que, bien entendu, si on apporte à un scientifique la preuve
expérimentale que son hypothèse
est fausse, et qu'il se comporte en vrai scientifique, alors, il
renoncera à sa croyance.
C'est pourquoi la raison
n'est un terme qui ne peut avoir cours que dans le jeu de langage
scientifique : la raison exige alors que toute hypothèse soit testée
et abandonnée si le résultat du test s'avère négatif. La preuve,
c'est que l'on blâmera le scientifique qui ne se soumettra pas à
cette exigence en le traitant de déraisonnable.
Mais cette exigence n'a pas cours dans le jeu de langage religieux.
Il est donc absurde de qualifier de déraisonnable
le fidèle qui continue à croire en dépit des preuves scientifiques
ou historiques contraires. Par analogie, on peut dire que prendre la
balle avec la main est interdit au football, mais pas au basket-ball.
C'est pourquoi prendre la balle avec la main au football est
sanctionné un penalty au football, mais pas au basket-ball. De même,
croire malgré des
preuves contraires est interdit en science, mais pas en religion.
C'est pourquoi la raison doit
combattre les croyances fausses
en science, mais pas en religion.
A2 :
sélection, choix des points de vue et classement par ordre
préférentiel.
Je choisis par exemple (ce
n'est qu'un exemple, il y a d'autres choix possibles)
- 1° Platon
- 2° Pascal
- 3° Wittgenstein
B
- INTRODUCTION.
La raison doit-elle
combattre les croyances ?
A première vue, la raison
ne doit-elle pas combattre les croyances ? Et pourtant, la raison
a-t-elle réellement le pouvoir de combattre les croyances ? Cela
dit, n'existe-t-il pas des domaines où la raison doit combattre les
croyances et d'autres où elle ne le peut pas ?
Nous allons voir que, à
première vue, il est politiquement nécessaire que la raison
philosophique combatte les croyances rhétoriques. Et pourtant, ce
programme est voué à l'échec dans la mesure où les croyances sont
senties par le coeur et il ne sert donc à rien que la raison les
attaque par la démonstration. Cela dit, la raison peut et doit
combattre les croyances, mais seulement dans le domaine scientifique,
alors qu'elle est impuissante à le faire dans le domaine religieux.
C
- DÉVELOPPEMENT.
I
- À première vue, il est politiquement nécessaire que la raison
philosophique combatte les croyances rhétoriques.
(C1)
Qui
n'a pas été, un jour ou l'autre séduit ou terrorisé par les
propos de quelqu'un qui parle bien, bref par un orateur ? (C2)
Or,
dans le texte de Platon, Gorgias,
l'orateur lui-même reconnaît que sa tâche est de persuader,
c'est-à-dire d'amener ses auditeurs à agir conformément à ce
qu'il souhaite. Pour cela, l'orateur va user d'arguments irrationnels
fondés sur les émotions, plus particulièrement les émotions de
séduction et de terreur. D'une manière générale, qu'il s'adresse
à un individu ou qu'il s'adresse à une foule, l'orateur va faire
croire
que ce qu'il préconise est la meilleure solution possible (comme la
publicité de nos jours) : la meilleure solution possible, pour le
malade, est de se faire opérer, la meilleure solution possible, pour
la foule, c'est d'élire l'orateur, etc. L'orateur possède donc un
pouvoir considérable, puisqu'il a le talent de faire croire ce qui
lui plaît à un public qui est toujours pressé et qui, en outre,
est ignorant : "La
rhétorique n’a aucun besoin de savoir ce que sont les choses dont
elle parle ; elle a découvert un procédé qui sert à
persuader ; devant un public d’ignorants, elle a l’air d’en
savoir plus que n’en savent les connaisseurs."
(Platon, Gorgias).
Face
au danger que représente les croyances
manipulées par l'orateur en démocratie (risque permanent de
tyrannie), Platon ne voit qu'une solution : la raison,
c'est-à-dire prendre le temps d'expliquer ce qui est vrai. Par
exemple, c'est ce que fait le médecin (ou tout autre homme de
métier) avec son malade : il fait un diagnostic, il décrit
précisément quels sont les symptômes, quelles sont les causes du
mal et quels sont les remèdes possibles. Or, même s'il arrive à
convaincre son malade qu'il dit vrai, le médecin échoue souvent à
le persuader d'agir : "Là
où les exhortations du médecin restaient vaines, moi je persuadais
le malade, par le seul art de la rhétorique."
(Platon, Gorgias).
D'où
le pouvoir de l'orateur. Et comme ce qui est valable pour un individu
particulier l'est aussi au niveau de la Cité, si l'on veut prendre
le temps d'expliquer aux Citoyens ce qui est vrai, il faut absolument
qu'il existe des hommes beaucoup plus savants que d'autres, qui
aiment dire la vérité et rien d'autre, et que ces hommes possèdent
le pouvoir politique. Ces hommes, Platon les appelle les philosophes.
(C3-C4)
Bref,
pour Platon, il faut que les philosophes combattent
les orateurs,
autrement dit que la raison combatte
les croyances. (C6)
D'accord,
mais la raison a-t-elle réellement le pouvoir de combattre les
croyances ? (C7)
II
- Et pourtant, ce programme est voué à l'échec dans la mesure où
les croyances sont senties par le coeur et il ne sert donc à rien
que la raison les attaque par la démonstration. (C1)
Pour
Platon, nous l'avons vu, combattre les croyances est une nécessité
politique destinée à pallier le risque de voir la démocratie
sombrer dans la tyrannie. Mais il ne va pas du tout de soi que cette
exigence soit réalisable, parce qu'il n'est pas du tout évident que
la raison soit la seule source de vérité. (C2)
Pour
Pascal, en effet, "nous
connaissons la vérité, non seulement par la raison, mais encore par
le cœur."(Pascal,
Pensées).
En effet, supposons que l'on veuille justifier une conclusion c
: on va dire que ce qui justifie c,
c'est r1.
Supposons maintenant que l'on veuille justifier r1
: on va dire que ce qui justifie r1,
c'est r2,
etc. On aura donc le schéma ...→rn→rn-1→...→r2→r1→c
(avec →
qui
signifie "justifie" ou "démontre"). Mais on sent
bien qu'il va falloir s'arrêter quelque part dans le processus de
justification : c'est ce que Pascal appelle premier
principe
ou encore connaissance
du coeur.
Le schéma correct sera donc : p→rn→rn-1→...→r2→r1→c
(avec
p
pour "premier principe"). Et là, on voit clairement que
l'on peut tout justifier par un raisonnement, sauf le premier
principe lui-même.
C'est-à-dire que la raison
assure
la vérité de tout le processus de justification, sauf celle de la
première étape p.
Pascal
dit que les premiers
principes
ou connaissances
du coeur sont
vraies non pas parce qu'elles sont démontrées par la raison,
mais parce qu'on sent
que c'est vrai, ou, ce qui revient au même, parce qu'on croit
que c'est vrai. Par exemple, "nous
savons que nous ne rêvons point ; quelque impuissance où nous
soyons de le prouver par la raison, [...] le cœur sent qu’il y a
trois dimensions dans l’espace et que les nombres sont
infinis."(Pascal,
Pensées).
Et
que se passe-t-il si on exige que soit démontrés ces premiers
principes ? Eh bien, nous dit Pascal, on se comporte en pyrrhonien,
c'est-à-dire que l'on finit par douter de tout : il n'y a plus rien
de vrai, tout est incertain, puisque, comme on l'a montré avec le
schéma ...→rn→rn-1→...→r2→r1→c,
on ne s'arrête jamais dans le processus de justification. Mais c'est
absurde : "c’est
[par le coeur] que nous connaissons les premiers principes, et c’est
en vain que le raisonnement, qui n’y a point de part, essaye
de les combattre. Les pyrrhoniens, qui n’ont que cela pour objet, y
travaillent inutilement."(Pascal,
Pensées).
(C3-C4)
Donc,
pour Pascal, la raison
ne peut tout simplement pas combattre les croyances,
parce que celles-ci sont les premiers
principes du coeur
qui précèdent tout raisonnement. (C6)
Oui
mais n'existe-t-il pas néanmoins quelques cas dans lesquels la
raison peut et doit combattre les croyances ?
(C7)
III
- Cela dit, la raison peut et doit combattre les croyances, mais
seulement dans le domaine scientifique, alors qu'elle est impuissante
à le faire dans le domaine religieux.
(C1)
D'un
côté, nous avons donc Platon qui assigne à la raison la tâche de
combattre toutes les croyances sans savoir si c'est possible, et de
l'autre Pascal qui critique Platon en faisant remarquer que demander
à la raison de combattre les croyances revient à demander
l'impossible. Pourtant, chacun sait que, parfois, un bon raisonnement
peut nous faire renoncer à nos croyances.
(C2)
Wittgenstein
fait remarquer qu'il y a deux usages très différents du verbe
croire
:
l'usage scientifique et l'usage religieux. Lorsqu'un scientifique dit
"je crois
que tel événement va se produire", il émet une hypothèse,
c'est-à-dire une proposition qui est destinée à être vérifiée
par l'expérience. Donc l'usage scientifique du verbe croire
suggère une incertitude quant à ce qu'on dit. Mais lorsqu'un
religieux dit "je crois
que
tel événement va se produire", il n'émet pas une hypothèse,
il
exprime sa foi.
Or
la foi,
contrairement à l'hypothèse,
ne laisse aucune place à l'incertitude puisque, comme le dit
Wittgenstein, d'une part elle ne s'accompagne pas d'une expérience
qui la vérifie, d'autre part, même si l'on fournit au fidèle (du
latin fides,
"foi") la preuve expérimentale, scientifique
ou historique, que ce en quoi il croit n'a jamais existé (le Christ
par exemple) ou ne peut pas exister (les miracles, par exemple), eh
bien il continuera à croire,
c'est-à-dire à avoir la foi.
"Le christianisme ne repose pas sur une base
historique au sens où ce serait la croyance normale aux faits
historiques qui pourrait lui servir de fondement."(Wittgenstein,
Leçons et Conversations).
Alors que, bien
entendu, si on apporte à un scientifique la preuve expérimentale
que son hypothèse est
fausse, et qu'il se comporte en vrai scientifique, alors, il
renoncera à sa croyance.
C'est
pourquoi la raison
n'est un terme qui ne peut avoir cours que dans le jeu de langage
scientifique : la raison exige alors que toute hypothèse soit testée
et abandonnée si le résultat du test s'avère négatif. La preuve,
c'est que l'on blâmera le scientifique qui ne se soumettra pas à
cette exigence en le traitant de déraisonnable :
"Car pour tout le monde "déraisonnable"
implique blâme."(Wittgenstein,
Leçons et Conversations).
Mais cette exigence n'a pas cours dans le jeu de langage religieux.
Il est donc absurde de qualifier de déraisonnable
le fidèle qui continue à croire en dépit des preuves scientifiques
ou historiques contraires : "Vous diriez qu’ils
raisonnent faux dans le cas où ils raisonneraient d’une manière
semblable à la nôtre [scientifique] et feraient ce qui pour nous
correspondrait à une faute [...] : tel coup est une faute dans un
jeu particulier et non dans un autre.(Wittgenstein,
Leçons et Conversations).
Par analogie, on peut
dire que prendre la balle avec la main est interdit au football, mais
pas au basket-ball. C'est pourquoi prendre la balle avec la main au
football est sanctionné un penalty au football, mais pas au
basket-ball. De même, croire
malgré des preuves contraires est interdit en science, mais pas en
religion. (C3-C4)
C'est
pourquoi, pour Wittgenstein, la raison peut doit
combattre les croyances fausses
lorsqu'il s'agit de science, mais pas lorsqu'il s'agit de religion.
(C6)
D
- CONCLUSION.
Nous
avons donc pu voir qu'apparemment, il fallait absolument que les
croyances sont combattues par la raison, parce que, sans cela, la
Cité serait sans cesse menacée par le pouvoir exorbitant des
orateurs. Le problème étant que les croyances ne sont pas
accessibles à la raison dans la mesure où ce que l'on sent au plus
profond de nous-mêmes n'est pas du ressort de la démonstration
rationnelle. En tout cas, les croyances qui relèvent de la foi (par
exemple religieuse), car les croyances qui ne sont que de simples
hypothèses (par exemple scientifiques) peuvent et doivent être
combattues par la raison.
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