Un
certain Michel Onfray,
dont
on trouve les
ouvrages dans
les rayons "philosophie" des librairies mais qui est, à
l'évidence,
plus
soucieux de renommée médiatique que de rigueur argumentative,
prétend que
"Freud
prend ses désirs pour la réalité et assène que ce qu'il affirme
est vrai pour le monde entier du simple fait qu'il l'affirme. La
méthode n'est guère scientifique, convenons-en ...
[Par ailleurs] la
psychanalyse guérit autant que l'homéopathie, le magnétisme, la
radiesthésie, le massage de la voûte plantaire ou le désenvoûtement
effectué par un prêtre, sinon la prière devant la grotte de
Lourdes. La présence de nombreuses béquilles accrochées à Lourdes
en témoignage du pouvoir de Bernadette Soubirous en apporte la
démonstration : les guérisons psychosomatiques existent, mais
elles ne sont pas la preuve de l'existence de Dieu ni celle que le
Christ est ressuscité des morts le troisième jour, encore moins de
la résurrection de la chair... On sait aujourd'hui que l'effet
placebo constitue 30% des guérisons d'un médicament. Pourquoi la
psychanalyse échapperait-elle à cette logique ?"(interview
donnée au Nouvel
Observateur
le 22 avril 2010)1.
Nous
ne relèverions pas de tels propos dont
l'outrance
inepte
a, par
ailleurs, copieusement été
analysée
et dénoncée
par nombre d'authentiques connaisseurs
de l’œuvre
de
Freud, s'ils ne nous semblaient résumer
un
procès en sorcellerie très
main
stream
qui repose
sur le
préjugé selon lequel la psychanalyse n'étant pas une science, elle
serait
inutile dans le meilleur des cas et, au pire, nuisible.
Aussi
prenons-nous le parti d'ouvrir à nouveaux frais le "dossier"
Freud en en confiant l'instruction à quelques
uns de ses grands prédécesseurs et
de ses lecteurs les plus perspicaces. Ils
nous montreront que, si les thèses freudiennes sont manifestement
plus proches de
classiques assomptions
métaphysiques que d'hypothèses scientifiques, elles sont loin
pourtant d'être dénuées de valeur dans la mesure où, d'une part,
elles ont profondément remanié les fondements de la psychologie
mais
aussi,
d'autre part, elles s'accompagnent d'une katharsis
thérapeutique qui s'inscrit dans une tradition pluri-millénaire.
Dans
cet article, nous analyserons successivement la métapsychologie et
la psychanalyse freudiennes de trois points de vue différents mais
(pensons-nous) complémentaires : épistémologique,
grammatical, esthétique.
lundi 22 octobre 2018
jeudi 24 mai 2018
MUSIQUE ET MYSTICISME : LE CAS JANKELEVITCH.
Dans
sa
leçon inaugurale au Collège de France,
le
pianiste et musicologue Karol
Beffa pose cette question : "pourquoi
parler de musique ? Ne se suffit-elle pas à elle-même ? En quoi un
discours sur la musique permettrait-il de mieux la comprendre ou de
mieux l’interpréter ? En quoi permettrait-il de mieux l’entendre
et d’en jouir davantage […].
Nombreux sont les courants de pensée qui, au cours des temps, ont
considéré la musique comme une forme d’art qui, d’une manière
ou d’une autre, excéderait et neutraliserait le langage […]. De
nos jours, ces scrupules à discourir sur la musique relèvent plus
de la singularité que de la règle. Car c’est à une véritable
invasion du commentaire sur l’art que l’on assiste, la musique ne
faisant pas exception"(Beffa,
comment
parler de Musique ?).
Or
Vladimir Jankélévitch relève, précisément, de cette singularité
scrupuleuse qui écrit que
"notre
curiosité sera déçue si nous en demandons la révélation à je ne
sais quelle anatomie du discours musical. Mais si nous convenons
enfin qu'il s'agit d'un mystère […]
alors
nous connaîtrons peut-être ce consentement au charme qui est, en
musique, le seul état de grâce"(Jankélévitch,
la
Musique et l'Ineffable).
Nous
allons essayer de montrer
que, si la
logorrhée à
propos, tout particulièrement, de la musique est, de loin, le
meilleur moyen de décevoir
l'amateur de musique,
en revanche la considérer comme un
mystère
requérant
un "état de grâce"
n'est pas non
plus la meilleure manière d'en goûter et d'en faire goûter le
"charme".
mercredi 28 mars 2018
NIETZSCHE, LA MUSIQUE, LE THEÂTRE ET LA VIE.
Comme
nous y
invite
ce grand standard du jazz interprété, ici, par la clarinette de
Benny
Goodman (01)1,
nous allons essayer de comprendre la place que, de tout temps et en
tout lieu, la musique a toujours occupé dans la vie des hommes. Si,
pour
analyser ce problème philosophiquement, nous avons choisi de nous
référer à Friedrich Nietzsche, c’est parce que, parmi les (rares) philosophes qui l’ont abordé sérieusement,
la musique a toujours été, dans son œuvre et même dans sa vie,
une préoccupation constante : pianiste et
compositeur lui-même,
il
déclarait n'avoir jamais été "au
fond, peut-être qu'un vieux musicien ambulant"(Nietzsche,
Fragments
Posthumes,
xiv) et
même que "[s]on
style est une danse"(Nietzsche,
Lettre
à Rhode,
22 fév. 1884).
Aussi, allons-nous essayer de comprendre très précisément ce qu’il
entend lorsqu’il écrit que "sans
musique la vie serait une erreur [ohne
Musik wäre das Leben ein Irrtum]"(Nietzsche,
le
Crépuscule des Idoles)2.