samedi 15 juin 2024

THERMODYNAMIQUE DES CONFLITS : I - ENTROPIE ET ATTRACTION.

 

L'un des paradoxes de la civilisation occidentale, c'est sa dissociation entre, d'une part un idéal intellectuel de luxe, de calme et de volupté, et, d'autre part, une histoire toute faite de misère, de chaos et de violence. On dira sans doute avec raison qu'il ne faut pas chercher plus loin la consubstantialité de l'Occident global avec la théologie monothéiste qui prend acte de l'indépassable conflictualité d'ici-bas tout en proclamant néanmoins un irénisme compatible seulement avec quelque improbable au-delà de la corporéité. Pourtant, la plupart des civilisations n'ont jamais cultivé cette sorte de schizophrénie et se sont, au contraire, trouvées très à leur aise avec une pensée structurée par des cosmogonies dans le cadre desquelles les puissances supérieures de l'univers se livrent perpétuellement un combat sans merci1. Ce qui, d'ailleurs, est aussi pressenti par l'un des courants de la pensée grecque présocratique qui admet que "le conflit est le père de toutes choses, le souverain de toutes choses, qui fait apparaître les uns comme des dieux, les autres comme des hommes, qui fait les uns libres et les autres esclaves [πόλεµος πάντων µὲν πατήρ ἐστι, πάντων δὲ βασιλεύς, καὶ τοὺς µὲν θεοὺς ἔδειξε τοὺς δὲ ἀνθρώπους, τοὺς µὲν δούλους ἐποίησε τοὺς δὲ ἐλευθέρους]"(Héraclite, Fragments, 53). Nous allons essayer de montrer que la science occidentale moderne, tout particulièrement la thermodynamique, tourne le dos à l'optimisme métaphysique et s'accorde pleinement avec la pensée héraclitéenne du conflit comme matrice universelle. Puis nous tirerons quelques conséquences pratiques, notamment écologiques et géo-politiques, de la thermodynamique des conflits.