vendredi 6 janvier 2017

L'ETERNITE DU PRESENT.

L'une des affirmations les plus déconcertantes de l'Éthique se trouve sans doute être celle selon laquelle "nous sentons et expérimentons que nous sommes éternels [sentimus experimurque nos aeternos esse]"(Spinoza, Éthique, V, 23). Qu'est-ce donc que cette "éternité" dont il nous crédite avec d'autant plus de certitude que, nous assure-t-il, elle est, par nous, "sentie et expérimentée" ? C'est d'autant plus surprenant que Spinoza semble reprendre à son compte l'un des grands invariants de la superstition théologique qu'il n'a eu de cesse de combattre, notamment dans le Traité Théologico-Politique. Si ce n'est pas le cas, en quoi peut bien consister une éternité qui ne soit pas une vie sans fin après la mort ? Nous commencerons donc par sonder les soubassements métaphysiques de la confusion des notions d'"éternité" et d'"immortalité", puis nous évoquerons quelques-unes des tentatives philosophiques pour concilier la mortalité humaine avec, néanmoins, une possibilité humaine de viser l'éternité, et enfin nous essaierons de montrer, à travers la philosophie de Spinoza, notamment mais pas uniquement, que l'expérience que nous faisons de l'éternité est, non seulement bien réelle, mais, en un certain sens, assez banale.