Nota
: je n'ai
pas la prétention de proposer là un corrigé complet mais juste un
aperçu de ce que l'on pouvait
(et non
devait)
faire dans la toute première phase, celle du sujet
analysé
(cf. III-a1-a2
de la méthodologie). Cet aperçu permet de construire une
problématique,
sans plus. Inutile, donc, d'ajouter que ces éléments de corrigé ne
sont ni suffisants, ni même nécessaires pour obtenir un résultat
satisfaisant à l'épreuve que vous avez passée.
SERIE
L
1°
sujet : Nos convictions
morales sont-elles fondées sur l'expérience ?
*Hume
définit l'idée comme la copie d'une impression sensible. Aussi,
pour lui comme pour tous les empiristes en général, toutes nos
idées sont issues de l'expérience. Même nos idées mathématiques.
Même notre idée de Dieu. A fortiori nos idées morales. En
d'autres termes, si je suis convaincu qu'il faut être bon, c'est que
j'ai déjà fait, personnellement, l'expérience sensible de la
bonté. Et le fait que j'en sous convaincu prouve que mon existence a
été substantiellement modifiée par cette idée. Or Hume appelle
"passion" cette modification significative de l'existence.
Bref, notre conviction morale n'est pas seulement une idée abstraite
mais, surtout, une passion concrète.
*Le
problème, c'est que, comme le montre Kant, une telle conception
empiriste de la morale est fondamentalement égoïste : il faut que
j'aie été touché personnellement par une situation morale
quelconque pour être convaincu de sa valeur. Dès lors, les notions
morales d'altruisme, de désintéressement, voire de sacrifice de
soi, deviennent soit incompréhensibles, soit illusoires. Kant prend
l'exemple de la notion de respect d'autrui qui suppose que je
considère autrui comme une fin en soi et non comme un moyen de
parvenir à mes fins : il est clair qu'une telle notion ne provient
pas de l'expérience mais d'une exigence de la raison. Aussi, nous
dit Kant, la morale n'est pas la doctrine qui nous enseigne comme
être heureux mais plutôt comment être digne de notre bonheur.
*Cela
dit, et Kant en convient lui-même, si aucune de nos convictions
morales ne découle de l'expérience, alors on ne peut jamais être
sûr que mon désintéressement, par exemple, n'est pas, en réalité,
inconsciemment intéressé : je sauve une personne de la noyade, non
parce que je la considère comme une fin en soi, mais,
inconsciemment, pour me prouver que je suis un héros. Freud va même
jusqu'à dire que cet exemple n'est pas une exception mais la règle
que suit toute notre éducation morale : dans un premier temps,
refouler (c'est-à-dire rendre inconscientes) nos expériences qui
sont à la fois individuellement plaisantes et socialement
condamnables (essentiellement, des expériences sexuelles ou
agressives), puis, dans un second temps, sublimer ce refoulement en
le transformant en attitudes morales approuvées par la société.
Nos convictions morales sont donc indirectement fondées sur
l'expérience.
2°
sujet : Le désir est-il par nature illimité
?
*Rousseau
considère que le désir est limité par nature. L'homme naturel,
celui qui ne vit pas encore en société, nous dit-il, ne désire que
ce qu'il peut atteindre. Ce qui est hors d'atteinte de ses facultés
physiques, mentales et intellectuelles, à l'instar des animaux, il
ne peut le désirer. Cet équilibre entre puissance et désir, c'est
ce qu'il appelle le bonheur. A contrario, c'est parce que les
hommes ont quitté l'état de nature en entrant en société qu'ils
désirent parfois, et même souvent, ce qu'ils ne peuvent avoir. D'où
un risque de frustration qui, non seulement, nuit à leur bonheur,
mais, surtout, conduit à une société inégalitaire dans laquelle
les plus faibles travaillent pour satisfaire les désirs
potentiellement illimités des plus forts.
*Le
problème est double : d'une part, Rousseau, en définissant le désir
comme une sensation de manque, confond désir et besoin ;
d'autre part, il fait l'hypothèse d'un état de nature antérieur à
l'état de société. Or, pour Spinoza, se demander si, "par
nature", quelque chose existe ou pas, c'est proférer une
absurdité : tout ce qui existe, a existé ou existera, s'inscrit
dans la Nature. En d'autres termes, la société humaine est une
partie de la Nature. Par ailleurs, tout dans la Nature, fait effort
pour exister et, si possible même, augmenter sa puissance d'exister.
Cet effort en général, il le nomme conatus et le conatus
propre aux être humains, il l'appelle le désir. Bref, le désir
humain n'est pas un manque, mais tout au contraire cette puissance,
nécessairement illimitée, de vivre et de vivre le mieux possible.
*La
définition spinozienne du désir pèche cependant par sa trop grande
généralité puisque tout comportement humain, en tant qu'expression
de la vie, est une manifestation de désir illimité. Girard, s'il
refuse avec Spinoza de distinguer un état de nature préalable à
l'état social, et s'il admet avec lui que le désir est le propre de
l'existence humaine, considère cependant que le désir est toujours
mimétique. Cela veut dire que l'on désire toujours ce qu'un autre
désire déjà et que l'on prend pour modèle de vie bonne. Dès
lors, il y a deux sortes de désirs selon que le modèle à qui on
s'identifie est physique ou métaphysique : dans le premier cas, le
désir tend vers une limite finie (un homme, un groupe social, etc.),
dans le second cas, vers une limite infinie (un dieu, un idéal,
etc.), c'est-à-dire une absence de limite.
3°
sujet : Texte de Hannah Arendt tiré de
Vérité et Politique.
L'histoire est-elle description ou interprétation ? On dit souvent que toute vérité est interprétation, qu'il n'y pas de fait pur, que toute description commence par une sélection arbitraire entre ce qui est vaut la peine d'être décrit et ce qui n'est pas le cas. Si une telle thèse vaut déjà pour les sciences de la nature dont les phénomènes sont pourtant des objets indépendants de nous, combien plus pertinente est-elle pour les sciences historiques dont nous sommes en même temps les sujets observateurs et les objets observés. Cependant, si chaque communauté reste libre effectivement de composer à sa guise le récit mémoriel qu'elle estime refléter sa propre identité, il ne lui appartient pas pour autant de faire abstraction des faits : c'est l'Allemagne qui a envahi la Belgique et pas le contraire ! Les faits historiques sont donc, pour Hannah Arendt, la matière première que l'histoire peut, certes, accommoder, mais, sauf révisionnisme auxquels des falsificateurs nous ont, hélas, habitués, certainement pas créer ni nier.
SERIE
S
1°
sujet : Travailler moins, est-ce vivre mieux
?
*Pour
Aristote, le travail, c'est-à-dire l'activité de production
destinée à satisfaire les besoins vitaux d'une communauté humaine
donnée, doit être réservé aux esclaves. Mais ce n'est pas parce
que les esclaves sont méprisables que le travail leur est dévolu.
C'est, au contraire parce qu'ils sont considérés comme des
instruments de production qu'ils sont méprisés. Car en effet, seule
la vie débarrassée de tout souci d'avoir à subvenir à ses
besoins biologiques de base est réputée authentiquement humaine. Le
citoyen ainsi libéré du travail peut s'adonner, non pas à la
paresse, mais au loisir, c'est-à-dire à l'activité théorétique
(science, philosophie) et à l'activité politique. C'est à cette
condition que l'homme peut réaliser sa nature d'animal politique,
autrement dit de vivre le mieux possible là où les autres animaux
sont réduits à survivre.
*Cependant,
on voit tout de suite que défendre un tel point de vue revient à
défendre, en fait, un modèle de société inégalitaire dans
laquelle les uns travaillent pour que les autres puissent vivre. Ce
qui est le cas de la société grecque antique mais, tout autant, de
la société capitaliste actuelle dans laquelle, nous dit Marx, la
bourgeoisie exploite la force de travail du prolétariat en
l'achetant le moins cher possible (sous forme d'un salaire),
exactement comme n'importe quelle machine. Toutefois, ajoute Marx,
dans la société capitaliste, il y a un statut encore moins enviable
que celui du prolétaire-esclave : c'est celui du chômeur, partiel
ou total, c'est-à-dire de celui qui, ne travaillant plus
suffisamment, voire plus du tout, se voit priver de tout moyen
d'existence dans un système socio-économique ou tout s'achète.
*Hannah
Arendt est la première à regretter que la société capitaliste ne
propose au travailleur qu'une seule alternative : la
consommation comme seule récompense de son effort de production. De
sorte que celui qui travaille beaucoup survit, certes, mieux que
celui qui est privé, contre son gré, de son travail, mais il ne vit
pas mieux pour autant. C'est que, pour Arendt (comme pour Aristote),
ce n'est pas le travail productif qui assure une vie bonne, mais
l'oeuvre (c'est-à-dire la participation à des institutions
culturelles qui assurent la pérennité du monde commun), et l'action
(autrement dit la capacité à prendre des initiatives d'intérêt
général dignes de s'inscrire dans la mémoire collective). En ce
sens, pour vivre mieux, il est effectivement nécessaire de
travailler moins pour oeuvrer plus et agir plus.
2° sujet : Faut-il démontrer pour savoir ?
*Contre les sophistes et les rhéteurs qui prétendent savoir et faire savoir à travers l'exploitation des passions humaines diverses et changeantes et sur la base de sensations illusoires et éphémères, Platon préconise un modèle alternatif : celui des philosophes. Platon assigne à ceux-ci, réputés aimer avant tout le spectacle de la vérité, la tâche de partir de prémisses inconditionnelles afin d'en déduire rationnellement toutes les conséquences, ce qui est le propre même de la méthode démonstrative. D'où la devise de l'Académie (l'école ouverte pour les disciples de Platon) : "que nul n'entre ici s'il n'est géomètre". Autrement dit, il s'agit, effectivement, pour les philosophes, de prendre la démonstration mathématique, éternelle et universelle, pour seul modèle de la vérité et du savoir authentiques.
*Le
problème, avec le paradigme mathématique de la démarche
démonstrative comme seule habilitée à nous délivrer un savoir
digne de ce nom, c'est qu'il enferme, d'emblée, la sagesse dans un
cadre théorique. Ce qui est très curieux si l'on se souvient que
Platon entend confier aux philosophes le gouvernement de la Cité !
Car, nous dit Aristote, la pratique (l'action) ne se déduit pas de
la théorie (la réflexion) de sorte que, si la démonstration reste,
en effet, pour lui aussi, le seul modèle de connaissance théorique
(sophia) valide, en revanche, il n'en va pas du tout de même
pour la connaissance pratique (phronèsis). Celle-ci, tout au
contraire, nécessite une sagacité qui consiste à s'intéresser au
cas particulier et à saisir l'occasion (le kaïros) dans des
circonstances bien déterminées. Bref, la sagesse pratique est une
forme de connaissance qui ne procède pas de manière démonstrative.
*D'ailleurs,
même dans la pure connaissance théorique, il n'est pas du tout
certain que la démonstration soit la seule démarche fiable. Pascal
fait remarquer que les démonstrations mathématiques
elles-mêmes se fondent toujours sur des prémisses axiomatiques qui
sont vraies sans être démontrables. Refuser cette évidence, nous
dit Pascal, c'est exiger que toute affirmation soit démontrée, et,
comme c'est matériellement impossible (toute proposition Pn
devrait se déduire d'une proposition Pn-1 et ainsi de
suite à l'infini), c'est la porte ouverte au scepticisme : plus rien
n'est vrai, plus rien n'est connu. Voilà pourquoi Pascal souligne
que, y compris dans la connaissance théorique la plus rigoureuse, la
raison démonstrative s'appuie nécessairement sur des connaissances
indémontrables (senties par le coeur, dit-il).
3°
sujet : Texte de Machiavel tiré du Prince.
Avons-nous une prise sur le destin et le hasard ? Dans la mesure où il se produit de plus en plus d'événements imprévisibles, on est tenté de conclure que le monde est gouverné par Dieu (le destin) ou par la fortune (le hasard). Et qu'en conséquence c'est peine perdue que de faire effort pour tenter de maîtriser les événements et qu'il est préférable de se laisser aller au fatalisme. Sans nier l'existence du destin ni du hasard, il est possible, néanmoins, de cultiver une vertu particulière qui consiste, non à empêcher la survenance d'événements qui nous dépassent, mais plutôt d'en tirer parti, un peu à la manière dont les ingénieurs n'empêchent pas les crues fluviales mais atténuent pourtant leurs effets dévastateurs en les anticipant afin de construire des ouvrages propres à canaliser les eaux. Car c'est seulement en l'absence de cette vertu que le destin et le hasard est à redouter.
SERIE
ES
1°
sujet : Savons-nous toujours ce que nous
désirons ?
*Pour
Spinoza, le désir est l'expression proprement humaine du conatus,
c'est-à-dire de l'effort que fait tout être pour persévérer dans
son être. Sans désir, nous ne pourrions même pas exister. Donc, en
désirant, nous faisons effort pour acquérir ou conserver ce que
nous croyons devoir, sinon augmenter, au moins maintenir notre
puissance d'exister, et, a contrario, nous faisons effort pour
éviter ou détruire ce que nous croyons devoir, sinon réduire à
néant, du moins diminuer notre puissance d'exister. En d'autres
termes, désirer, c'est aimer ou haïr quelque chose ou quelqu'un. En
ce sens, nous savons, effectivement, ce que nous désirons, même si,
précise Spinoza, cette connaissance est souvent le degré le plus
faible de la connaissance (ce que Spinoza appelle l'imagination).
*Cela
dit, on peut se demander si ce degré minimal de connaissance de
l'objet de notre désir mérite toujours d'être qualifié de
connaissance. En effet, non seulement notre conscience n'est pas
toujours utile à notre désir, mais elle peut même lui être
nuisible quand elle s'accompagne de calculs ou de scrupules qui en
retardent la satisfaction. Aussi la psychanalyse préfère-t-elle
parler de pulsion, c'est-à-dire de la forme instinctive du désir
chez tous les êtres vivants. La pulsion est donc, pour Freud, comme
pour Spinoza, un désir d'aimer ou de haïr mais sous l'aspect
primitif et inconscient de la sexualité et de l'agressivité. De
telles pulsions sont d'autant moins conscientes que le psychisme en
refoule spontanément certaines manifestations les plus
problématiques pour la vie sociale pour, éventuellement, les
sublimer ensuite sous la forme d'activités sociales valorisantes et
valorisées.
*Toutefois,
si tous nos désirs sont réputés originellement inconscients et
leur objet soit inconnaissable, soit connaissable uniquement par la
psychanalyse, alors que dit-on lorsqu'on dit "je désire a"
(où a est un objet quelconque) ? Girard dit que nous savons,
certes, que nous désirons a mais nous ne savons presque
jamais pourquoi nous le désirons. Or, ce pourquoi nous désirons a,
c'est finalement, pour ressembler à quelqu'un, disons b, que
nous prenons pour un modèle de vie. En ce sens, lorsque nous
désirons a, c'est être b que, finalement, nous
désirons. Le mécanisme du désir, nous dit Girard, c'est le
mimétisme social et ce mécanisme est largement inconscient. Aussi
savons-nous toujours ce que nous désirons avoir (ou ne pas avoir)
mais presque jamais ce que nous désirons être (ou ne pas être).
2°
sujet : Pourquoi avons-nous intérêt à
étudier l'Histoire ?
*A
première vue, nous étudions l'histoire comme nous étudions la
géographie. C'est-à-dire que, de même que la géographie nous fait
connaître comment vivent les hommes dans un autre espace que celui
que nous habitons, de même l'histoire nous fait connaître les
conditions d'existence des hommes dans un temps autre que celui où
nous vivons. En ce sens, l'histoire est un compte-rendu d'expérience
que la division sociale du travail met à la portée de tous : des
spécialistes (les historiens) ont l'expérience directe d'un certain
nombre d'indices (des reliques, des vestiges, des témoignages, des
représentations, etc.) qu'ils consignent en des documents qu'ils
portent ensuite à la connaissance de ceux qui ne peuvent les
percevoir directement. Pour Hume et les empiristes, donc, nous
prenons un intérêt tout intellectuel à l'étude de l'histoire
comme récit des ressorts réguliers de l'existence humaine.
*Il
est toutefois un peu simpliste de croire que la connaissance
théorique puisse, à ce point, être déconnectée de la pratique.
Car, ce qu'enseigne l'histoire de l'humanité, si on la regarde
globalement et non ponctuellement, c'est qu'elle n'est, comme le dit
Marx, que l'histoire de la lutte des classes. Cela veut dire que,
vers quelque époque que l'on se tourne, on tombe toujours sur des
conditions d'existence marquées par l'exploitation d'une classe
sociale dominée par une classe sociale dominante et, par conséquent,
sur des tensions et des luttes afin, pour les uns, de vivre mieux,
et, pour les autres, de conserver leurs privilèges. En ce sens, loin
de n'être qu'un récit à prétention intellectuelle, l'histoire est
un mouvement qui structure l'existence de toute société humaine. De
sorte qu'en l'étudiant, on se prépare soi-même à participer à la
lutte des classes.
*Le
problème, c'est que, à supposer que l'étude de l'histoire soit
nécessaire à l'intégration des individus dans un mouvent social
émancipateur ou, au contraire, réactionnaire, il ne suffit,
manifestement, pas de savoir ce qu'il faut éviter pour l'éviter, ni
de savoir ce qu'il faut faire pour le faire. En revanche, nous dit
Hannah Arendt, la connaissance de l'histoire commune nous permet de
forger notre identité collective exactement de la même façon
qu'une biographie permet de constituer une identité individuelle. De
sorte que l'histoire reste, fondamentalement, un récit, mais un
récit qui qui a pour fonction d'indiquer aux nouveaux venus dans une
communauté donnée (enfants, immigrés) ce qu'il convient de ne pas
oublier afin que chacun puisse, à son tour, apporter sa propre
contribution au monde commun.
3° sujet : Texte de Descartes tiré des Principes de la Philosophie.
Dans quelle mesure l'erreur est-elle volontaire ? Pour Descartes, l'erreur se définit comme un excès de notre volonté infinie (qui, nous dit-il nous rend en quelque manière semblable à Dieu) sur notre entendement fini. D'où le paradoxe : si on se trompe, si on est trompé, c'est, au fond, qu'on l'a bien voulu. En effet, si personne n'a la volonté explicite de se tromper ou d'être trompé, il se trouve que la plupart d'entre nous donnons néanmoins notre assentiment à des idées qui ne sont ni claires ni distinctes. En d'autres termes, même si nous ne voulons pas expressément nous tromper ou être trompés, nous n'hésitons pas, cependant, à affirmer ce dont nous ne sommes pas certains. Et ce risque inconsidéré, nous dit Descartes, est toujours pris par manque de méthode.
SERIES TECHNOLOGIQUES
1° sujet : Pour être juste, suffit-il d'obéir aux lois ?
*Pour
Hobbes, il n'y a pas de justice sans lois positives (c'est-à-dire
sans lois juridiques portées à la connaissance de tous). En effet,
dans l'état de nature, qui est un état de guerre de chacun contre
chacun, règne ce qu'on appelle la "loi de la jungle". Ce
qui veut dire que tout être vivant fait tout ce qu'il est en sa
puissance physique de faire pour survivre : les plus forts y
parviennent, les moins forts périssent. Non seulement il n'y a là
aucune injustice, mais, comme le montrera Darwin deux siècles après
Hobbes, ce struggle for life permet, en outre, de fortifier
l'espèce par sélection naturelle. Pour qu'il y ait injustice,
souligne Hobbes, il faut d'une part une société instituée, d'autre
part qu'un membre de cette société (donc un être humain) fasse ce
qui est interdit ou ne fasse pas ce qui est prescrit par une loi.
*Le
problème, c'est que l'obéissance de certains collaborateurs du
régime nazi aux lois imposées par ce régime pendant la dernière
guerre a été, en général, jugée injuste et condamnée par divers
tribunaux après l'abolition desdites lois. Il leur a été reproché
de ne pas avoir compris que les lois raciales auxquelles ils ont obéi
étaient illégitimes tout en étant formellement légales. Il existe
donc, nous dit Rawls, un droit et même un devoir de désobéissance
civile pour tout citoyen qui, sans contester l'ensemble du régime
politique (et donc entrer en dissidence ou en résistance) constate
néanmoins qu'une ou plusieurs loi(s) contrevien(nen)t aux principes
deux principes de la justice que sont l'égalité politique de droits
pour tous et l'organisation des inégalités économiques au bénéfice
des plus faibles.
*Si
on peut être injuste en obéissant strictement à la loi, on peut, à
l'inverse, être juste en interprétant la loi sans l'appliquer à la
lettre. Aristote explique que les seules lois qui se suffisent à
elles-mêmes sont les lois scientifiques parce que les phénomènes
concernés sont immuables. S'agissant des lois humaines, en
revanche, le législateur est dans l'incapacité de prévoir
tous les cas de figure et doit donc se résoudre à n'évoquer que
les cas les plus fréquents. Dès lors, une application juste de la
loi ne consiste pas nécessairement à y obéir aveuglément mais,
souvent, à faire appel à un juge afin d'en interpréter le sens,
c'est-à-dire se demander si telle loi convient ou non à telle
situation qu'elle n'a pourtant pas prévue au départ. Obéir à la
loi ne suffit donc pas pour être juste, encore faut-il y obéir
équitablement.
2° sujet : Pouvons-nous toujours justifier nos croyances ?
*Il semblerait que ce qui caractérise la croyance, ce soit précisément son irrationalité, autrement dit l'impossibilité qu'il y a à justifier ce que l'on croit. C'est, typiquement, le cas pour les croyances religieuses. Mais c'est le cas pour toute forme de superstition en général : aucune démonstration, aucune preuve, aucune justification d'aucune sorte n'abolira jamais la foi du croyant. Croire, dit Alain, c'est toujours croire sans preuve et c'est même croire contre les preuves. A contrario, on ne commence sérieusement à raisonner, non pas quand on justifie ses croyances, mais quand on les rejette purement et simplement : penser, raisonner, c'est dire non à ses croyances spontanées
*Le
problème, rétorquerait Pascal, c'est que rejeter toutes les
croyances au nom de leur injustifiabilité, est complètement
irrationnel car même la raison démonstrative la plus rigoureuse en
oeuvre dans les sciences et les mathématiques, se fonde
nécessairement sur des croyances invérifiables : comment "vérifier"
qu'il n'y a que trois dimensions dans l'espace euclidien ? En fait,
Alain confond justification et vérification : si nos croyances sont,
en effet, invérifiables par définition (si elles étaient
vérifiables, ce ne seraient plus des croyances), en revanche elles
peuvent être justifiées par la fonction qu'elles assument dans
notre vie. C'est le cas de la croyance en Dieu qui, nous dit Pascal,
nous permet de vivre mieux et de ne pas craindre la mort. C'est aussi
le cas des croyances logico-mathématiques qui tiennent le rôle de
prémisses indémontrables (les axiomes) pour tout raisonnement.
*Wittgenstein
ferait remarquer qu'il y a au moins deux sens distincts du verbe
croire dont chacun exige une réponse différente à la question
posée. Lorsque l'on croit en quelqu'un (par exemple en Dieu)
ou que l'on croit à quelque chose (à la fin du monde), la
croyance s'apparente à la foi et est, effectivement invérifiable
mais, comme le remarque Pascal, pas forcément injustifiable. En
revanche, lorsque l'on croit que quelque chose va arriver, on
énonce une possibilité qui peut se réaliser ou non dans le monde
réel : on est alors dans le domaine de l'hypothèse. Or, toute forme
de connaissance scientifique commence toujours par être un tissu de
croyances qui, à la fois, se justifient par l'observation et le
raisonnement, et à la fois se vérifient par l'expérimentation.
3°
sujet : Texte de Merleau-Ponty tiré de Causeries.
1° - L'auteur du texte s'oppose à l'idée que, dans une oeuvre d'art, on pourrait séparer l'objet de la représentation et la manière de le représenter et défend l'idée que le fond et la forme sont, en l'occurrence, indissociable. Il prend l'exemple de la peinture pour dire que, même lorsque le tableau se veut figuratif, on ne peut comprendre ce qui est montré (par exemple, la montagne Sainte-Victoire) indépendamment de la manière de le montrer (par exemple, le style impressionniste de Cézanne). Et c'est encore plus vrai lorsque le tableau n'est pas figuratif (par exemple une oeuvre abstraite) et que, par définition, il n'existe pas, dans le monde réel, d'objet représenté (quel est l'objet représenté par "le carré blanc sur fond blanc" de Malevitch ?) : là, on est bien obligé d'admettre que tout est dans la manière.
2° -
a
- "un spectacle qui se suffit", c'est un spectacle
qui n'a besoin de rien d'extérieur à lui-même, notamment d'aucune
explication ou commentaire supplémentaires (du genre : "ce
tableau représente la montagne Sainte-Victoire"). On pourrait
prendre l'exemple de l'oeuvre musicale qui plaît ou qui déplaît
par elle-même et non par ce qu'elle serait censée "représenter"
b
- "la forme et le fond, ce qu’on dit et la manière dont on
le dit ne sauraient exister à part" : il est, par exemple,
absurde de dire, en face d'un tableau, "oui, c'est pas mal, on
voit bien ce que l'artiste a voulu représenter, mais il aurait pu le
peindre autrement, par exemple en mettant ici un peu plus de bleu,
etc.". Notons que l'auteur emploie ici le verbe "dire"
et non pas "peindre". Que ce soit volontaire ou non de sa
part, cela nous permet, en tout cas de comprendre que ce qui vaut
pour la peinture vaut aussi pour la littérature.
c
- "les meilleures analyses ne peuvent me donner le soupçon
de ce qu’est une peinture dont je n’ai jamais vu aucun
exemplaire" : on peut faire comprendre à quelqu'un qui ne
l'a jamais vue à quoi ressemble la montagne Sainte-Victoire à
partir d'une photo ou d'un souvenir personnel. Mais il est quasiment
impossible de le faire à partir d'un tableau de Cézanne. Et il est
absolument impossible de "décrire" en quoi consiste le
"carré blanc sur fond blanc" de Malevitch. Dans les deux
cas, le seul moyen de savoir ce qu'il y a dans ces tableaux, c'est
d'aller les voir.
3° - Une œuvre d’art a-t-elle pour but de représenter la réalité ?
Platon explique, en prenant l'exemple de l'Iliade d'Homère, que même une oeuvre d'art doit avoir pour fonction de nous instruire sur la réalité, et si ce n'est pas le cas, elle est assimilable aux discours creux et démagogiques des rhéteurs et des sophistes et, à ce titre, non seulement elle ne vaut rien, mais, de plus, elle est nuisible en ce qu'elle nous distrait de la recherche du vrai et, à ce titre, elle est condamnable. Le problème, c'est que, si tel était le cas, il n'y aurait plus, à proprement parler d'oeuvres d'art, mais seulement des documentaires historiques ou scientifiques. Comme le fait remarquer Merleau-Ponty, une oeuvre d'art n'a pas pour fonction de représenter la réalité pour une raison extrêmement simple qui est que matière et forme, objet de la représentation et manière de le représenter y sont indissociables ou, plus exactement, comme le montre l'exemple de la musique, qu'il n'y a pas d'objet de la représentation. On peut quand même se demander d'où nous vient le plaisir esthétique si vraiment l'oeuvre d'art n'a aucun rapport avec la réalité, au moins avec notre réalité subjective à nous. Et en effet, Proust nous explique que si une oeuvre nous touche, c'est toujours parce qu'elle nous révèle à nous-même un aspect de notre personnalité jusque là inconnu et qui consiste en une ou plusieurs expérience(s) marquante(s) que nous avons faite(s), jadis, mais que nous avons oubliée(s) et qui se trouve(nt) ravivée(s) par l'oeuvre d'art (par exemple la littérature et la poésie lorsqu'elles donnent une impression de "déjà vu").
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