Dans
sa
leçon inaugurale au Collège de France,
le
pianiste et musicologue Karol
Beffa pose cette question : "pourquoi
parler de musique ? Ne se suffit-elle pas à elle-même ? En quoi un
discours sur la musique permettrait-il de mieux la comprendre ou de
mieux l’interpréter ? En quoi permettrait-il de mieux l’entendre
et d’en jouir davantage […].
Nombreux sont les courants de pensée qui, au cours des temps, ont
considéré la musique comme une forme d’art qui, d’une manière
ou d’une autre, excéderait et neutraliserait le langage […]. De
nos jours, ces scrupules à discourir sur la musique relèvent plus
de la singularité que de la règle. Car c’est à une véritable
invasion du commentaire sur l’art que l’on assiste, la musique ne
faisant pas exception"(Beffa,
comment
parler de Musique ?).
Or
Vladimir Jankélévitch relève, précisément, de cette singularité
scrupuleuse qui écrit que
"notre
curiosité sera déçue si nous en demandons la révélation à je ne
sais quelle anatomie du discours musical. Mais si nous convenons
enfin qu'il s'agit d'un mystère […]
alors
nous connaîtrons peut-être ce consentement au charme qui est, en
musique, le seul état de grâce"(Jankélévitch,
la
Musique et l'Ineffable).
Nous
allons essayer de montrer
que, si la
logorrhée à
propos, tout particulièrement, de la musique est, de loin, le
meilleur moyen de décevoir
l'amateur de musique,
en revanche la considérer comme un
mystère
requérant
un "état de grâce"
n'est pas non
plus la meilleure manière d'en goûter et d'en faire goûter le
"charme".