mardi 22 septembre 1998

QUELS SONT LES ENJEUX DE LA PHILOSOPHIE ?

Voltaire, dans son Dictionnaire Philosophique, écrit que “il n’y a d’autres remèdes [au fanatisme] que l’esprit philosophique”. Il veut dire par là que l’esprit humain est à la merci d’une maladie spécifique, la superstition, qui l’aveugle et qui, dans les cas les plus graves, dégénère en fanatisme, c’est-à-dire en intolérance à l’égard de ceux qui ne partagent pas le même aveuglement superstitieux. Or, pour se préserver des ravages de cette maladie, Voltaire considère que le seul remède se trouve dans l’esprit philosophique, autrement dit dans une vie de l’esprit selon la raison. C’est dire que Volaire, entre autres, assigne à la philosophie une fonction thérapeutique à l’activité philosophique. Mais, pour être riche de sens, une telle analogie entre la situation d’un corps malade et celle d’une pensée irrationnelle ne nous éclaire pas sur la spécificité thérapeutique de la philosophie. Car après tout la psychiatrie comme la psychanalyse se veulent également des activités curatives pour l’esprit. En somme, quelles sont les finalités dernières propres à la philosophie, bref, quels sont ses enjeux ?

La question de l’enjeu est importante dans la mesure où les problèmes que la philosophie a pour prétention de résoudre ne se posent pas tout seuls mais n’apparaissent tels que par rapport à ce qui est en jeu, c’est-à-dire, littéralement, ce qu’on a à gagner ou à perdre en utilisant l’activité philosophique.


I - ce qui est en jeu, c’est le devoir de vérité de la connaissance.

A - connaître suppose un effort d’attention à ce qui ne m’est pas spontanément donné.

Pourquoi cherchons-nous à connaître sinon parce que nous ressentons, en tant qu’êtres humains, la nécessité de ne pas nous satisfaire de l’apparence qui nous est spontanément fournie par nos sens. C’est parce que ce que je perçois maintenant ne me suffit pas que je m’interroge sur ce que je percevrai demain. C’est parce que ce que je perçois ici ne me suffit pas que je m’interroge sur ce que percevrais ailleurs. C’est parce que ce que je perçois moi ne me suffit pas que je m’interroge sur ce que perçoit autrui.

Autrement dit, c’est parce que ce qui est donné par les sens à moi, ici et maintenant ne me satisfait pas entièrement que j’ai le désir de connaître, c’est-à-dire d’explorer le réseau de relations souterraines de mes perceptions. Connaître suppose donc le désir d’explorer le temps, l’espace et l’autre. Il semble donc clair que ce qui motive mon désir de connaître, c’est bien l’isolement où je me trouve lorsque j’ai conscience d’être confiné dans mon moi-ici-maintenant. Connaître apparaît comme un désir de faire un effort pour rompre mon isolement. Ce que dit Platon dans l’allégorie de la caverne (République, VII) lorsqu’il décrit la condition humaine originelle comme celle d’un être enchaîné au fond d’un trou et occupé à satisfaire ses seuls besoins biologiques. De sorte que connaître est l’activité qui permet d’échapper au strict déterminisme biologique du corps, bref ce qui permet de sortir de son trou. Mais ce désir de connaître n’est qu’un désir de l’esprit, disons d’une capacité intellectuelle qui caractérise l’espèce humaine. Et il est clair que ce désir intellectuel contrarie un besoin au moins aussi fondamental du corps qui consiste à ne pas gaspiller inutilement ses forces physiques. Et on débouche ainsi sur le paradoxe d’une connaissance qui est dans le même temps désir intellectuel de rompre ce que je considère comme mon isolement, et résistance physique à accomplir ce que mon corps ressent comme un effort pour satisfaire ce désir. D’où la question : ce désir intellectuel de rompre mon isolement ne commence-t-il pas par un drame de la rupture ?

B - la connaissance met à l’écart celui qui l’entreprend.

Le premier écart consiste donc dans l’épreuve de la pénibilité que la connaissance impose. Si l’on a le désir de connaître, il est nécessaire en effet de prendre du temps, c’est-à-dire de remettre à plus tard la satisfaction d’un certain nombre de besoins du corps (manger, dormir, se reposer, se détendre, etc.). Ces besoins du corps ne sont pas niés, mais ils se trouvent subordonnés au désir intellectuel de savoir. D’où le sentiment d’un effort physique à accomplir pour connaître : il manifeste un premier écart entre moi comme corps et moi comme esprit.

Un deuxième écart survient dès lors que, si je veux satisfaire mon désir intellectuel de connaissance, je dois publiquement annoncer que je mets en doute ce que mes concitoyens tiennent pour acquis. Connaître, en effet suppose une insatisfaction à l’égard de ce qui se donne à croire spontanément, sans effort. Or ce qui se donne à croire sans effort, ce que je perçois spontanément, n’est pas seulement imposé à mes sens par ma propre constitution physique, mais également à mon intelligence par mon statut social (langage, mythes, croyances, attitudes, etc.). D’où le sentiment d’un effort politique à accomplir pour connaître : il y a cette fois un écart entre moi-même et mes concitoyens.

Mais ce n’est pas tout. Un troisième écart survient lorsque mon désir de connaissance se heurte au problème de l’adéquation entre ce que mon esprit perçoit de la réalité et cette réalité-même. Autrement dit mon désir de connaître, dans sa quête éperdue pour saisir ce qui ne m’est jamais donné, prend le risque de n’être jamais comblé dans la mesure même où la réalité que je vise au-delà des apparences se dérobera toujours d’une manière ou d’une autre. En effet, si je me méfie par principe des apparences qui s’offrent à moi, comment puis-je être sûr que ce que je vise au delà des apparences n’est pas une apparence ? D’où le sentiment d’un effort métaphysique à accomplir : il y a là un écart entre moi-même et la réalité que je vise.

D’où la question : comment résoudre la contradiction d’un désir de rompre l’isolement qui, en fait, commence par isoler celui qui l’entreprend ?

C - la connaissance doit viser la vérité comme une limite indépassable.

Une première solution consiste dans l’encyclopédisme, c’est-à-dire la croyance qu’il est possible de savoir tout de manière définitive. Or cette solution est illusoire parce que si seule une connaissance totale peut me satisfaire, alors je ne serai jamais satisfait parce qu’alors je devrais connaître le tout, la connaissance du tout, la connaissance de la connaissance du tout, etc. à l’infini. La connaissance encyclopédique comme connaissance effective de l’infini, est contradictoire.

Une seconde solution consiste dans le relativisme, c’est-à-dire dans la croyance opposée qu’il est impossible de connaître quoi que ce soit de certain, et donc que toute tentative pour réaliser l’union avec ce qui n’est pas moi est vouée à l’échec. Or cette solution est contradictoire aussi puisque si toute certitude est inaccessible, alors une telle formule ne revêt elle-même aucune certitude. L’absence de certitude est elle-même incertaine et donc une contradiction dans les termes. Nous cherchons alors une connaissance qui soit certaine sans être totale. C’est-à-dire que l’on a besoin à la fois d’un moyen d’étendre la connaissance, toujours fragmentée et donc insatisfaisante, et d’une valeur absolue qui achève l’édifice toujours incomplet de la connaissance. Or ce moyen c’est la philosophie et cette valeur c’est la vérité. Autrement dit la philosophie n’est rien d’autre que cette activité qui pose la vérité comme une limite absolue à rechercher dans la connaissance, et non une borne réelle à atteindre.

Dès lors, la connaissance permet de rompre mon isolement si et seulement si elle s’accompagne d’une activité annexe, la philosophie, qui me fait prendre conscience que l’union que je vise est seulement possible à condition de considérer la vérité non comme un objet à posséder mais comme une tâche à réaliser. C’est pourquoi Aristote dit dans la Métaphysique A,2 : “nous concevons le philosophe comme celui qui peut tout savoir sans avoir pour autant la science de chaque chose en particulier”. Mais ce devoir de recherche d’une vérité absolue par la connaissance suffit-elle à combler mon désir d’union ?


II - l’idéal de vérité de la connaissance dépend de l’idéal de liberté de la conscience.

A - connaître c’est d’abord me rendre compte que je suis dépendant de mon corps.

Si en effet la connaissance exige une prise de distance à l’égard de ce qui m’est donné immédiatement on doit se demander dans quel sens ce qui m’est immédiatement donné m’isole et détermine ainsi le désir de dépassement dont nous avons parlé. Car après tout mes sensations constituent bien l’unité élémentaire de ma connaissance : aussi intellectuelle soit-elle, la connaissance présuppose toujours la sensation comme processus neuro-chimique de codage de l’information à propos de mon environnement, c’est-à-dire de ce qui n’est pas moi. Pourquoi donc cette fonction sensible que l’évolution a spontanément sélectionnée serait-il un facteur d’isolement pour moi, alors qu’elle est apparemment la condition du rapprochement pour les autres espèces vivantes ?

C’est que les informations que nous envoie notre environnement sous forme de sensations me placent devant un nouveau paradoxe. D’un côté elles stimulent mon organisme, c’est-à-dire le sollicitent de telle manière qu’il est incité à réagir selon un processus moteur pré-établi par l’évolution de l’espèce à laquelle j’appartiens. Donc en l’occurrence mes sensations me rapprochent de mon espèce en me faisant participer à ma nature animale. Mais d’un autre côté elles sont le signe de mon imperfection dans la mesure où je me rends compte que je ne vois pas très loin, je ne cours pas très vite, j’ai tout le temps faim, etc. Et donc, par ailleurs, mes sensations font de moi un être conscient insatisfait de se sentir isolé, c’est-à-dire navré d’être à la merci de ses imperfections. Autrement dit, si j’ai le désir de sortir de mon isolement, c’est bien parce que mon esprit se rend compte qu’il est dépendant du fonctionnement d’un corps. Or si l’intérêt du corps est de fonctionner selon un processus spécifique immuable, l’intérêt de l’esprit est, nous l’avons dit, de s’affranchir de cette dépendance spécifique qui nous impose une place définitive dans l’ordre des choses. Bref, mon esprit désire être libre de s’unir à autre chose qu’à mon propre corps. C’est pourquoi le désir de connaître suppose un désir plus fondamental, qui est de savoir comment faire pour me libérer de la contrainte que m’impose le corps.

B- la conscience claire de ce que je suis est donc la condition première de ma liberté.

Il est clair que si mon corps enchaîne mon esprit en ce qu’il me rappelle en permanence mon appartenance à une espèce donnée et en ce qu’il empêche donc mon esprit de satisfaire son désir de connaissance, c’est vers la connaissance de mon corps que mon esprit doit se tourner en priorité. Il s’agit là d’examiner prioritairement quels sont les obstacles que la condition naturelle de mon corps impose à l’exercice intellectuel de la connaissance.

Mais le problème réside bien entendu dans la difficulté pour mon esprit de connaître mon corps. Car enfin de deux choses l’une : ou bien mon corps est un banal objet de connaissance et alors il n’y aucune raison de prétendre qu’il constitue un obstacle à la connaissance, ou bien la dépendance de mon esprit à l’égard de mon corps interdit la connaissance objective de celui-ci (de même que l’oeil permet de voir mais ne se voit pas lui-même). Et dans ce cas on peut se demander comment l’obstacle va pouvoir être surmonté. Autrement dit le problème consiste à se demander de quelle manière le désir intellectuel de connaître va pouvoir s’affranchir du besoin corporel de vivre. Là encore il semble qu’une aide extérieure soit requise sous la forme d’une activité qui exerce la pensée, non pas certes à fonctionner en dehors du corps, mais à douter, c’est-à-dire à mettre en questions les informations que le corps fournit spontanément à l’esprit. Il s’agit donc pour l’esprit qui désire connaître, d’être constamment en éveil, sur ses gardes, afin de toujours considérer comme problématiques les opinions que l’esprit ne peut pas manquer de forger en combinant les sensations brutes d’origine naturelle et les habitudes intellectuelles favorisées par mes pratiques culturelles.

Et c’est précisément dans la philosophie que consiste cette aide extérieure destinée à maintenir la vigilance de l’esprit à l’égard de la facilité spontanée qui consiste à aller toujours dans le sens du plus grand confort du corps. C’est donc parce que le désir d’effort qu’a l’esprit est nécessairement contrarié par le besoin de confort qu’a le corps, que la libération de l’esprit passe par des exercices (en grec askêsis en latin meditatio signifient tous deux “exercice”) d’attention à soi-même. La philosophie est donc cet exercice qui apprend à prendre soin de soi comme composé problématique de corps et d’esprit afin de rendre possible une connaissance vraie. Ce que dit Descartes dans la préface des Principes de la philosophie : “c’est proprement avoir les yeux fermés sans tâcher jamais de les ouvrir que de vivre sans philosopher “. Mais cette liberté absolue d’une conscience qui s’apparaît pourtant comme limitée par la nature du corps suffit-elle à combler mon désir d’union ?


III - l’idéal de liberté de la conscience dépend de l’idéal de justice dans l’action.

A - l’opposition entre corps et esprit n’est qu’une manière commode de parler.

Rappelons-nous ce qui nous donne à penser que, en nous il y a une différence de nature entre le corps et l’esprit. C’est, avons-nous dit, que nous sentons au plus profond de nous une divergence d’intérêts entre un certain besoin de vivre dans le confort et un certain désir de faire effort pour connaître. Or, avons-nous dit, si notre désir de connaître pose problème, c’est qu’il contrarie notre besoin de vivre : d’un côté j’éprouve l’envie de satisfaire mes besoins et donc de me replier sur moi-même, de l’autre j’éprouve un désir de renvoyer à plus tard la satisfaction de ces besoins pour prendre le temps de connaître ce qui n’est pas moi. Il y a donc là toute l’apparence d’une opposition d’intérêts entre désir de l’esprit et besoin du corps.

Mais, avons-nous ajouté, toute tentative pour satisfaire notre désir de connaître, passe obligatoirement par des sensations. En faisant même la supposition que fait Descartes dans sa deuxième Méditation Métaphysique, à savoir que je n’ai pas de corps et que je ne suis donc qu’une chose qui pense, je dois quand même reconnaître (avec l’aide de la science moderne) que ce qui se passe dans mon cerveau lorsque je pense, n’est pas d’une autre nature que ce qui s’y passe lorsque j’éprouve un besoin corporel. Dans les deux cas en effet c’est par le moyen du corps que j’éprouve la sensation de manque engendrée par l’insuffisance. Dans les deux cas, c’est par le moyen de l’esprit que j’en prends conscience et que je tâche de le satisfaire. C’est pourquoi l’opposition entre besoin et désir, entre corps et esprit ne va pas de soi. Comme le dit Spinoza dans la troisième partie de l’Ethique : “le désir est l’essence même de l’homme [...] il est l’appétit avec conscience de lui-même”. Ce qui signifie deux choses : premièrement que le désir appartient à la nature même de l’homme, c’est-à-dire que c’est le désir qui mobilise la totalité de ses comportements, qu’ils soient corporels ou intellectuels ; deuxièmement qu’il est vain de se demander si le désir manifeste l’intérêt plutôt du corps ou plutôt de l’esprit puisque justement tout comportement le présuppose. Mais alors, si tout désir manifeste à la fois un besoin corporel et une conscience intellectuelle comme deux aspects indissociables de ma nature, d’où vient que mon esprit se sente isolé et contrarié par mon propre corps ?

B - ma conscience du temps me montre la contradiction de certains désirs.
 
Si un animal n’a pas la faculté de ressentir cette coupure entre le corps et l’esprit, cet isolement de l’individu par rapport au monde c’est qu’il n’a aucune conscience du temps et de l’espace. En effet, dans la mesure où tout désir est l’expression d’une nature, il est aussi dans l’ordre naturel des choses qu’il soit satisfait sans délai. Il est naturel qu’un désir de manger me pousse à chercher de la nourriture ou qu’un désir sexuel me pousse à m’accoupler. Cependant il est tout aussi naturel que mon désir de manger ou de m’accoupler soit différé par un désir plus impérieux de tenir compte d’autrui comme étant le prolongement de moi-même. Car en effet, si je forme avec autrui un même corps et un même esprit, il est naturel que certains désirs de mon corps biologique d’origine ne soient satisfaits qu’après que ceux du corps commun l’aient été.

Autrement dit, ce qui fait que je me sens isolé et qui motive donc mon désir d’union, ce n’est pas tant le fait d’être, comme on le dit parfois, prisonnier d’un corps, c’est plutôt le sentiment que, en attendant un peu, mes désirs pourraient être mis en harmonie avec ceux d’autrui, bref, avec les exigences d’un espace commun à moi et à autrui. J’ai donc le sentiment d’avoir la possibilité d’établir un ordre dans mes désirs, de telle sorte que ceux-ci ne m’opposent plus ni à moi-même (par le malaise), ni à autrui (par la violence), ni au monde commun (par l’ignorance). Or, cet ordre qui me permet de hiérarchiser les désirs, les Grecs l’ont nommé logos, les Latins ratio, et nous raison. La raison n’est donc rien d’autre que ce pouvoir de co-ordonner mes désirs, de renoncer à leur satisfaction immédiate, quitte à en subir un désagrément momentané, afin de conjuguer ma propre puissance d’agir avec celle d’autrui et avec les autres forces de la nature. La raison n’est donc rien d’autre que cet effort que je dois faire pour, avec le moyen du temps et de l’espace, agir de telle sorte que j’atteigne une plus grande perfection au delà de mon simple corps biologique.

Mais, comme tout ce qui exige un effort, la raison nécessite une activité d’apprentissage à la l’attention de moi-même et d’autrui dans un espace commun. Et c’est en cela que consiste la philosophie dont l’enjeu est, comme le dit Spinoza dans l’Ethique (IV, xviii) “que les hommes cherchent sous la conduite de la Raison ce qui leur est réellement utile [...] et par conséquent soient justes”. On peut donc dire que la philosophie est l’apprentissage même de la raison comprise comme faculté de co-ordonner mes désirs afin de pouvoir agir avec justesse, c’est-à-dire en accord avec autrui et dans un monde commun.


conclusion.

Nous avons donc commencé par voir que c’est parce que le désir de connaissance contenait un paradoxe consistant à isoler celui qui cherche à savoir, c’est-à-dire celui-là même qui cherche à rompre son isolement, que la philosophie est nécessaire en tant qu’elle considère la rupture de l’isolement par la recherche de la vérité comme une tâche infinie, comme une limite indépassable.
Mais comment puis-je connaître vraiment ce qui n’est pas moi si je ne commence pas par faire l’inventaire de mon moi, afin de distinguer entre ce que je maîtrise parfaitement et en quoi je puis avoir pleine confiance, et ce qui échappe à mon contrôle conscient et qui est susceptible de me couper du monde plus que de m’en rapprocher ? C’est en quoi réside le deuxième enjeu de la philosophie comme exercice du doute afin de me libérer des apparences trompeuses.
Cependant, encore une fois, cette conscience d’un désir intellectuel de connaître s’opposant à un désir corporel de vivre m’isole à la fois de mon propre corps et du corps d’autrui. Et, là encore, il est nécessaire de faire appel à une activité qui réconcilie le corps et l’esprit, le moi et autrui, en montrant qu’une telle opposition d’intérêt n’est qu’apparente. C’est donc le troisième enjeu de la philosophie que de permettre la prise en compte rationnelle du facteur temps afin d’agir avec justice, c’est-à-dire d’établir une communauté d’intérêt entre l’esprit, le corps, autrui et le monde.

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