(cf. aussi Extension et Compréhension des Termes Singuliers à Port-Royal)
La Grammaire Générale et Raisonnée (Arnauld et Lancelot, 1660) et la Logique ou l'Art de Penser (Arnauld et Nicole, 1662) font de la proposition le signe du jugement par lequel l'esprit, après avoir conçu (s'être aperçu de) deux idées affirme (donne son consentement à) leur convenance ou leur disconvenance. Une proposition, de ce fait, va consister en deux termes : le sujet duquel il est affirmé ou nié quelque chose et le prédicat (attribut) qui affirme ou nie quelque chose du sujet. On dira ainsi que "tout ce qui est contenu dans l'idée claire et distincte d'une chose se peut affirmer avec vérité de cette chose. Ainsi, parce qu'être animal est enfermé dans l'idée de l'homme, je puis affirmer de l'homme qu'il est animal"(Arnauld et Nicole, Logique ou l'Art de Penser). La proposition affectera donc la forme canonique A est B au sens où l'idée a enveloppe l'idée b, ou encore, en termes de logique des classes, la classe des A est incluse dans la classe des B.
La Grammaire Générale et Raisonnée (Arnauld et Lancelot, 1660) et la Logique ou l'Art de Penser (Arnauld et Nicole, 1662) font de la proposition le signe du jugement par lequel l'esprit, après avoir conçu (s'être aperçu de) deux idées affirme (donne son consentement à) leur convenance ou leur disconvenance. Une proposition, de ce fait, va consister en deux termes : le sujet duquel il est affirmé ou nié quelque chose et le prédicat (attribut) qui affirme ou nie quelque chose du sujet. On dira ainsi que "tout ce qui est contenu dans l'idée claire et distincte d'une chose se peut affirmer avec vérité de cette chose. Ainsi, parce qu'être animal est enfermé dans l'idée de l'homme, je puis affirmer de l'homme qu'il est animal"(Arnauld et Nicole, Logique ou l'Art de Penser). La proposition affectera donc la forme canonique A est B au sens où l'idée a enveloppe l'idée b, ou encore, en termes de logique des classes, la classe des A est incluse dans la classe des B.
"Tout
ce qui est contenu dans l'idée claire et distincte d'une chose",
ou encore "les
attributs qu'elle [l'idée d'une chose] enferme en soi et qu'on ne
peut lui ôter sans la détruire"(Arnauld
et Nicole, Logique
ou l'Art de Penser),
c'est-à-dire, en fait, les idées élémentaires enveloppées dans
une idée claire et distincte, tout cela va constituer la
compréhension ou connotation de l'idée. Dire A
est B
revient donc à affirmer que l'idée b
fait partie de la compréhension ou connotation de l'idée a.
Mais la même proposition peut se lire aussi comme reconnaissant
qu'il existe un sujet A
auquel convient le prédicat B.
Or, en général, plusieurs sujets sont aptes à remplir cette
condition. Aussi appellera-t-on étendue ou extension d'un prédicat
l'ensemble des sujets auxquels est supposé convenir ce prédicat.
Dès lors, si un même prédicat admet plusieurs sujets dans son
extension, il sera qualifié de terme général dans le sens où il
exprimera une idée générale. A
contrario si
un prédicat B
ne se trouve manifestement convenir qu'à un sujet unique A
(autrement dit, si, pour tout a,
a=b
ou a
est vide) on dira que B
est un terme singulier, ou encore, que b
est une idée singulière.
On
voit bien que l'un des pivots de la théorie du jugement est la
dualité extension-compréhension en fonction de laquelle un prédicat
donné et un sujet donné seront dits convenir ou disconvenir l'un à
l'autre. C'est pourquoi Port-Royal va mettre en oeuvre toute une
pragmatique de restriction de l'extension et, corrélativement,
d'enrichissement de la compréhension en accord avec la nature de
l'entendement humain. Ainsi, la Logique
ou l'Art de Penser
définit, parallèlement à l'opération d'enveloppement des idées
(d'inclusion en termes de classes), une autre opération sur les
idées que l'on peut appeler somme ou adjonction. C'est une opération
telle que, pour toute idée a
et toute idée b,
a+b
restreint
les extensions à ce qui correspond, en termes ensemblistes, à
l'intersection des extensions respectives de a
et
de b.
Il va en résulter deux sortes d'effets que nous nommerons l'effet de
détermination et l'effet d'explication :
-
la détermination est l'effet de l'adjonction d'une idée b
à une idée a
de telle sorte que, quel que soit a
et quel que soit b,
l'extension de a+b
diffère
en même temps de l'extension de a
et de l'extension de b
(la
classe des A
n'est
pas incluse dans celle des B
ni réciproquement) ; dans ce cas, la combinaison de termes A
est B a
pour but d'appauvrir l'extension de a+b
ou,
ce qui revient au même, d'enrichir la compréhension de a+b
-
l'explication consiste à adjoindre une idée b
à
une idée a
afin que, pour tout a
à condition que b
soit enveloppé dans a
(pour toute classe des B
incluse dans celle des A),
la combinaison A
est B
ne vise qu'à enrichir la compréhension de l'idée a
en
mettant en relief l'idée b
qui y était déjà contenue (enveloppée) sans, bien entendu, cette
fois, affecter l'extension ni de a
ni de b
(puisque, par hypothèse, l'intersection des classes des A
et
de celle des
B
se confond avec la classe des B).
Les remarques précédentes impliquent
- que seuls les termes généraux ont
vocation à être déterminés, c'est-à-dire à voir leur extension
restreinte, tandis que les termes singuliers, par définition, ne
peuvent qu'être expliqués, leur extension étant déjà réduite à
l'unité
-
qu'une combinaison de termes généraux peut toujours, en théorie,
être déterminée à exprimer une idée singulière : il suffit pour
cela que la détermination soit poussée suffisamment loin pour que
la nouvelle idée (a+b)
ne convienne plus qu'à un seul sujet réputé dès lors complétement
déterminé
-
qu'un terme singulier, au sens de la Logique
ou l'Art de Penser,
ne présume aucune entité empirique à quoi elle se référerait
puisque l'application à une idée générale d'une procédure de
détermination complète est une condition suffisante pour obtenir
l'idée d'un sujet logiquement unique, ce qui signifie qu'il n'est
pas nécessaire de concevoir une relation causale entre l'entité
physique et l'idée singulière de cette entité.
Les noms propres.
Reprenant la conception augustinienne du
signe, la Grande Perpétuité d'Arnauld et Nicole fait du
signe "un objet qui imprimant dans les sens une certaine
espèce, en fait concevoir une autre à l'esprit". Il semble
donc que, conformément à une hypothèse formulée par Foucault dans
les Mots et les Choses, un signe A quelconque est le
signe de trois idées différentes :
- certes de l'idée a' de cette
chose C qui est l'occasion du signe matériel A (bien
que le toutes les versions du dualisme corps-esprit exclue tout
rapport de causalité et, a fortiori, de ressemblance entre a'
et A)
- mais aussi l'idée a'' du
signe A lui-même en tant que doté des mêmes propriétés
matérielles que la chose a'
- enfin l'idée a''' du rapport
de représentation qui, sans être causal, est néanmoins sensé
exister entre la chose C signifiée in fine et son
signifiant A sans que, pour autant, a''' enveloppe a''
et a' sous peine de rendre incompréhensible tous les
problèmes liés à l'arbitraire du signe (contingence,
conventionnalité, polysémie, etc.).
Cela dit, le fait qu'un signe A
exprime les idées a', a'' et a''' plutôt
qu'une idée unique a implique plutôt que si un être pensant
est affecté à l'instant t par une occurrence du signe A,
alors ce signe exprimera en t l'idée a' pour les
raisons a'' et a''', c'est-à-dire comme si cet être
pensant avait été placé en t en présence de C au
lieu de n'être qu'en présence de A.
Dès lors, on appellera nom propre un
signe qui satisfait trois conditions :
- c'est d'abord un signe dans la mesure
où il exprime les trois sortes d'idées évoquées supra
- mais c'est aussi un nom dans la
mesure où l'idée a' de la chose C est une idée de
substance et non pas, comme c'est le cas pour les verbes et les
adjectifs (nota : conformément à ce qu'autorise la grammaire
latine, les logiciens de Port-Royal transforment tous les verbes en
adjectif verbal précédé de la copule être)
- enfin c'est un terme singulier dans
la mesure où l'extension de a' est à ce point déterminée
qu'elle est unique et ne peut donc plus être qu'expliquée.
On peut évidemment se demander si le
nom propre de Port-Royal ressemble plutôt à un désignateur rigide
au sens de Kripke ou plutôt à l'abréviation d'une description
définie au sen de Russell. À l'appui de la première interprétation
possible, on dira qu'en tant que signe d'une substance individuelle
clairement et distinctement conçue, le nom propre est le signe
exclusif d'un individu et d'un seul, toujours le même, quelles que
puissent être les circonstances du discours. On serait donc tenté
de dire qu'il désigne le même individu dans tous les mondes
possibles. Mais on objectera à bon droit qu'en tant que terme
singulier, le nom propre est réputé complètement déterminé de
telle sorte que l'idée singulière qui lui est associée connote
nécessairement la totalité des attributs d'un individu donné. Dans
l'Analyse du Langage à Port-Royal, J.-C. Pariente se demande
comment par exemple juger de la vérité de la proposition Jansénius
est hérétique autrement qu'en énumérant tous les attributs
faisant partie de la compréhension de l'idée de Jansénius.
Car si on y trouve l'idée d'hérésie, tout ira bien et notre
proposition sera vraie. Mais que conclure si l'on ne l'y trouve pas ?
Il semble donc que, sans déroger au principe qui veut qu'une
proposition ne soit jamais vraie qu'à condition que son attribut
fasse partie de la compréhension de son sujet, il faille néanmoins
traiter le nom propre autrement que comme une simple disjonction de
propriétés descriptives.
Les descriptions définies.
Disons tout de suite que les deux angles
sous lesquels Port-Royal aborde le problème des descriptions
définies préfigure la distinction moderne (celle de Donnellan
notamment) entre l'usage attributif et l'usage référentiel des
descriptions. Et la raison de l'intérêt précoce pour cette
distinction est directement en rapport avec l'épisode historique
connu sous le nom de Jansénisme. Jansénius, qui discutait avec une
certaine ambiguïté dans son Augustinus la conception
augustinienne de la grâce, fut accusé par ses détracteurs
d'insinuer que le Christ ne serait pas mort pour racheter les péchés
de tous les hommes mais uniquement de ceux qui n'étaient pas
destinés à être damnés. Les adversaires de Jansénius
s'empressèrent de déclarer hérétique une telle doctrine (que
Jansénius attribuait à Augustin), au point que les autorités
ecclésiastiques exigèrent que de la part du clergé la signature
d'un document, tout aussi ambigu, mentionnant explicitement la
proposition [le sens de] la doctrine de Jansénius est hérétique.
Le débat philosophique qui s'éleva alors à Port-Royal concerna
tout autant le fait même de cette proposition (le problème de
l'hérésie) que son droit (l'attribution de l'hérésie à cette
position ambiguë de Jansénius). À cet égard, pour Pascal et
Domat, par exemple, qui avaient une lecture référentielle de la
formule d'engagement exigée, signer impliquait la condamnation de la
doctrine de Jansénius quelle que fût par ailleurs sa véritable
doctrine une fois purgée de son ambiguïté, tandis que pour Arnauld
et Nicole, qui en faisaient une lecture attributive, signer
n'impliquait que la condamnation d'une certaine doctrine. Les
premiers s'en tinrent aux faits et à la lettre du texte et
refusèrent de signer. Les seconds plus sensibles au droit et à
l'esprit du document acceptèrent. Quels étaient leurs arguments ?
Soit donc la proposition [le sens de]
la doctrine de Jansénius est hérétique. Cette proposition pose
deux problèmes distincts. D'abord, comme l'ont remarqué ces
Messieurs de Port-Royal, l'idée exprimée par le sujet ([le sens
de] la doctrine de Jansénius) et celle exprimée par le prédicat
(est hérétique) sont de nature différente : la première
est une idée de fait en ce qu'elle a été forgée par la raison
humaine (c'est une idée factice, dirait Descartes), la seconde une
idée de droit en tant qu'elle se rapporte à un entendement divin
(une idée innée, dans le vocabulaire cartésien). Et, deuxième
problème : il va s'agir de déterminer la convenance ou la
disconvenance de ces deux idées hétérogènes, autrement dit la
portée exacte de la description définie constituée par [le sens
de] la doctrine de Jansénius : en gros, est-ce qu'on doit
comprendre que la doctrine de Jansénius, quelle qu'elle soit, est
hérétique, ou bien doit-on le penser de cette doctrine-ci et de
celle-ci seulement qui est mentionnée (peut-être par erreur ou
malveillance) par les autorités ?
Pour Arnauld et Nicole, il ne fait pas
de doute que l'idée d'hérésie ne peut pas réellement être
enveloppée par l'idée de [sens de] la doctrine de Jansénius. D'une
part, en effet, ce serait supposer que Jansénius méconnaît la
différence entre la nécessité des innées innées d'origine divine
qui établissent ce qui est de droit (en l'occurrence, ce qui est
hérétique et ce qui ne l'est pas) et la contingence des idées
factices d'origine humaine qui ne décrivent que des faits (en
l'occurrence la position de Jansénius à l'égard de la grâce), de
sorte que Jansénius ne peut pas réellement être supposé adopter
une position contraire à l'orthodoxie augustinienne et que donc
seule une série de maladresses de l'auteur a pu conduire à de
telles interprétations. D'autre part, il est probable que si le Pape
avait réellement voulu condamner toute doctrine de Jansénius,
quelle qu'elle fût, il l'aurait fait explicitement en ces termes et
que c'est Jansénius qui eût été déclaré hérétique, de sorte
que l'intention du Souverain Pontife n'a été, en fait, que de
profiter de l'occasion offerte par l'ambiguïté du texte de
Jansénius pour prévenir, en quelque sorte, toute dérive doctrinale
dans ce contexte historique tendu qui est celui de la Contre-Réforme.
Ce qui est intéressant ici, c'est
qu'Arnauld et Nicole font une analyse pragmatique de deux actes de
langage (le texte de Jansénius et celui du Pape) en évitant de ne
se référer qu'au sens littéral (à la lettre) des termes employés.
Ils remarquent ainsi que les termes en forme de description définie
"sont aussi fort sujets à être équivoques par erreur [...]
car, quoique ces termes soient déterminés par des conditions
individuelles [...] néanmoins ces mots peuvent facilement être
attribués à plusieurs"(Arnauld et Nicole, Logique ou
l'Art de Penser). Or, justement, cette remarque montre que
l'équivoque ne peut être d'origine sémantique, puisque les
conditions de vérité de la proposition [le sens de] la doctrine
de Jansénius est hérétique sont supposés complétement
déterminés par la compréhension de l'idée singulière [le sens
de] la doctrine de Jansénius. L'équivoque se situe au niveau
pragmatique des circonstances de l'énonciation : pour savoir à
quoi, en l'occurrence, fait référence la description [le sens
de] la doctrine de Jansénius, il faut donc sur-déterminer, en
quelque sorte, l'idée singulière qui, de fait, demeure confuse tout
en étant claire.
Pascal et Domat au contraire font une
analyse uniquement sémantique de la situation. Pour eux, c'est dans
la lettre et non pas dans l'esprit que la véritable doctrine de
Jansénius est tout à fait conforme à l'orthodoxie doctrinale de
l'Église Catholique Romaine. C'est pour cette raison qu'il ne faut
pas signer un document qui, toujours à la lettre, attribue à [le
sens de] la doctrine de Jansénius une propriété (l'hérésie)
qu'elle ne possède pas. Le fait de signer le formulaire impliquerait
pour eux la condamnation de [le sens de] la doctrine de Jansénius,
quel(le) qu'il(elle) puisse être, au motif que la contribution de la
description [le sens de] la doctrine de Jansénius à la
proposition [le sens de] la doctrine de Jansénius est hérétique
doit se limiter à ses conditions de vérité. Finalement, Pascal et
Domat s'opposent à Arnauld et Nicole sur deux points :
- ils nient que la distinction entre ce
qui relève du droit et ce qui relève du fait soit épistémiquement
pertinente dans la mesure où la vérité d'une proposition ne peut
être qu'absolue et non relative aux circonstances de l'énonciation
- ils nient corrélativement qu'un
terme singulier ait besoin d'être sur-déterminé et donc, refusent
explicitement qu'une description définie puisse, dans certaines
circonstances, jouer un rôle référentiel, en quoi Pascal et Domat
sont sans doute plus proches que leurs adversaires des fondements
cartésiens de la logique de Port-Royal.
Les déictiques.
Comme les noms propres, les déictiques
sont des signes qui expriment des idées de substance. Mais à
l'instar des descriptions définies, ils sont susceptibles d'une
double interprétation : une interprétation syntaxique selon
laquelle ils sont le substitut d'un nom, un interprétation
sémantique et pragmatique en même temps selon laquelle ils
expriment une idée générale confuse qui doit nécessairement être
déterminée par des éléments de contexte en vue de jouer leur rôle
de terme singulier.
La première interprétation, bien que
peu féconde, est soutenue dans la Grammaire Générale et
Raisonnée par Arnauld et Lancelot : "les hommes [...]
ont inventé certains mots pour tenir la place des noms [...] et de
donner moyen d'en éviter la répétition qui est ennuyeuse".
Ce qui, sous couvert d'en faire un simple artifice de commodité,
complique encore la théorie générale du signe d'après laquelle
tout signe exprime tout à la fois les idées de chose signifiée, de
chose signifiante et de rapport de représentation entre ces deux
choses. En effet, il conviendrait maintenant d'ajouter deux nouveaux
maillons à la chaîne : l'idée de substitut de la chose signifiante
(le nom dont le déictique tient lieu) et celle d'un second rapport
de représentation entre la chose signifiante (le nom) et son
substitut (le pronom). Or, cette complication syntaxique n'est pas
vraiment satisfaisante car, ainsi que le font remarquer Arnauld et
Nicole, "il ne faut pas s'imaginer que [les pronoms] fassent
entièrement le même effet [que les noms] sur l'esprit [car] ils ne
représentent les noms que de manière confuse". Autrement
dit, les deux dernières idées enveloppées par l'idée d'un signe
déictique sont nécessairement des idées confuses.
D'où le recours à la seconde
interprétation qui va consister à donner une définition
satisfaisante du pronom en tant, justement, que ce signe signifie,
par nature, des idées confuses. C'est ce que fait la théorie dites
des idées accessoires exposée dans la Logique ou l'Art de
Penser : "il arrive souvent qu'un mot, outre l'idée
principale que l'on regarde comme la signification propre de ce mot,
excite plusieurs autres idées qu'on peut appeler accessoires,
auxquelles on ne prend pas garde, quoique l'esprit en reçoive
l'impression". Cette conception est importante en ce qu'elle
permet d'abord la transition entre l'approche purement syntaxique et
l'approche sémantico-pragmatique du déictique : en tant qu'il se
substitue à un nom, le pronom, par transitivité de la relation
d'expression, exprime donc l'idée d'une chose signifiée quoique de
manière très générale et confuse : " « hoc »
signifie « haec res », « hoc negotium ».
Or le mot de chose « res » marque un attribut très
général et très confus de tout objet". Mais la théorie
des idées accessoires nous fournit en même temps les éléments de
détermination qui vont permettre au locuteur de réduire l'ambiguïté
qui naît de la confusion, éléments qui ressortissent
contextuellement à l'usage constant et conventionnel des mots
("ceci" n'est pas "cela", "il" n'est
pas "elle", etc.), mais aussi au comportement ostensible du
locuteur ("ceci" s'accompagne souvent d'un geste de
monstration), enfin aux circonstances diverses et variées de
l'énonciation en général (la culture, l'actualité, la réputation
du locuteur, etc.). Les idées qui permettent de déterminer l'idée
générale et confuse de chose signifiée par un déictique doivent
donc être tirées de cela même qui, en l'absence de cette
contrainte de détermination, à savoir des idées obscures et
confuses sans lesquelles les propositions incorporant des déictiques
seraient dépourvus de conditions de vérité et qui, par la grâce
de cette indétermination naturelle, deviennent des facteurs de
clarté et de distinction.
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